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Francis Vercamer
Question N° 20002 au Ministère des solidarités


Question soumise le 28 mai 2019

M. Francis Vercamer attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur les signalements récurrents de ruptures de stock de médicaments qui ne cessent d'augmenter. En 2017, l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a reçu près de 530 signalements de rupture de stock concernant des médicaments d'intérêt thérapeutique majeur, produits dont l'absence peut entraîner « un risque grave et immédiat » pour le patient, c'est-à-dire mettre en danger son pronostic vital, soit une explosion de 30 % de ces signalements par rapport à l'année précédente (405 en 2016). Une pénurie qui se traduit notamment par l'incapacité d'une pharmacie à fournir un médicament dans les 72 heures suivant la présentation d'une prescription. Si les hôpitaux peuvent rétrocéder des médicaments pour les patients de ville, ils n'ont aucune directive officielle sur le sujet et sont également confrontés aux mêmes problèmes d'approvisionnement. Dans certains hôpitaux, c'est l'équivalent d'un mi-temps de préparateur en pharmacie qui est occupé à gérer cet enjeu. Publié le 27 septembre 2018, le rapport de la mission d'information du Sénat sur « les pénuries de médicaments et de vaccins » mettait en exergue une sérieuse problématique d'approvisionnement en France, aussi bien pour les médicaments d'usage courant que pour les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur (MITM) avec même, pour ces derniers, une durée moyenne de rupture en 2017 de quatorze semaines. Les facteurs responsables de cette situation sont multiples (approvisionnement des matières premières, distribution vers des pays à prix plus avantageux, augmentation des volumes de vente, production en flux tendus, modification des autorisations de mise sur le marché), et une politique ambitieuse de lutte contre les ruptures de stocks de médicaments est indispensable. Aussi, il lui demande quelles sont les solutions envisagées par le Gouvernement pour pallier l'augmentation des cas de pénurie de médicaments et de lui préciser les moyens dont dispose l'ANSM face à ce type de situation.

