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Jean-François Portarrieu
Question N° 25121 au Ministère de la culture


Question soumise le 10 décembre 2019

M. Jean-François Portarrieu attire l'attention de M. le ministre de la culture sur la création du Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM). En effet, l'assemblée générale fondatrice de cette nouvelle instance a eu lieu à Paris. Composée de trois collèges (journalistes, éditeurs et public), elle souhaite se constituer comme un organe professionnel d'autorégulation, indépendant de l'État ; une instance de médiation et d'arbitrage entre les médias, les rédactions et leurs publics et, enfin, une instance de réflexion et de concertation pour les professionnels et de pédagogie envers les publics. Cet organe affirme poursuivre l'objectif de répondre à la crise de confiance du public envers les médias et aux tentatives de manipulation de l'information. Dans ce cadre, il souhaiterait connaître sa position à ce sujet et savoir comment il serait envisageable pour l'État de travailler avec ce Conseil de déontologie journalistique et de médiation, sans en altérer son caractère original et indépendant.

Réponse émise le 16 mars 2021

Comme le montre depuis plusieurs années le sondage annuel réalisé par le journal La Croix, la perte de confiance des Français dans les médias atteint des niveaux préoccupants. Cette défiance n'est pas nouvelle, mais elle est accentuée par la multiplication des sources d'information, la place grandissante des réseaux sociaux dans les pratiques informationnelles et les interrogations relatives à l'impact des fausses informations sur le débat public. La mise en place d'un conseil de déontologie de l'information est une voie parmi d'autres pour renouer le dialogue entre les citoyens et les médias. Un sondage réalisé par Viavoice pour les Assises du journalisme de Tours en 2019 montrait que 74 % des personnes interrogées étaient, à cette date, favorables à la création d'une telle instance. La profession, quant à elle, a toujours été partagée quant à l'opportunité d'un tel projet. Néanmoins, des instances similaires existent dans de nombreux pays au monde et notamment dans 30 des 47 États membres du Conseil de l'Europe comme l'Allemagne, la Grande Bretagne, la Suisse ou la Suède, pays où personne ne conteste que la liberté de la presse soit pleinement effective. Par ailleurs, de nombreuses organisations internationales – telles que l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture, l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, le Conseil de l'Europe et l'Union européenne – préconisent leur mise en place. Pour toutes ces raisons, une mission d'expertise indépendante visant à proposer un cadre pour la création éventuelle d'une telle instance a été confiée en octobre 2018 à Monsieur Emmanuel Hoog, ancien président de l'Agence France-Presse. Dans son rapport intitulé « Vers la création d'une instance d'autorégulation et de médiation de l'information », remis au ministre de la culture le 27 mars 2019, Monsieur Hoog invitait la profession à s'organiser d'elle-même pour mettre en place une instance d'autorégulation, adossée à une structure associative et indépendante des pouvoirs publics. Par la suite et grâce au travail mené par l'Observatoire de la déontologie de l'information, un collectif réunissant journalistes, éditeurs, agences de presse et représentants de la société civile s'est réuni pour instituer une instance tripartite d'autorégulation, dont les membres se répartissent en trois collèges, représentés de façon égale dans les organes de direction : les journalistes, les médias et le public. L'Assemblée générale fondatrice du Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM), dont les caractéristiques répondent très largement aux propositions du rapport d'Emmanuel Hoog, s'est ainsi tenue le 2 décembre 2019. Le CDJM est une instance indépendante, constituée sous forme associative, assurant un rôle de médiation entre les journalistes, les médias, les agences de presse et les publics. Il intervient sur toutes les questions relatives à la déontologie journalistique dont il est saisi ou dont il souhaite se saisir. Ses statuts garantissent son indépendance et prévoient notamment que « Les financements publics ne peuvent dépasser la moitié du budget annuel de l'association, excepté au moment de sa création et pour une durée maximale de trois ans ». Le CDJM n'est pas un ordre professionnel : il ne prononce pas de sanction mais rend des avis publics, consultables sur son site Internet, le média concerné étant en outre invité à informer son public de l'avis rendu le concernant. Pour rendre ces avis, le Conseil se fonde sur les trois textes de référence de la profession, à savoir : la Charte d'éthique professionnelle des journalistes de 1918 (remaniée en 1938 et 2011), la Déclaration des droits et devoirs des journalistes, dite « Déclaration de Munich », de 1971 et enfin la Charte d'éthique mondiale des journalistes de la Fédération internationale des journalistes, adoptée en 2019 à Tunis. Le CDJM revendique par ailleurs sa mission de défense de la liberté éditoriale des médias, dont les choix éditoriaux doivent dépendre du seul directeur de la publication. Il est membre de l'AIPCE (Alliance of independant press councils of Europe), lequel compte 29 membres, dont 19 au sein de l'Union européenne. Au 31 janvier dernier et depuis sa création, 303 saisines ont été reçues au CDJM à propos de 105 actes journalistiques différents. À cette même date, 57 saisines ont été déclarées irrecevables, 22 avis ont été publiés par le Conseil et 36 saisines étaient en cours de traitement. Le Gouvernement encourage cette initiative, qui pourrait très utilement participer à la nécessaire réconciliation des médias avec leurs publics, pour autant que soit toujours garantie l'indépendance de cette instance, notamment vis-à-vis des pouvoirs publics. C'est à la profession, et à elle seule, de s'organiser et s'autoréguler. À la fin de l'année 2020, le ministère de la culture a conclu avec le CDJM une convention pluriannuelle d'objectifs sur une base triennale pour les années 2020 à 2022. Cette convention prévoit que le ministère de la culture apporte un soutien financier au CDJM. Eu égard au poids qu'elle représentait dans le budget prévisionnel du Conseil pour cette année, la subvention accordée pour 2020 revêtait un caractère exceptionnel, traduisant la volonté de l'État de soutenir le lancement de cette initiative, au demeurant fortement troublé par la période de crise sanitaire. Ainsi, en 2020, la subvention allouée par l'État au soutien du financement du CDJM s'est élevée à 60 % de ses recettes totales prévisionnelles, pour un montant de 45 000 €. Pour 2021, il est prévu une participation de l'Etat à hauteur de 33% des recettes prévisionnelles annuelles du CDJM, dans la limite d'un montant maximum de 90 000 €. Pour 2022, cette part est fixée à 25 %, pour un montant maximum de 100 000 €. Les conditions de financement visent à garantir que, conformément à ses statuts, l'aide pérenne apportée au CDJM sera principalement assurée par des ressources non-publiques et prendra essentiellement appui sur les contributions de ses adhérents. Le succès de cette initiative dépendra en effet de la garantie absolue de l'indépendance du CDJM vis-à-vis de toute influence des pouvoirs publics et de sa capacité à assurer son fonctionnement de manière autonome.

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