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Olivier Gaillard
Question N° 19159 au Ministère de la culture


Question soumise le 30 avril 2019

M. Olivier Gaillard attire l'attention de M. le ministre de la culture sur les inquiétudes relatives à la mise en œuvre du « Pass culture ». Lancé le 1er février 2019 sous forme expérimentale dans cinq départements français (le Bas-Rhin, le Finistère, la Guyane, l'Hérault et la Seine-Saint-Denis) auprès de plus de 10 000 jeunes de 18 ans, le « Pass culture » vise à aider ces derniers à fréquenter les lieux artistiques et à acheter des biens culturels. Développé sous forme d'application mobile géolocalisée, il peut être téléchargé par tout le monde, comme n'importe quelle application, mais est monétisé de 500 euros pour les jeunes de 18 ans. Si l'objectif recherché par la mise en œuvre de ce pass - renforcer l'émancipation et l'autonomie culturelle des jeunes français, engagement fort du Président de la République - est légitime, et s'il est urgent de construire conjointement (réseau institutionnel, compagnies indépendantes, État et collectivités) une nouvelle approche de la jeunesse qui réaffirme l'émancipation culturelle comme objectif, les conditions concrètes de la mise en œuvre du pass soulèvent aujourd'hui quelques questions. Tout d'abord, le dispositif construit l'éditorialisation des contenus à un niveau national par des informaticiens et des statisticiens, là où les acteurs du secteur ont construit une véritable expertise de la médiation artistique avec tous les publics, en tenant compte de la spécificité des projets artistiques et des territoires. En outre, il instaure une politique de réponse à la « demande » et positionne les acteurs du service public de la culture dans une concurrence directe et frontale avec les grands opérateurs du privé et avec les industries culturelles de loisirs, avec un risque que cela renforce les inégalités entre les établissements culturels et profite d'abord aux grandes industries du spectacle et du divertissement et aux géants du numérique, au détriment des plus petits acteurs. Le risque est également présent de remettre en cause les politiques de développement des publics mises en œuvre par les opérateurs culturels subventionnés, dans le cadre de partenariats multiples, et notamment, celui avec les collectivités territoriale. Se pose enfin la question du financement du projet, qui, à budget du ministère constant, nécessitera des redéploiements importants et risque d'affecter les autres politiques et les autres acteurs culturels. Aussi, il souhaiterait savoir s'il entend organiser à l'issue de la phase d'expérimentation une concertation associant l'ensemble des organisations représentatives du secteur, les collectivités et l'éducation nationale, afin de répondre à ces inquiétudes et inscrire le pass dans une politique globale de démocratisation de l'accès à la culture.

Réponse émise le 22 décembre 2020

Le pass Culture est un nouvel outil d'accès à la culture conçu pour les jeunes de 18 ans selon une méthode très pragmatique : il a été co-construit au sein d'ateliers participatifs avec des jeunes, des offreurs culturels, des collectivités partenaires et plus généralement l'ensemble des services publics de proximité au contact des jeunes générations, qui ont soutenu et accompagné les premiers déploiements de ce nouvel outil sur leur territoire. Il n'a pas vocation à remplacer les actions de médiation culturelle très précieuses dans l'accompagnement des jeunes vers la culture et n'a pas vocation non plus à constituer une place de marché qui mettrait en concurrence des offres privées et publiques. Le pass Culture est un outil d'émancipation à l'usage du jeune public conçu pour lui proposer, sous la forme d'une application mobile géolocalisée dont l'usage est familier pour cette génération, une vitrine de la diversité de l'offre culturelle qui s'exprime dans les territoires. La phase d'expérimentation a pu permettre d'ajuster constamment cet outil avec l'aide des jeunes et des offreurs culturels grâce à leurs retours d'expérience. Les offres de proximité géolocalisées et mises en valeur au sein du pass Culture cohabitent par ailleurs avec des propositions numériques et nationales qui font aussi partie du référentiel des jeunes et ne peuvent donc être éludées. Le pass Culture a pour ambition de susciter la curiosité des jeunes et de leur permettre d'approfondir leurs expériences culturelles au-delà des biens ou services qui leur sont familiers, mais sans les exclure d'emblée. L'objectif de diversification des pratiques culturelles est au cœur des réflexions portant sur la généralisation de cet outil. L'impact du pass Culture, véritable instrument permettant l'autonomisation dans les choix culturels à partir de 18 ans, doit en outre être apprécié dans le cadre de la politique culturelle en faveur des jeunes publics, et notamment l'éducation artistique et culturelle (EAC). Il y a en effet un véritable continuum entre ces deux politiques qui doit permettre aux jeunes de s'éveiller à la culture puis d'affirmer leurs choix et leurs goûts de jeunes adultes. Le pass Culture constitue à ce titre un instrument d'observation des pratiques culturelles de la génération des 18 ans et fera l'objet d'évaluations en liaison avec les services d'études et de statistiques du ministère. Des réflexions sont par ailleurs en cours avec le ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports sur l'articulation possible du pass Culture avec la fin du parcours d'EAC dans les dernières années de lycée. Enfin, la contribution financière publique au budget du pass Culture sera maîtrisée, grâce à la participation des acteurs culturels à son financement (il est rappelé notamment que les offres numériques ne sont pas remboursées aux offreurs concernés) et au développement, à terme, de ressources propres. Au terme d'un bilan approfondi, l'objectif est aujourd'hui de pouvoir réunir toutes les conditions permettant une généralisation du pass Culture à l'ensemble des jeunes de 18 ans sur l'ensemble du territoire, en 2021.

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