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Jean-Charles Larsonneur
Question N° 20531 au Ministère de l'économie


Question soumise le 18 juin 2019

M. Jean-Charles Larsonneur attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur les profits non déclarés en France par les multinationales. L'évitement fiscal est un phénomène massif mis en lumière par la dernière étude du centre d'études prospectives et d'informations. Ce rapport permet d'en mesurer l'ampleur pour l'année 2015 en France : les profits non déclarés en France atteignaient quelque 36 milliards d'euros, soit 1,6 % du PIB, un montant 30 fois supérieurs à ce qu'il était au début des années 2000. En outre, 9 des 10 premiers pays d'enregistrement des profits manquant en France étaient européens. L'étude évoque trois stratégies de contournement : la manipulation des prix de transfert dans les transactions internationales entre filiales d'un même groupe, la localisation d'actifs immatériels dans des paradis fiscaux, l'utilisation des dettes intra-groupe. Face à l'ampleur de ce phénomène qui conduit à l'érosion de l'assiette de l'impôt sur les sociétés, il souhaite connaître les intentions du Gouvernement à l'échelon national et européen.

Réponse émise le 31 décembre 2019

Pour mieux lutter contre l'évasion et la fraude fiscales, la communauté internationale a renforcé la coopération administrative internationale et la transparence fiscale qui ont fortement progressé avec l'échange automatique sur les comptes bancaires, sur les rulings, et les premiers échanges sur les informations relatives aux déclarations « pays par pays ». L'adoption de la directive sur les déclarations et l'échange des montages fiscaux, en cour de transposition, va également dans ce sens. Par ailleurs, le projet BEPS s'est traduit par la signature d'une convention multilatérale qui a pour objet de modifier les conventions fiscales bilatérales pour mieux combattre les stratégies de planification fiscale qui exploitent les disparités entre législations afin de transférer des bénéfices vers des États ou territoires à fiscalité faible ou nulle. Ces dispositions visent principalement à prévenir l'utilisation abusive des conventions fiscales et le contournement artificiel du statut d'établissement stable. Ces avancées ont permis la mise en place de standards minimum pour mieux lutter contre les situations de fraude et d'évasion fiscales. Toutefois, au-delà des situations de fraude ou d'abus, il apparaît aujourd'hui nécessaire d'adapter les règles actuelles de la fiscalité internationale à l'évolution de l'économie. C'est pourquoi, les 129 membres du cadre inclusif sur l'érosion de la base d'imposition et le transfert des bénéfices de l'organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont adopté le 28 mai dernier un Programme de travail, présenté aux ministres des finances du G20 les 8 et 9 juin à Fukuoka, afin d'aboutir à la conclusion d'un accord consensuel mondial visant à rénover les règles permettant de taxer les entreprises multinationales d'ici la fin de l'année 2020. Le programme de travail, qui structure les discussions au sein de l'OCDE, repose sur deux « piliers » complémentaires. Le premier pilier prévoit une modification de l'allocation des droits d'imposer entre États, pour résoudre les difficultés qu'engendrent les règles actuelles à appréhender correctement les profits réalisés par les multinationales sur un territoire, particulièrement dans le contexte de la numérisation de l'économie. Le second prévoit quant à lui un ensemble de règles visant à garantir une taxation minimale des bénéfices des entreprises multinationales. Lors de la réunion des ministres des Finances du G7 à Chantilly le 17 et 18 juillet 2019, les ministres ont validé le besoin urgent de remédier à ces défis fiscaux. Ils ont déclaré leur soutien à une solution fondée sur deux piliers, le 1er étant destiné, sans renverser les règles de la fiscalité internationale, à mieux taxer la valeur là où elle est créée. Ils se sont accordés sur le besoin d'une solution simple et administrable et sur la nécessité d'un mécanisme robuste, obligatoire et contraignant de résolution des conflits de double imposition afin d'assurer la sécurité juridique des acteurs et assurer la stabilité du système fiscal international. La réunion des chefs d'État et de Gouvernement du G7 à Biarritz des 24 et 26 août a par ailleurs permis pour la première fois une expression de soutien aux travaux de l'OCDE et à son calendrier au plus haut niveau. Sur la base de principes évoqués dans le communiqué de la réunion de Chantilly, l'OCDE s'est engagée à intensifier ses travaux de façon à développer une approche unifiée, concernant le 1er pilier. Cette approche a été présentée aux ministres du G20 lors de leur réunion du 18 octobre 2019. Elle fait également l'objet d'un processus de consultation publique. Elle se fonde sur la définition d'un champ d'activité limité à certains business models, dits « user or consumer-facing » qui inclut les modèles numériques. Seule une portion du profit résiduel ferait l'objet d'une réallocation en faveur des États, indépendamment de la présence physique de l'entreprise. Cette approche constitue une base de travail jugée solide par les États pour progresser. Toutefois, son contour et ses paramètres restent à déterminer et feront l'objet de discussions techniques d'ici 2020. Concernant le second pilier, il s'agit d'un mécanisme permettant l'imposition minimale de profits réalisés par les groupes multinationaux, afin de neutraliser l'incitation à localiser profits et entités dans des territoires pratiquant la sous-imposition pour des motifs fiscaux. L'OCDE travaille sur un ensemble de règles destinées à permettre une application coordonnée par les États. Cette organisation s'apprête à publier prochainement un document plus technique aux fins de consultation.

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