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Brigitte Liso
Question N° 29830 au Ministère de la culture


Question soumise le 26 mai 2020

Mme Brigitte Liso interroge M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique, sur l'encadrement de l'usage des accès internet dans le cadre des locations de logements étudiants. L'épisode de confinement que la France vient de subir a montré le rôle déterminant des conditions de télétravail et de télé-étude pour les Français de tous âges. Nombre de Français louent des appartements meublés pour étudiants afin de faciliter leurs études, la plupart du temps en mettant à disposition un lave-linge et un accès internet. Aujourd'hui, l'accès internet qui est autorisé dans le cadre de ces locations soulève de nouvelles questions liées aux pratiques numériques des locataires. Cet accès est au nom du propriétaire alors que son usage exclusif revient à l'étudiant. Les dispositions en vigueur disposent que les propriétaires sont responsables des usages qui en sont faits. L'article L. 336-3 du code de la propriété intellectuelle indique en effet qu'il appartient « à la personne titulaire de l'accès à des services de communication au public en ligne [...] de veiller à ce que cet accès ne fasse pas l'objet » d'une atteinte au droit d'auteur. Pour autant, il est régulier d'observer divers téléchargement illégaux par les locataires, entraînant des mises en garde d'Hadopi à l'égard du propriétaire de l'accès à internet, et ce malgré la contractualisation d'un guide de bonnes pratiques signées par les deux parties comme le recommande la législation. Malgré diverses chartes et clauses ainsi que d'autres directives sur les « usages responsables d'internet » émanant des autorités numériques, de nombreux propriétaires continuent de recevoir des courriers injustifiés de la part d'Hadopi. Face à des divergences croissantes entre la législation en vigueur et ses usages pratiques, elle souhaite connaître sa position sur la possibilité d'aménager la législation afin que lesdits locataires deviennent pleinement responsables de l'usage qui est fait de leur connexion internet lorsque ces derniers en ont l'usage exclusif.

Réponse émise le 29 décembre 2020

La réponse graduée est un dispositif pédagogique qui vise à empêcher le développement massif des pratiques illégales de téléchargement et de mise à disposition d'œuvres sur Internet, en privilégiant d'autres voies que les poursuites pénales devant les tribunaux correctionnels sur le fondement du délit de contrefaçon. Ce mécanisme de prévention consiste pour la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) à envoyer des avertissements au titulaire d'une connexion à Internet pour lui rappeler son obligation de veiller à ce que celle-ci ne soit pas utilisée pour télécharger ou mettre à disposition sur les réseaux pair-à-pair des œuvres protégées par le droit d'auteur. Le titulaire d'un abonnement, qu'il soit une personne physique ou une personne morale, peut voir sa responsabilité engagée si sa connexion à Internet est utilisée à des fins de contrefaçon d'œuvres protégées, par lui-même ou par un tiers. Toutefois, lorsque la procédure de réponse graduée vise une structure professionnelle, telle qu'une entreprise, une administration ou une association par exemple, les enjeux pédagogiques sont très différents. Consciente de ces enjeux, la Hadopi a mis en place un accompagnement spécifique pour les acteurs professionnels, en prenant en compte les moyens dont ils disposent, leurs contraintes particulières, le type de connexion et la spécificité du public utilisateur de leurs accès Internet. Cet accompagnement s'articule autour de deux objectifs principaux. Le premier objectif vise, via la mise en œuvre d'outils techniques, à éviter les risques de réitérations qui sont accrus lorsque la connexion est partagée entre plusieurs utilisateurs. Les mesures à prendre consistent, par exemple, à désinstaller les logiciels de pair-à-pair des ordinateurs ou à paramétrer ceux-ci avec les fonctionnalités « administrateur » et « utilisateur ». Les utilisateurs disposent d'un espace personnel qui leur est propre mais ne peuvent gérer l'installation de programmes, comme les logiciels de partage et les opérations de maintenance des ordinateurs. Ces opérations sont réservées au titulaire du compte « administrateur ». Des solutions logicielles (interdiction de termes clés et listes noires) permettent par ailleurs de filtrer les types de contenus auxquels les utilisateurs peuvent avoir accès sur Internet. Cette sécurisation des connexions a aussi vocation, au-delà des questions de droit d'auteur, à empêcher toute utilisation non autorisée et à protéger les connexions professionnelles de risques multiples (virus, vol de données personnelles, interdiction des sites pédopornographiques, etc.). Le second objectif poursuivi vise à accompagner les professionnels dans la sensibilisation de leurs utilisateurs. S'agissant des structures d'hébergement ou de location qui mettent leur connexion à disposition d'un public résidant, la Hadopi a élaboré des clauses types à intégrer dans les contrats de location ou les règlements intérieurs à destination des résidents et locataires. Si la structure d'hébergement ou de location met en place un portail d'authentification, ce message de sensibilisation peut être rappelé lors de chaque connexion wifi. La Haute Autorité recommande également d'autres outils de communication tels que les chartes à faire signer par les utilisateurs, les lettres d'information à diffuser ou les messages de prévention à afficher au sein de la structure dans un lieu collectif accessible à tous les utilisateurs. La mise en place de ces bonnes pratiques techniques et des outils de sensibilisation peuvent permettre, si ces mesures sont combinées et actualisées régulièrement, de prévenir ou de limiter les risques d'utilisation frauduleuse de la ligne Internet d'une structure qui met à disposition sa connexion à des utilisateurs. Enfin, il importe de relever que la procédure de réponse graduée, visant à faire changer de comportement les titulaires d'abonnement à Internet, la Hadopi accorde, en conséquence, une attention toute particulière aux échanges qui peuvent intervenir, à chaque étape de la procédure, avec les professionnels destinataires de recommandations. En 2018, 3 281 professionnels faisant l'objet d'une procédure de réponse graduée ont ainsi pris attache avec la Hadopi. Pour la Haute Autorité, la simple constatation voire la répétition de manquements ne saurait à elle seule engager la responsabilité de ces professionnels au titre de la contravention de négligence caractérisée. Seul le défaut total de sécurisation de l'accès à Internet, dans les cas où aucun moyen de sécurisation n'a été mis en œuvre, ou le manque de diligence dans la mise en œuvre de ces moyens de sécurisation, parce qu'ils ont été désactivés par exemple, pourraient relever de cette infraction. Compte tenu des conditions strictes qui déterminent l'éventuelle responsabilité des structures professionnelles mettant un accès à Internet à la disposition de leurs utilisateurs, le ministère de la culture n'envisage pas d'aménager la loi afin de transférer cette responsabilité vers les utilisateurs. Un tel aménagement aurait en outre pour conséquence de générer une confusion inopportune entre le mécanisme de réponse graduée, qui concerne les titulaires d'abonnement à Internet, et le droit commun de la contrefaçon, qui appréhende les actes de téléchargement illicite réalisés par les utilisateurs d'un accès à Internet.

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