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François Ruffin
Question N° 25759 au Ministère de l’économie (retirée)


Question soumise le 14 janvier 2020

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M. François Ruffin interroge Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la Légion d'honneur du président de Sanofi. Il lui demande : comment ose-t-elle ? Vendredi 3 janvier 2020, M. le député présentait ses vœux à Abbeville. Sabine est venue le trouver, le visage rougi. Épileptique, elle a pris de la Dépakine, y compris durant sa grossesse. Elle a donné naissance à Anne, vingt ans maintenant, qui souffre d'autisme, et qui, dernièrement, perd la vue, qui sera bientôt aveugle : « Je suis tellement inquiète, je ne dors plus », lui confiait donc la mère. « Tellement stressée que ça me fait péter des muscles. Mon docteur ne croyait pas ça possible. Et tu as vu, ils ont remis la Légion d'honneur au président de Sanofi ? ». M. le député a vérifié sur son portable, aussitôt, et en effet : le président de Sanofi, a été élevé au prestigieux grade de « grand commandeur ». Comment ose-t-elle ? Depuis les années 1980, au moins, Sanofi savait. Depuis le 1er janvier 1982, même, précisément, cela vient d'être reconnu par la loi. Sanofi savait que, prise chez la femme enceinte, la Dépakine engendrait des troubles, des malformations, des cas d'autisme, chez les bébés. Sanofi savait, et ne l'a indiqué que vingt ans plus tard, à partir de 2006. Entretemps, 16 600 à 30 400 enfants, selon l'étude de la Caisse nationale d'assurance maladie et de l'Agence nationale de sécurité du médicament, sont nés handicapés, très lourdement, à vie. C'est le premier scandale, au passé : Sanofi savait. Ce scandale en cache un deuxième, au présent : Sanofi refuse de payer. Car l'État a pris sa part de responsabilité : il a mis en place un fonds d'indemnisation des victimes, via l'Oniam, bien imparfait, bien compliqué, mais il existe. Qu'a alors fait le laboratoire pharmaceutique ? Sanofi, premier responsable sanitaire, a refusé de verser son écot, pas un sou, pas un euro, « contestant fermement les estimations mentionnées dans le rapport de l'ANSM et de la Cnam », au motif que ces « rapports reposent sur des hypothèses invérifiables et vont ajouter de la confusion auprès des patients et des professionnels de santé ». À l'automne 2015, Sanofi est condamné par la justice, dans le cas de Camille, « présentant un syndrome malformatif général, anomalies des membres supérieurs et microphtalmie en particulier ». Que décide la firme ? De faire appel. Et quand la cour d'appel d'Orléans, à son tour, confirme le jugement deux ans plus tard, condamne Sanofi à trois millions de dommages et intérêts, notant que « le produit n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre », que fait le laboratoire ? Il se pourvoit en cassation, et gagne. Pour un détail de procédure, de forme, même si la cour reconnaît sa faute sur le fond. Si l'on ferme les yeux et que l'on imagine cette horreur : que Mme la ministre, que M. le député, un jour, en voiture, renverse un enfant, qu'il en garde des séquelles à vie, handicapé, traumatisé... Rien que d'y songer, M. le député en tremble, comment vivre avec ce drame ? Avec cette ombre au cœur ? Il ferait tout, alors, il en est convaincu, tout son possible, pour réparer le peu qui soit réparable, pour guérir de sa honte, avec un chèque si besoin. Eux, sur leur conscience - mais quelle conscience ? - en ont des milliers, des dizaines de milliers, de bébés, d'enfants, handicapés, traumatisés, avec des séquelles à vie, des « dysmorphies faciales », des « malformations des membres », des « problèmes cardiaques ». À genoux, on devrait les voir, à genoux devant Sabine !, à genoux devant Anne !, à genoux devant Camille !, à genoux et mendiant leur pardon. À la place de cette supplique, ils biaisent, ils rusent, avec des avocats et du « bla bla bla ». Ils fuient leur culpabilité. Ce sont des psychopathes, des psychopathes du profit. On devrait les trouver en garde à vue, leur ceinture leur cravate leurs lacets défaits. Mme la ministre a d'ailleurs assuré, il y a plus d'un an déjà, que « nous nous retournerons vers l'industriel, ça sera fait », que « l'urgence, c'est que les familles soient indemnisées pour être aidées, et Sanofi c'est le travail de l'État », parce que « c'est à l'État de se retourner vers les personnes en faute, évidemment ». Alors, certes, l'Oniam s'est retourné vers le laboratoire. Qui a refusé, à nouveau, de payer. L'Oniam voit donc ses ressources fondre, et se retrouve incapable d'indemniser victimes. Mais comment vous faire confiance pour mener à bien cette procédure contre le laboratoire ? Comment croire Mme la ministre ? Comment la croire quand on retrouve les dirigeants de Sanofi dans les palais de la République ? Le président de Sanofi, ami personnel du Président de la République, qui le fit entrer à la banque Rothschild, assistait, dans les salons de l'Élysée, à l'intronisation du Président. C'est dans les salons de l'Élysée, toujours, et en présence du Président, que le Dolder, le lobby de l'industrie pharmaceutique, le directeur général de Sanofi et Sanofi en tête, tenait ses assises. M. le Premier ministre et M. le ministre de l'intérieur font la leçon : « Il ne faut pas dénigrer une entreprise française, une entreprise qui fonctionne bien », « On ne doit pas critiquer des entreprises qui réussissent, comme Sanofi ». Sanofi perçoit toujours, chaque année, plus de cent millions de crédit impôt recherche, quand bien même ils la détruisent leur recherche, et des dizaines de millions de crédit impôt compétitivité emploi, quand bien même ils en détruisent, des emplois. Mme la ministre en personne a assisté, en février 2019, à une réunion de la Fondation Sanofi, qui prétend venir en aide aux personnes vulnérables... Qu'ils commencent par indemniser leurs victimes ! Et enfin, donc, le clou de cette farce tragique : le premier janvier 2020, le président de Sanofi élevé au rang de « grand commandeur de la Légion d'honneur » au titre du contingent du ministre de l'économie et des finances ! Quand tous les jours, avec les autres dirigeants de Sanofi, il devrait recevoir la légion du déshonneur, être privé de ses droits civiques, souffrir de l'indignité nationale, il lui pose une question simple : comme ose-t-elle.

Retirée le 21 juin 2022 (fin de mandat)

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