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Laurence Dumont
Question N° 23307 au Ministère des armées


Question soumise le 1er octobre 2019

Mme Laurence Dumont attire l'attention de Mme la ministre des armées sur les ventes d'armes de la France et leurs conséquences dans le conflit au Yémen. Le Groupe d'experts éminents internationaux et régionaux sur le Yémen, créé par le Conseil des droits de l'Homme des Nations unies, a rendu public le 3 septembre 2019, un nouveau rapport accablant. Ce dernier fait état « d'une multitude de crimes de guerre » qui auraient été commis par la coalition menée par l'Arabie saoudite et les forces qui se sont alliées à elle, les Houthis et les forces fidèles au gouvernement yéménite, au cours des cinq dernières années. Le rapport conclut que les parties au conflit sont directement responsables de la situation humanitaire au Yémen. Le Groupe s'est également déclaré vivement préoccupé par le fait que les parties au conflit aient probablement utilisé la famine comme méthode de guerre, dans la mesure où ces actes contribuent à priver la population de biens indispensables à sa survie. Dans ce contexte, les experts onusiens mettent en cause directement les fournisseurs d'armes à la coalition en demandent instamment à ces derniers dont la France de s'abstenir de fournir des armes susceptibles d'être utilisées dans le conflit. Ils ont d'ailleurs rappelé que la France comme les autres États fournisseurs peuvent être tenus responsables, de l'aide ou de l'assistance qu'ils fournissent en matière de transferts d'armes, pour la commission de violations du droit international « si les conditions de complicité sont remplies ». Le 17 septembre 2019, l'enquête #FrenchArms a dévoilé des éléments visuels montrant l'emploi de navires de guerres vendus par la France à l'Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis utilisés dans le cadre du blocus au Yémen, et tandis qu'ils sont maintenus en condition opérationnelle par des entreprises françaises. Il est plus que jamais impératif que la France, et la communauté internationale, prenne des mesures fermes. La France doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher d'autres violations et pour faire face à cette crise humanitaire catastrophique. Aussi, elle lui réitère sa demande de suspension de tout transfert d'armes aux pays de coalition dès lors qu'il existe un risque majeur que ces armes soient utilisées pour commettre ou faciliter des violations graves du droit international et des droits humains et du droit international humanitaire. Elle souhaite aussi rappeler l'urgence de la mise en œuvre de la transparence la plus complète du Gouvernement sur les transferts d'armes de la France à la coalition, et connaître les moyens envisagés par le Gouvernement pour que les parlementaires exercent un contrôle du pouvoir exécutif concernant les ventes d'armes qu'il autorise afin de s'assurer que des armes françaises ne contribuent pas à la commission d'atrocités, violant ainsi les engagements internationaux de la France.

Réponse émise le 18 février 2020

Les autorisations préalables d'exportation de matériels de guerre délivrées reposent sur un ensemble de considérations liées, au premier chef, au respect de nos engagements internationaux, à la lutte contre la prolifération, à la protection de nos forces et de celles de nos alliés ainsi qu'aux enjeux de stabilité et de sécurité régionales ou internationales. Par ailleurs, elles tiennent compte des enjeux économiques, industriels et de renforcement de notre base industrielle et technologique de défense dont dépendent notre autonomie stratégique et notre souveraineté. Le respect de la position commune de l'Union européenne 2008/944/PESC du Conseil du 8 décembre 2008 définissant des règles communes régissant le contrôle des exportations de technologies et d'équipements militaires, et du Traité sur le commerce des armes (TCA) est systématiquement observé dans la mise en œuvre de la réglementation relative aux exportations d'armement. A ce titre, le TCA rappelle dans son préambule le principe du « respect de l'intérêt légitime reconnu à tout État d'acquérir des armes classiques pour exercer son droit de légitime défense et contribuer à des opérations de maintien de la paix, et de produire, exporter, importer et transférer des armes classiques ». Dans le cas, de la guerre au Yémen, comme pour chaque crise régionale, une attention particulière est portée pour discerner lors de l'instruction de toute demande d'autorisation, l'ensemble des risques et leurs conséquences potentiellement négatives, en conformité avec les engagements internationaux de la France. Cette instruction repose sur une analyse au cas par cas systématique des demandes de licence. Dans le cas présent, les pays mentionnés, contraints de défendre leurs territoires face à des agressions territoriales et contre leur population civile, bénéficient également du soutien massif d'autres pays occidentaux. Aussi, il apparaît légitime d'autoriser, de manière ciblée, certaines exportations et de considérer, le cas échéant, des mesures de remédiation des risques d'utilisation inappropriée, conformément aux règles et principes fixés par le droit international applicable. La France est particulièrement vigilante sur les risques de détournement vers des tiers des armes exportées, d'emploi d'armements à l'encontre des populations civiles ou dans des conditions contraires au droit international humanitaire. S'agissant du blocus maritime, il est utile de rappeler que c'est le Conseil de Sécurité, par sa résolution 2216 adoptée le 14 avril 2015, qui a instauré un embargo sur les armes à destination des Houthis et de leurs alliés (en l'occurrence le clan de l'ancien président Saleh, aujourd'hui décédé). Tous les Etats membres et en particulier les Etats voisins du Yémen doivent inspecter les chargements à destination du Yémen en cas de soupçons de non-respect dudit embargo. Ainsi, il n'est pas anormal que la Coalition ait mis en place des inspections des flux de marchandises à destination du Yémen, notamment sur la façade ouest du pays (port d'Hodeïda) dont certaines parties restent sous contrôle houthi. Face à cette situation, l'une des actions de la France a été de proposer de fluidifier ces opérations de contrôle en renforçant le processus UNVIM (UN Verification and Inspection Mechanism) et en le plaçant sous responsabilité onusienne. La création d'une mission onusienne de soutien à l'Accord sur Hodeïda (MINUAAH) doit répondre à cet objectif. Conformément à l'article 20 de la Constitution, « le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation ». Or, par leur objet même, qui est de fournir des États en équipements militaires, les autorisations d'exportation d'armes relèvent indissociablement de la politique étrangère de la France. L'appréciation des demandes d'autorisation est ainsi menée dans le cadre de la conduite par le Gouvernement des relations internationales de la France. En application du principe de séparation des pouvoirs, les licences de transfert ou d'exportation de matériels de guerre et matériels assimilés sont signées par le Premier ministre ou par délégation par la secrétaire générale de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), sur avis de la commission interministérielle pour l'étude des exportations des matériels de guerre (CIEEMG). Le Parlement dispose de plusieurs moyens pour exercer sa mission de contrôle de l'action du Gouvernement dans ce domaine éminemment régalien. Outre l'examen du Rapport annuel au Parlement sur les exportations d'armement de la France, les membres des deux assemblées peuvent auditionner les représentants de l'autorité administrative et poser des questions écrites au Gouvernement sur sa politique de contrôle des exportations de matériels de guerre. Le recours à la mission d'information, à l'instar de celle mise en place par l'Assemblée nationale et portant justement sur le contrôle des exportations d'armement, constitue également un moyen pour le Parlement d'exercer son rôle de contrôle du Gouvernement.

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