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Dimitri Houbron
Question N° 26713 au Ministère auprès du ministre de l’intérieur


Question soumise le 18 février 2020

M. Dimitri Houbron interroge M. le ministre de l'intérieur sur la prévention des mariages « gris ». Il rappelle qu'un mariage est qualifié de « gris » lorsqu'une personne, de nationalité étrangère, épouse une personne, de nationalité française, dans le seul but d'obtenir la nationalité française ou de bénéficier d'une protection, notamment en évitant d'être reconduite à la frontière. Il précise, qu'à la différence du mariage dit « blanc » où les deux époux sont solidairement complices, le mariage est qualifié de « gris » lorsqu'un seul des deux époux a de réelles intentions matrimoniales et que, par conséquent, il est de bonne foi et donc victime de la personne étrangère. Il rappelle que, en vertu de l'article L. 623-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) modifié en 2011, le fait de contracter un mariage dans le but d'obtenir un titre séjour est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. Il ajoute que ces peines sont aussi encourues lorsque l'étranger qui a contracté le mariage a dissimulé ses intentions à son conjoint. Il rappelle que tout conjoint, abusé par un mariage « gris », peut entamer une démarche d'annulation du mariage pour « défaut d'intention matrimoniale ». Il précise que l'annulation du mariage a pour objectif de remettre les époux dans l'état où ils se trouvaient avant leur mariage, dit autrement, qu'il est censé n'avoir jamais existé. Il constate, cependant, que beaucoup de victimes privilégient la voie du divorce et non de l'annulation compte tenu de la complexité de la procédure et le défaut d'intention matrimoniale est difficilement prouvable. Il en déduit qu'il est donc impossible de connaître le nombre de mariages gris célébrés en France chaque année. Il propose des pistes législatives de nature à prévenir ce type de fraude comme l'élargissement de la durée de vie commune pour l'obtention du titre de séjour de 10 ans ou le durcissement des étapes précédant l'enregistrement aux registres de l'état civil. Ainsi, il le remercie de lui faire part de ses avis et orientations de nature à prévenir les mariages « gris ».

Réponse émise le 29 septembre 2020

Un mariage dit « gris » est un mariage contracté par l'un des époux dans le seul but d'obtenir un titre de séjour sans intention matrimoniale réelle. Conformément à l'article 175-2 du code civil, la circulaire du garde des sceaux, ministre de la justice du 22 juin 2010 relative à la lutte contre les mariages simulés sensibilise les maires, rappelle leur rôle préventif en tant qu'officiers de l'état civil et les invite à repérer notamment au cours de la constitution du dossier ou de l'audition des futurs époux, les indices sérieux susceptibles de révéler une intention frauduleuse pour les transmettre au procureur de la République. La circulaire précitée incite ces derniers, lorsqu'ils sont saisis, à se prononcer sur une opposition au mariage et à poursuivre pénalement l'auteur ou les auteurs de mariage de complaisance ou simulé. Les fraudes au mariage n'étant pas toutes détectées en amont, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) prévoit des dispositions destinées à lutter contre ces pratiques, en particulier pour les conjoints de Français ou les bénéficiaires du regroupement familial. Ainsi, le rythme de renouvellement des titres, notamment au début du parcours d'intégration, donne à l'administration l'occasion régulière d'apprécier le maintien de la vie commune, gage essentiel d'une intention matrimoniale réelle et sincère. Cet examen va au-delà de la cohabitation et s'attache à apprécier l'existence d'intérêts matériels et affectifs en commun. Un entretien avec les deux conjoints en préfecture peut être organisé ainsi qu'une enquête domiciliaire par les services compétents. Les services préfectoraux ont été sensibilisés aux éléments du faisceau d'indices permettant de conclure à une fraude au mariage : situation irrégulière avant le mariage, mariage contracté rapidement après la rencontre, état de vulnérabilité du conjoint, grande différence d'âge, etc. Ainsi, le titre doit être refusé ou retiré en cas de doute circonstancié relatif à un mariage frauduleux, et ce, même si le mariage n'est pas légalement dissout. Il revient, par ailleurs, aux services préfectoraux en charge de l'instruction des dossiers d'adresser un signalement, le cas échéant, au procureur de la République. Aussi, après une première année de séjour régulier, l'intéressé doit justifier du maintien de cette communauté de vie. A défaut, il se voit notifier un refus. Au-delà de cet examen au moment de la demande de délivrance ou de renouvellement, l'administration peut, en cas de doute, mettre en œuvre l'article L. 313-5-1 du CESEDA qui lui permet de procéder à des vérifications tout au long de la durée de validité du titre notamment en procédant à des convocations pour s'assurer du maintien du droit au séjour. A défaut de réponse aux convocations et après une procédure contradictoire préalable, le titre peut être retiré. Après deux ans de séjour régulier sous couvert d'une carte de séjour pluriannuelle (et donc trois années de mariage), l'intéressé doit de nouveau justifier de sa vie commune avec son conjoint pour obtenir une carte de résident. L'obligation de maintien de la vie commune se poursuit dans la limite des quatre ans qui suivent la célébration du mariage. L'exigence de maintien de la vie commune ne peut cependant être opposée lorsque sa rupture est imputable à des violences conjugales ou familiales subies par le demandeur auquel il incombe d'en apporter la preuve par tous moyens. Ainsi, les dispositions actuelles traduisent un équilibre entre d'une part, une ferme intention de lutter contre les pratiques frauduleuses à des fins d'immigration irrégulière, et d'autre part, le respect des conventions internationales et constitutionnelles visant à protéger et à permettre l'épanouissement de la vie privée des étrangers, dont les intentions matrimoniales initiales sont sincères, et de leurs conjoints français.

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