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Adrien Quatennens
Question N° 22861 au Ministère de l'intérieur


Question soumise le 17 septembre 2019

M. Adrien Quatennens appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur l'urgence d'une meilleure prise en charge des femmes se plaignant de violences conjugales. Chaque année, une femme meurt en moyenne tous les deux jours sous les coups de son partenaire ou ex-partenaire. Au total, en 2018, 121 femmes en ont été victimes. Et loin de diminuer, ces drames se sont multipliés ces dernières semaines. Au 6 septembre 2019, ce sont déjà 101 femmes qui en ont été victimes. Séverine, étranglée avec un foulard par son partenaire en janvier 2019 avait déjà déposé plainte plusieurs fois. Julie, assassinée par son compagnon en mars 2019 avait, elle aussi, multiplié les plaintes. Les voisins de Marie, morte début septembre 2019 sous les coups de son mari avaient déjà signalé les violences dont elle était victime. La force publique semblait disposer d'éléments permettant d'éviter ces drames. En moyenne, seules 14 % des victimes de violences conjugales parviennent à déposer plainte contre les violences qui leur sont faites. Et une toute petite part des procédures parvient à son terme. Le manque de moyens est directement mis en cause. Avec un budget de 30 millions d'euros annuels, la lutte contre les violences faites aux femmes est loin d'être une « grande cause du quinquennat ». En comparaison, l'Espagne y alloue 420 millions d'euros chaque année. Le nombre de féminicides, passé de 71 en 2003 à 47 en 2018, y est deux fois moins élevé. Dans l'état des premières annonces gouvernementales, le Grenelle des violences faites aux femmes ne saurait suffire. Les événements récents ont montré qu'une meilleure formation des personnels de police et de justice est nécessaire. Il l'appelle donc à mettre en place les moyens financiers et humains pour répondre de façon concrète à la détresse des femmes victimes de violences domestiques.

