Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Alexis Corbière
Question N° 19422 au Ministère des armées


Question soumise le 7 mai 2019

M. Alexis Corbière attire l'attention de M. le Premier ministre, suite à la saisine, le 7 mai 2018, du tribunal administratif par l'association Action sécurité éthique républicaines. Cette dernière demande au juge administratif français d'apprécier la légalité des autorisations d'exportations d'armes délivrées par les services du Premier ministre, en direction des pays engagés dans la guerre au Yémen, dont l'Arabie saoudite, l'Égypte et les Émirats arabes unis. Depuis plus de quatre ans la situation ne fait qu'empirer dans ce pays où plus de 22 millions de personnes sont en situation d'urgence humanitaire. Malgré les alertes continues des Nations unies et des ONG sur les graves violations du droit international humanitaire, le Gouvernement continue d'octroyer des autorisations d'exportations d'armes vers ces pays. La note « confidentiel-défense » de la direction du renseignement militaire publiée récemment par le collectif de journalistes Disclose montre non seulement que les armes françaises sont utilisées dans ce conflit, mais que le Gouvernement a en plus connaissance de ces faits depuis au moins octobre 2018. Or la France a ratifié le traité sur le commerce des armes (TCA) des Nations unies, voté à l'Assemblée nationale le 4 décembre 2013. Son article 6 précise pourtant que les exportations d'armes sont prohibées si elles sont susceptibles de « servir à commettre un génocide, des crimes contre l'humanité, des violations graves des Conventions de Genève de 1949, des attaques dirigées contre des civils ». Il lui demande donc de dévoiler les mesures qu'il entend prendre pour que la France respecte ses engagements internationaux. Il en va de la responsabilité de l'État à garantir le bon respect des droits de l'Homme.

Réponse émise le 18 février 2020

Le principe de prohibition régit la politique menée par la France en matière d'exportation d'armement pour l'exportation de matériels de guerre et assimilés vers les territoires non-membres de l'Union européenne, ainsi que les territoires exclus du territoire douanier de l'Union européenne sans autorisation préalable (article L. 2335-2 du code de la défense). Le Premier ministre est l'autorité qui délivre les autorisations préalables d'exportation, après avis de la commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG). Par leur objet même, qui est de fournir des États en équipements militaires, ces autorisations relèvent indissociablement de la politique étrangère de la France. La délivrance de ces autorisations repose sur un ensemble de considérations liées, au premier chef, au respect de nos engagements internationaux, ainsi qu'aux enjeux de stabilité et de sécurité régionales ou internationales, à la lutte contre la prolifération, à la protection de nos forces et de celles de nos alliés. Elle prend en compte par ailleurs, les enjeux économiques, industriels et de renforcement de notre base industrielle et technologique de défense, qui sont l'une des conditions de notre autonomie stratégique et de notre souveraineté. Le respect de la position commune de l'Union européenne 2008/944/PESC du Conseil du 8 décembre 2008 définissant des règles communes régissant le contrôle des exportations de technologies et d'équipements militaires, et du Traité sur le commerce des armes (TCA) entré en vigueur le 24 décembre 2014 est systématiquement observé dans la mise en œuvre de la réglementation relative aux exportations d'armement. A ce titre, le TCA rappelle dans son préambule, le principe du « respect de l'intérêt légitime reconnu à tout État d'acquérir des armes classiques pour exercer son droit de légitime défense [1] et contribuer à des opérations de maintien de la paix, et de produire, exporter, importer et transférer des armes classiques ». La France, à partir d'une évaluation in concreto, apprécie donc, avant toute autorisation, s'il existe un risque manifeste ou prépondérant que les matériels de guerre soient utilisés pour commettre, notamment, des violations graves des droits de l'Homme ou du droit international humanitaire. Or, cette appréciation in concreto est menée dans le cadre de la conduite par le Gouvernement des relations internationales de la France. Elle implique en effet, d'une part, une connaissance précise, acquise par un dialogue avec l'État importateur et grâce à des capacités de renseignement nationales ou d'États partenaires, de l'utilisation que pourraient faire les forces de l'État importateur des matériels livrés et de la façon dont les forces, si elles sont effectivement engagées dans un conflit armé, appliquent les principes de distinction, de proportionnalité, de nécessité et de précaution qui sont au fondement du droit international humanitaire sur les théâtres concernés. Elle inclut, d'autre part, le choix de mettre en place d'éventuelles mesures de remédiation du risque de violation des droits de l'Homme ou du droit international humanitaire (formation, accompagnement à l'appropriation des méthodes et doctrines d'emploi du matériels, restrictions d'usage, démarches diplomatiques etc…). Ainsi cette appréciation, qui est propre à chaque État, peut différer en fonction de sa connaissance de la situation comme des liens qu'il entretient avec l'Etat client (exemple, accord de défense entre l'État exportateur et l'État client constituant un engagement international). S'agissant de la guerre au Yémen, comme pour chaque crise régionale, une attention particulière est portée pour discerner, lors de l'instruction de toute demande d'autorisation, l'ensemble des risques et leurs conséquences potentiellement négatives, en conformité avec les engagements internationaux de la France. Le processus de la CIEEMG reposant sur une analyse au cas par cas systématique des demandes de licence, il permet, dans ce contexte, de cibler spécifiquement les matériels susceptibles d'appuyer l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis dans leur combat contre le terrorisme et pour la sécurité de leur pays. En l'occurrence, il apparaît tout à fait légitime d'autoriser certaines exportations et de considérer, le cas échéant, des mesures de remédiation des risques d'utilisation inappropriée, conformément aux règles et principes fixés par le droit international applicable. La France est particulièrement vigilante sur les risques de détournement vers des tiers des armes exportées, d'emploi d'armements à l'encontre des populations civiles ou dans des conditions contraires au droit international humanitaire. [1] L'article 51 de la Charte des Nations Unies établit un « droit naturel de légitime défense » des États.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.