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Stéphane Trompille
Question N° 21004 au Ministère des armées


Question soumise le 2 juillet 2019

M. Stéphane Trompille interroge Mme la ministre des armées sur les capacités de résilience des moyens spatiaux français. Pour mettre en œuvre sa future stratégie de défense spatiale, la France peut s'appuyer sur la dualité des technologies et des compétences caractérisant le secteur spatial. Celle-ci doit permettre d'ériger l'amélioration de la résilience des capacités spatiales comme une priorité stratégique, a fortiori, compte tenu des risques les plus extrêmes inhérents au cyberspace : les risques physiques liés à l'augmentation continuent des risques de collisions avec des débris spatiaux, la prolifération des armes antisatellites, ou encore les risques liés au cyber et au renseignement. Il convient alors d'adopter une approche intégrant la notion de résilience, d'abord utilisée dans la physique puis plus récemment mise en lumière dans le livre blanc sur la défense et la sécurité nationale (LBDSN) et définie comme « la volonté et la capacité d'un pays, de la société et des pouvoirs publics à résister aux conséquences d'une agression ou d'une catastrophe majeure, puis à rétablir rapidement leur capacité de fonctionner normalement, ou tout le moins dans un monde socialement acceptable. Elle concerne non seulement les pouvoirs publics, mais encore les acteurs économiques et la société civile toute entière ». Outre la protection même des satellites, le concept de résilience amène à réfléchir à protéger davantage la mission remplie par ces mêmes satellites plutôt qu'à les protéger physiquement. Le concept de résilience repose sur la capacité d'un système à recevoir les effets d'une quelconque perturbation sans pour autant que la qualité du dit système, cela grâce à une multitude de changements et de réajustements du système pouvant même conduire à l'amélioration de celui-ci. Si la France fait partie des leaders mondiaux dans le secteur spatial, elle n'est aujourd'hui pas en mesure de lutter contre des attaques de nature cyber, l'espionnage ou encore le brouillage. Une meilleure connaissance de la conjoncture spatiale ainsi qu'une aptitude renforcée à réagir, se protéger et s'adapter en cas de menaces envers nos satellites apparaissent comme complémentaires et constituent des objectifs à intégrer dans la réflexion actuellement menée par le groupe de travail du ministère des armées. Il lui demande ainsi de bien vouloir préciser les pistes réflexions d'ores et déjà engagées par le ministère ainsi que l'importance accordée à la coopération européenne en vue de la réalisation de ces objectifs.

Réponse émise le 18 février 2020

Les systèmes spatiaux militaires ont toujours été développés en intégrant une protection face aux menaces potentielles (agression électromagnétique, attaque cyber, explosion nucléaire en haute altitude…). L'excellente disponibilité observée en orbite valide les choix réalisés jusqu'à présent. Cependant, l'accroissement des tensions et la démocratisation de l'accès à l'espace augmentent la probabilité d'une attaque voire d'une agression sur nos capacités spatiales, depuis l'espace lui-même. Elles rendent nécessaire le renforcement de leur protection qui passe par une stratégie reposant sur plusieurs volets. Le premier volet vise à améliorer les capacités de surveillance de l'espace. Pour les orbites basses, le grand réseau adapté à la veille spatiale (GRAVES) est en cours d'amélioration, et doit être remplacé en coopération avec d'autres pays européens dont l'Allemagne, dans le cadre de la loi de programmation militaire 2019-2025. Cette capacité serait complétée par l'achat de services d'imagerie optique ou radiofréquence pour la surveillance des orbites géostationnaires. Le second volet de cette stratégie concerne le renforcement de la protection des satellites. A titre d'expérimentation, des caméras de surveillance seront embarquées à bord des satellites SYRACUSE IV A et IV B afin de détecter un rapprochement d'un autre satellite. Des initiatives sont engagées afin d'améliorer la résistance des prochains satellites face à une agression électromagnétique ou une illumination par laser. Le troisième volet correspond au développement de capacités d'action dans l'espace qui, couplées avec des capacités de détection, permettront d'identifier les satellites inamicaux via un système terrestre et spatial et d'offrir une capacité d'autodéfense et de riposte. Chaque satellite souverain pourrait aussi être doté de moyens d'autodéfense, comme des systèmes d'observation et d'écoute associés à des armes à effet dirigé, ou des satellites compagnons mobiles permettant une surveillance de proximité. Ces moyens de portée limitée pourraient être à terme complétés par des véhicules spatiaux polyvalents à plus longue élongation pour couvrir les orbites basse, intermédiaire et géostationnaire. Le quatrième volet consiste à contractualiser des services auprès d'opérateurs de confiance, dans le domaine de l'observation de la terre via la future constellation Pléiades Neo d'Airbus Defense and Space, et dans le domaine des communications satellitaires, le ministère accédant à un catalogue mondial de ressources civiles. Enfin, le dernier volet vise à favoriser les coopérations. Développées depuis une vingtaine d'années sur la base d'échanges capacitaires, elles doivent désormais concerner le domaine des opérations spatiales. Plusieurs pays européens sont concernés : - l'Allemagne dans le domaine de l'observation via des échanges capacitaires de données d'observation optique et radar (systèmes Hélios, SAR-Lupe, composante spatiale optique de MUSIS et SARah) ; notre coopération porte aussi sur la connaissance de la situation spatiale - l'Italie dans le domaine des satellites de télécommunications (programme militaire SICRAL 2 et dual ATHENA-FIDUS). De nouveaux axes de coopération sont également recherchés. Ces coopérations se sont élargies à la Suède et la Belgique via les programmes CSO. La Norvège est un partenaire potentiel pour accéder à des capacités de télécommunications au-dessus de l'Arctique. Avec le Royaume-Uni, une coopération pourrait se développer dans le domaine des opérations spatiales en lien avec les autres pays du Five-Eyes (Australie, Canada, Nouvelle-Zélande et États-Unis). L'Union européenne (UE) est également concernée. Elle consacrera 16 milliards d'euros entre 2021 et 2027 sur principalement deux programmes, COPERNICUS (observation de la terre) et GALILEO (système de positionnement par satellites). L'enjeu pour le ministère des armées est de garantir le bon niveau de sécurité du signal sécurisé PRS (Public Regulated Service) de GALILEO, de bénéficier du programme de surveillance de l'espace civil EU-SST et du programme de télécommunications gouvernementales par satellites GOVSATCOM. Le nouveau Fonds européen de la défense pourrait également financer le développement de capacités spatiales spécifiquement militaires. Enfin, dans le cadre de l'OTAN, la France participe activement au programme de type Pooling and Sharing (CP130) aux côtés de l'Italie, du Royaume-Uni et des États-Unis, qui permet d'accéder à des ressources en télécommunications spatiales.

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