Réponse émise le 19 novembre 2019

Le ministère de l'intérieur travaille de longue date à l'amélioration de la qualité de l'accueil des victimes, dont on sait qu'il est déterminant pour les inciter à déposer plainte et plusieurs dispositifs visent à offrir un accueil et une prise en charge adaptés aux femmes victimes de violences physiques, psychologiques ou sexuelles. Par ailleurs, le ministère de l'intérieur a lancé en novembre 2018 une plate-forme de signalement en ligne des violences à caractère sexuel et sexiste, dispositif commun à la police et à la gendarmerie destiné à faciliter les démarches des victimes (www.signalement-violences-sexuelles-sexistes.gouv.fr). Le « Grenelle contre les violences conjugales », lancé le 3 septembre 2019 par le Premier ministre, doit notamment permettre des avancées en matière de formation des policiers et des gendarmes, avec pour objectif d'améliorer encore l'accueil des victimes. Il s'est dès son lancement traduit par des mesures d'urgence, notamment pour garantir aux femmes victimes de violences une protection tout au long de la chaîne pénale. Un audit de 400 commissariats et gendarmeries a ainsi été lancé, portant sur l'accueil de femmes victimes de violences. A également été décidée l'élaboration d'une grille d'évaluation du danger qui permettra à tout policier ou gendarme de mesurer l'intensité du danger encouru par la victime afin de lui offrir une prise en charge personnalisée. D'ores et déjà, un important effort est consenti en la matière par la police nationale. Les formations dispensées par la direction centrale du recrutement et de la formation de la police nationale s'attachent en effet, de longue date, à prendre en compte la question des violences faites aux femmes et à améliorer la prise en charge de ces victimes. Plusieurs axes de la formation initiale des gardiens de la paix appréhendent le sujet. Le module « Réagir face aux détresses », quoique n'abordant pas spécifiquement les violences faites aux femmes, permet d'acquérir des règles de prise en charge adaptée. Le module « Identifier les modalités de prise en compte des différentes catégories d'usagers se présentant à l'accueil » souligne l'attention qui doit être portée aux femmes victimes de violences et les mesures de nature à évaluer au mieux la gravité des faits et à faciliter le dépôt de plainte. Le module « Identifier les services partenaires et leurs compétences » recense les services et organismes d'aide et d'assistance, notamment en matière de violences conjugales (associations, etc.). En matière de violences intrafamiliale, outre les aspects techniques (modalités d'intervention, identification de l'infraction, etc.), les développements portent sur la spécificité de la prise en charge des violences, notamment sous l'angle psycho-social (mécanismes de la violence conjugale, information de la victime, etc.). Il est aussi rappelé le rôle des structures dédiées : commissions départementales d'action contre les violences faites aux femmes, correspondants départementaux « aide aux victimes », intervenants sociaux et psychologues en commissariat, brigades de protection de la famille, etc. Par ailleurs, à la suite de la loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, un approfondissement de 2h portant sur les caractéristiques de cette catégorie de violences est en cours de finalisation et sera intégré avant fin 2019. Enfin, la spécificité des diligences procédurales est évoquée au cours de cette formation : prise en charge globale de la victime (prise en compte des enfants, orientation vers les dispositifs d'accompagnement et de protection, etc.), préconisation du dépôt de plainte, certificat médical, etc. La formation initiale des adjoints de sécurité aborde aussi la question des violences faites aux femmes, tant dans le module précité « Réagir face aux détresses » que dans le module « Identifier les différentes catégories de public se présentant à l'accueil », qui rappelle aux élèves que certaines victimes nécessitent une attention particulière. La séquence spécifiquement consacrée aux violences intrafamiliales comprend un module intitulé « Distinguer les phases de l'intervention policière en situation de violences intra-familiales ». Dans le cadre de la formation continue, diverses formations transversales intègrent des items sur les violences faites aux femmes. Il en est ainsi des formations spécifiques à l'accueil du public et des formations relatives aux fondamentaux de droit pénal et de procédure pénale (« Recyclages APJ 20 », « Actualisation des connaissances OPJ », « La prise de plainte : l'approche relationnelle et procédurale »). S'agissant des formations qualifiantes, la formation à la qualification OPJ rappelle, à l'occasion de la séquence « CHARLY » qui traite de violences sexuelles, outre le déroulement procédural de l'enquête, les diligences à accomplir, notamment en matière de prise en charge de la victime (adopter une attitude de compréhension et de soutien, favoriser le discours libre, solliciter le ressenti de la victime, etc.). La formation à la qualification de brigadier propose une séquence relative aux violences familiales. Des formations spécifiquement dédiées aux violences faites aux femmes sont également mises en place. Il en est ainsi des formations à destination des policiers spécialisés avec le cursus « brigades de protection de la famille ». La création en 2009 de ces brigades spécialisées s'est accompagnée d'un cursus de formation obligatoire. Construit à partir du cursus suivi par les personnels de sécurité publique affectés en brigade des mineurs, ce cursus a été enrichi d'un volet spécifiquement consacré aux violences conjugales et se compose de plusieurs modules, dont un module « Violences sur conjoint et sur ascendant ». Privilégiant une approche pluridisciplinaire, ces formations ont pour objectif d'optimiser la prise en charge des victimes (en améliorant la compréhension du mécanisme de la violence conjugale, le recueil de la parole des victimes, l'orientation vers des structures adaptées, etc.), tout en relevant les spécificités de la procédure judiciaire (le dépôt de plainte, la situation des enfants, etc.). Animés par un formateur et un psychologue, ces modules sont construits autour d'interventions de professionnels (parquetiers, médecins, associations spécialisées dans les violences conjugales). Des formations spécifiquement dédiées aux violences faites aux femmes sont également mises en place au profit des policiers généralistes. Les services de formation de la sécurité publique et de la préfecture de police proposent ainsi pour leurs personnels affectés en services non spécialisés mais amenés à traiter ce type d'affaires plusieurs formations : « Les violences conjugales : le recueil de la plainte : aspects psychologiques et techniques » ; « Les violences conjugales : techniques procédurales et suites pénales » ; « Accueil du public et assistance des victimes de violences conjugales en sécurité publique » ; « Les violences intra-familiales ». Une formation spécifique est également dispensée aux opérateurs de la plate-forme de signalement des violences à caractère sexuel et sexiste. Le cursus propose une approche globale (formes et mécanismes des violences sexuelles et sexistes, dispositifs juridiques, partenariats, etc.) avec des intervenants spécialisés (mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains, psychiatres, magistrats, intervenants sociaux, réseau associatif, etc.). Dans le prolongement de la loi du 3 août 2018 précitée, une formation dédiée aux victimes d'infractions sexuelles et sexistes a été mise en place par la direction centrale du recrutement et de la formation de la police nationale (DCRFPN). Elle vise à optimiser la prise en compte des victimes en abordant notamment la compréhension du phénomène et des mécanismes psychologiques, la prise en charge de la victime et son orientation auprès du réseau partenarial, la qualification pénale des infractions et les investigations à réaliser. A également été initié un projet de sensibilisation en ligne des policiers aux violences faites aux femmes. Dans le cadre d'actions partenariales pilotées par la société Make.org visant à réduire les violences faites aux femmes, la DCRFPN a été sollicitée pour participer au projet consistant à proposer, à destination des policiers, un programme en distanciel. Ce projet, qui réunit la DCRFPN, l'association Collectif féministe contre le viol et la Coorpacademy, société spécialisée dans le e-learning, a débuté en février 2019 et a vocation, in fine, à être utilisé comme un outil d'information pour sensibiliser à grande échelle les policiers à cette question. La DCRFPN mène également diverses actions partenariales, avec notamment l'intégration des supports pédagogiques de la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF) dans les cursus de formation. En 2013-2014, a ainsi été élaboré et diffusé un kit pédagogique police-gendarmerie sur les violences au sein du couple et les violences sexuelles, préconisant en particulier des pratiques professionnelles pour mieux repérer, accompagner et orienter les femmes victimes. Ces outils ont été diffusés, dès juillet 2014, aux directions zonales au recrutement et à la formation de la police nationale et aux écoles nationales de police afin qu'elles puissent les utiliser comme supports pédagogiques supplémentaires. En 2017, la DCRFPN a été associée à un nouveau groupe de travail initié par la MIPROF visant à améliorer l'utilisation de leurs outils pédagogiques, actualisés et enrichis en 2017. Dès avril 2018, la DCRFPN a diffusé auprès de ses directions zonales le kit de formation. Les outils de la MIPROF sont utilisés tant par les formateurs que par les policiers. Sa documentation relative à l'audition des victimes conjugales ou sexuelles est systématiquement présentée et remise aux stagiaires qui peuvent ensuite l'utiliser à leur retour en service mais également la diffuser auprès de leurs collègues. Cette documentation a, de surcroît, été intégrée sur le site intranet de la direction centrale du recrutement et de la formation de la police nationale. Des journées d'action sont également mises en place en collaboration avec la MIPROF. Les rencontres interprofessionnelles de la MIPROF (21 novembre 2018) permettent de réunir les instances nationales ministérielles, professionnelles, de formation et associatives, pour présenter les travaux menés par la mission au cours de l'année et, notamment, les données épidémiologiques nationales, les supports pédagogiques créés, les actions réalisées en collaboration avec ses partenaires, les échanges de « bonnes pratiques ». S'est par ailleurs tenue, le 4 décembre 2018, à l'initiative de la MIPROF, une journée de sensibilisation des formateurs police-gendarmerie. La DCRFPN a mobilisé pour cette journée des agents de la formation initiale et de la formation continue, des psychologues et des fonctionnaires de police. L'objectif était d'offrir aux formateurs de nouvelles pistes en matière de prise en charge tant des femmes, notamment sur le plan psychologique (psycho trauma) et social (orientation au sein du réseau associatif), que des enfants (impact des violences, mesures de protection, etc.) et des auteurs (mécanismes psychologiques, etc.). Une nouvelle journée de sensibilisation devrait avoir lieu en décembre 2019. Enfin, il convient de souligner que les services de la formation de la police nationale (DCRFPN) participent aux groupes de travail organisés dans le cadre du « Grenelle contre les violences conjugales ». Un groupe de groupe de travail piloté par la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains aborde ainsi deux sujets : l'évaluation du danger et l'amélioration de la qualité des procédures. Un groupe de travail co-piloté par la direction générale de la police nationale et la direction générale de la gendarmerie nationale examine pour sa part les questions d'accueil du public. Un premier bilan d'étape du « Grenelle contre les violences conjugales » a été dressé le 29 octobre, avant la fin de ce processus de travail commun le 25 novembre, journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes.

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