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Sabine Rubin
Question N° 20007 au Ministère de l'europe


Question soumise le 28 mai 2019

Mme Sabine Rubin appelle l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur l'attitude du Gouvernement vis-à-vis du régime béninois. Patrice Talon, président de la République du Bénin depuis 2016, et investisseur de longue date dans les campagnes électorales de son pays, a progressivement attribué à sa société privée les marchés les plus rentables, notamment ceux ayant trait au coton, et jusqu'à certaines activités censément régaliennes, comme la collecte des recettes douanières. Il est également à l'origine d'une série de lois liberticides, supprimant ou restreignant par exemple le droit de grève pour des secteurs entiers de l'économie, et laissant donc les travailleurs plus vulnérables que jamais face à leurs employeurs. Le terrorisme, dont une actualité brûlante rappelle la présence au nord du pays, est également alimenté par sa décision d'abandonner la sécurité du parc de la Pendjari à des milices privées. Hautement impopulaire, il a également attenté au processus électoral ; sa majorité, composée pour l'essentiel de députés issus d'autres formations, constitue de fait un parti unique : pour exister, un parti doit disposer de plusieurs sièges dans différentes régions, justifier de mille cinq cent adhérents, déposer en son nom, c'est-à-dire sans construire d'alliance, l'équivalent de trois cent mille euros en caution, puis recevoir un certificat de conformité que seul peut délivrer le ministre de l'intérieur. Le pays compte aujourd'hui plus d'une vingtaine de détenus politiques, arrêtés pour certains dans les hôpitaux à l'issue de manifestations réprimées, auxquels s'ajoutent les opposants vivant clandestinement dans leur propre pays, ceux ayant trouvé refuge en France, et ceux s'étant exilés dans les pays voisins. Pourtant, le lundi 5 mars 2018, le Président de la République française déclarait que Patrice Talon était « le bienvenu en France », et qualifiait le Bénin de « stable » et « démocratique », avant d'évoquer les multiples investissements français sur place, c'est-à-dire l'assurance-crédit de cent soixante-quinze millions d'euros de la Banque publique d'investissement pour la construction du centre hospitalier de Cotonou, et les cent un millions de l'Agence française de développement, visant censément à développer le tourisme et à lutter contre le dérèglement climatique. Outre ces participations de la puissance publique, de grandes entreprises françaises ont investi au Bénin, comme le Club Med, ou encore le groupe Safran, Deloitte, et Orange. Aux déclarations du Président de la République française s'ajoute celle du ministère des affaires étrangères qui, le vendredi 3 mai 2019, après que l'armée béninoise a ouvert le feu sur une foule de manifestants pacifiques, renvoyait dos à dos l'opposition et le gouvernement en appelant « tous les acteurs politiques à faire preuve de retenue ». Elle lui demande s'il compte condamner plus fermement et sans ambiguïté les exactions du régime de Patrice Talon, comme il n'hésite pas à le faire pour d'autres régimes, et s'il envisage des pressions économiques par le biais d'entreprises françaises bénéficiant d'aides publiques de l'État, afin d'aider à ce que soit retrouvé le chemin du dialogue et de la démocratie.

Réponse émise le 9 juillet 2019

Le Bénin traverse une période difficile de sa riche histoire démocratique avec la tenue d'élections législatives sans aucun candidat de l'opposition, dimanche 28 avril dernier. Pour ces élections, seuls les deux partis issus des blocs de la majorité présidentielle ont été autorisés à concourir. Selon les autorités, les partis de l'opposition et les autres partis de la majorité n'ont pas respecté les formalités d'accréditation exigées par la nouvelle charte sur les partis politique et le nouveau code électoral. Le taux de participation a été historiquement bas (27 %), alors qu'il était de 66 % aux précédentes législatives de 2015. La Cour Constitutionnelle elle-même a reconnu des "irrégularités et des perturbations" pendant le vote. Le jour du scrutin, Internet et les appels internationaux ont été interrompus. La Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), l'Union africaine (UA), l'Union européenne (UE) et les Nations unies ont regretté le manque d'inclusivité du scrutin et appelé à l'apaisement. La France, dans sa déclaration du 3 mai a déploré le taux de participation historiquement bas, ainsi que l'absence de débat national pour l'organisation d'un scrutin inclusif. Elle a également regretté les violences et appelé à la reprise d'un dialogue constructif entre autorités et opposition. La France continue d'appeler à l'apaisement des tensions, en lien avec ses partenaires béninois, européens et internationaux. Elle poursuit ses messages pour qu'un climat de concorde politique, conforme à la tradition démocratique du Bénin, puisse être restauré.

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