Réponse émise le 16 juillet 2019

Les Français sont de plus en plus confrontés aux pénuries de médicaments. Une récente enquête a montré que près d'un Français sur quatre s'est déjà vu refuser la délivrance d'un traitement pour cause de pénurie. Entre 2008 et 2018, ce sont près de vingt fois plus de pénuries signalées, selon les données de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Dans la lutte contre ces pénuries, plusieurs dispositifs juridiques ont été élaborés, pour encadrer et renforcer l'approvisionnement en médicaments. Ainsi, en 2012 puis en 2016, de nouvelles obligations incombant respectivement aux acteurs du circuit de distribution et de fabrication ont été instaurées. Pour répondre aux inquiétudes légitimes des Français et aux sollicitations des professionnels de santé, tout aussi légitimes, la ministre des solidarités et de la Santé a souhaité élaborer une feuille de route concrète et opérationnelle. Le but de cette feuille de route est de promouvoir la transparence et la qualité de l'information, agir sur l'ensemble du circuit du médicament pour prévenir plus efficacement les pénuries de médicaments et mieux coordonner notre action, tant au niveau national qu'au niveau européen. Une nouvelle instance de gouvernance sera installée à l'automne pour enrichir cette feuille de route avec l'ensemble des acteurs concernés. Présentation des quatre axes pour mieux prévenir, gérer et informer les patients et les professionnels de santé : 1. Promouvoir la transparence et la qualité de l'information afin de rétablir la confiance et la fluidité entre tous les acteurs : du professionnel de santé au patient L'Ordre des pharmaciens a développé à partir du dossier pharmaceutique (DP) une plateforme, dénommée « DP-Ruptures », pour permettre aux pharmaciens de signaler les ruptures d'approvisionnement au laboratoire exploitant concerné. Ce partage d'informations portées par le DP-Ruptures doit être élargi à toute la chaîne de distribution incluant les grossistes-répartiteurs et les dépositaires (action 1). En outre, il apparaît nécessaire de diffuser une information adaptée sur la disponibilité des médicaments, des fournisseurs jusqu'aux pharmaciens et vers les patients (action 2). Améliorer la qualité, la transparence et le partage de l'information sur les flux et les stocks de médicaments est nécessaire pour rétablir la fluidité entre tous les acteurs du circuit du médicament. Ces actions innovantes seront destinées d'une part aux professionnels de santé et d'autre part aux autorités publiques compétentes (action 3). Enfin, une expertise sera menée sur l'opportunité de mettre en place un outil partagé de signalement des indisponibilités de médicaments (action 4).L'accès à ces informations permettra ainsi d'améliorer et d'adapter la communication à destination des professionnels de santé et des patients avec l'appui de tous les acteurs du circuit du médicament (fabricants, exploitants, distributeurs et dispensateurs). En premier lieu, il convient de renforcer la communication réalisée par le pharmacien auprès des patients, afin qu'il puisse fournir en temps réel une information fiable et précise sur la disponibilité de son traitement en ville et à l'hôpital (action 5).En outre, cette communication renforcée devra inclure la prévention contre la « iatrogénie ruptures », pouvant être à l'origine d'erreurs médicamenteuses. En effet, en cas de pénurie, certains patients sont susceptibles de remplacer le médicament indisponible par un autre sans l'accompagnement d'un professionnel de santé, ce qui peut être à l'origine d'effets indésirables (action 6). La mise en œuvre d'une communication adaptée à destination des patients nécessite de mobiliser l'ensemble des acteurs notamment les relais sanitaires locaux. Dans ce cadre, la coordination entre l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et les agences régionales de santé (ARS) sera renforcée (action 7). L'ANSM initiera une refonte de son site internet afin de le rendre plus accessible au grand public (action 8). Enfin, sur la base de l'ensemble des informations disponibles sur les pénuries de médicaments, l'ANSM élaborera un bilan annuel pondéré des tensions d'approvisionnement (action 9). 2. Lutter contre les pénuries de médicaments par des nouvelles actions de prévention et de gestion sur l'ensemble du circuit du médicament Afin de lutter efficacement contre les pénuries de médicaments, des actions ciblées et adaptées à chacun des acteurs du circuit du médicament seront menées, de la production du médicament à sa délivrance par le pharmacien. En pratique, la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé va simplifier le parcours du patient. En cas de pénurie d'un médicament d'intérêt thérapeutique majeur (MITM), le pharmacien d'officine pourra remplacer le médicament indisponible initialement prescrit, par un autre médicament conformément à la recommandation établie par l'ANSM (action 10). Le travail préfigurateur sur les anticancéreux, à risque fort de pénuries, effectué dans la cadre du Conseil Stratégique des Industries de Santé (CSIS), sera poursuivi. Il permettra notamment d'identifier les sites de production de principes actifs et de sécuriser l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement sans oublier les procédures d'achat hospitalier avec une attention particulière sur la qualité des prévisions concernant les quantités achetées (action 11). Des travaux seront initiés et menés activement sur les antibiotiques à risque fort de pénurie dans le cadre du comité stratégique de filière des Industries et Technologies de Santé (CSF) et de l'action 37 de la feuille de route interministérielle pour maîtriser l'antibiorésistance (action 12). L'évaluation des plans de gestions des pénuries (PGP) se poursuivra en impliquant dorénavant les patients (action 13). En parallèle, les laboratoires pharmaceutiques commercialisant des médicaments ayant déjà fait l'objet de ruptures devront élaborer un « PGP renforcé » dont le cadre sera défini (action 14). Pour mieux lutter contre les pénuries en établissements de santé, un travail sera conduit sur l'adaptation des procédures d'achat de façon à sécuriser l'approvisionnement en médicaments avec notamment une extension du recours aux appels d'offres avec plusieurs attributaires. Les conditions d'une massification maîtrisée des appels d'offres par segments spécialisés (médicaments monopolistiques versus concurrentiels) seront définies. Enfin, l'opportunité de mettre en place des entrepôts globalisés au niveau des groupements hospitaliers de territoire (GHT) visant à amortir les pénuries sera explorée (action 15).Concernant l'approvisionnement en ville, le travail avec les grossistes-répartiteurs, chargés de l'approvisionnement en médicaments des officines, sera renforcé et mis en œuvre à court terme pour garantir une distribution adaptée (action 16). Enfin, les contrôles des distributeurs en gros, notamment des « short liners », seront renforcés dans le cadre des inspections menées par l'ANSM et les ARS (action 17). 3. Renforcer la coordination nationale et la coopération européenne pour mieux prévenir les pénuries de médicaments Pour renforcer la capacité de régulation des pénuries de MITM par l'ANSM, il est nécessaire de développer des mesures d'anticipation et de renforcer ses pouvoirs de régulation des pénuries (action 18), voire augmenter son pouvoir de sanctions. Une action sera également menée afin de mieux prendre en compte le prix de revient industriel, notamment pour les médicaments anciens indispensables et sans alternative (action 19). Il convient aussi d'expertiser la mise en place d'une solution publique permettant d'organiser, de façon exceptionnelle et dérogatoire, l'approvisionnement en MITM dans les cas d'échec des négociations avec les laboratoires concernés (action 20). La réponse aux pénuries de médicaments ne peut être uniquement française. C'est pourquoi, la prévention et la lutte contre les pénuries doit faire l'objet d'une stratégie européenne, intégrant notamment une harmonisation des réglementations (action 21). En outre, des solutions innovantes et des mesures d'incitations financières et fiscales en faveur du maintien ou de la relocalisation de sites de production en Europe devront faire l'objet de discussions en regard de la nécessaire sécurisation de l'approvisionnement en médicaments. Une cartographie des sites de production potentiels sur le territoire européen devra être partagée (action 22). Les discussions sur l'achat groupé notamment de vaccins essentiels au niveau européen seront poursuivies (action 23). Enfin il est nécessaire de travailler sur le partage d'information concernant les situations et les causes des pénuries à l'échelle de l'Europe pour pouvoir trouver des solutions adaptées (action 24). 4. Mettre en place une nouvelle gouvernance nationale La mise en œuvre et le suivi des actions de cette feuille de route feront l'objet d'un pilotage national, partenarial et concerté dans le cadre d'un comité de pilotage associant, pour la première fois, l'ensemble des acteurs concernés (action 25). Pour mieux tenir compte des enjeux interministériels, une « task force » pilotée par la ministre des solidarités et de la santé pourra se réunir pour concerter les décisions stratégiques entre les différents ministères concernés (action 26).L'ANSM en charge de la gestion au quotidien des ruptures de stock des MITM, prendra au sein de cette gouvernance nationale une place toute particulière, en tant que chef de file des actions de prévention des pénuries des MITM (action 27). A ce titre, elle mettra en œuvre les actions de prévention des pénuries fixées dans son contrat d'objectifs et de performance (COP) 2019-2023. Une évaluation régulière de la feuille de route sera effectuée et un bilan sera publié annuellement (action 28).

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