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Emmanuelle Anthoine
Question N° 32602 au Ministère des solidarités


Question soumise le 29 septembre 2020

Mme Emmanuelle Anthoine interroge M. le ministre des solidarités et de la santé sur les pénuries de médicaments oncologiques. Alors que ces médicaments sont vitaux dans le cadre des traitements contre le cancer, les ruptures d'approvisionnement se multiplient. L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a reçu 1 499 signalements de médicaments en difficulté ou rupture d'approvisionnement en 2019. Ce nombre est 34 fois plus élevé que le nombre de pénuries signalées en 2008. On observe au cours des deux dernières décennies une aggravation du nombre de ruptures d'approvisionnement. Ces pénuries s'accompagnent de pertes de chance pour les patients, d'autant plus inacceptables qu'elles auraient pu être évitées. Une quarantaine de médicaments d'importance majeure en oncologie font l'objet de pénuries, d'après la Ligue contre le cancer. Ainsi, les médicaments utilisés contre le cancer de la vessie sont particulièrement affectés par ces ruptures d'approvisionnement. Cela a pour conséquence d'imposer malheureusement le recours à une intervention chirurgicale pour procéder à l'ablation de la vessie avec de lourdes conséquences sur la vie des patients. Les ruptures d'approvisionnement proviennent notamment du fait que la plupart des principes actifs des médicaments contre le cancer sont fabriqués en Inde ou en Chine. L'insuffisance des stocks sur le territoire national est également à l'origine de cette situation. L'article 48 de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020 impose la constitution, par les entreprises pharmaceutiques, de stocks de sécurité de médicaments pouvant représenter jusqu'à quatre mois de couverture des besoins. Les entreprises pharmaceutiques sont par ailleurs tenues de produire une information en cas de risque de rupture de stock de médicament d'intérêt thérapeutique majeur. La mise en place de solutions alternatives aux médicaments relève également de la responsabilité des entreprises pharmaceutiques du fait des dispositions de l'article précité. En cas de manquement, des sanctions financières sont prévues pouvant atteindre 30 % du chiffre d'affaires journalier de l'entreprise pour chaque jour de carence. Cette disposition, adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale, ne trouve pour autant toujours pas de concrétisation. Le décret d'application n'a effectivement pas été publié, près d'un an après l'adoption de la loi précitée. Certaines associations spécialisées dans le domaine des médicaments alertent par ailleurs sur la volonté du Gouvernement de réduire ces stocks de sécurité à la couverture de seulement deux mois des besoins dans le projet de décret d'application. Aussi, elle lui demande de préciser les intentions du Gouvernement en matière de lutte contre les pénuries de médicaments oncologiques et si le Gouvernement envisage de publier dans les plus brefs délais un décret d'application ambitieux au sujet des stocks de sécurité de médicaments.

Réponse émise le 15 décembre 2020

D'une façon générale, les ruptures de stock de médicaments ainsi que les tensions d'approvisionnement ont des origines multifactorielles susceptibles d'intervenir tout au long de la chaîne de production et de distribution. Dans ce cadre, les laboratoires pharmaceutiques sont tenus de prévenir et de gérer les ruptures de stock des médicaments et des vaccins qu'ils commercialisent. Ils doivent assurer un approvisionnement approprié et continu du marché national et prendre toute mesure utile pour prévenir et pallier toute difficulté d'approvisionnement. L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) est également mobilisée afin d'assurer la continuité de l'accès aux médicaments pour les patients et les professionnels de santé. Pour autant, compte tenu de l'augmentation des signalements de ruptures et risques de ruptures de stock constatée ces dernières années, différents textes sont venus encadrer la gestion de ces ruptures. Dans un premier temps, la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé et son décret d'application du 20 juillet 2016 relatif à la lutte contre les ruptures d'approvisionnement de médicaments a introduit des mesures de prévention et de gestion des ruptures de stock au niveau national afin de redéfinir les instruments à la disposition des pouvoirs publics et de renforcer les obligations qui pèsent sur les acteurs du circuit de fabrication et de distribution. Dans un second temps, la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé a rendu possible le remplacement de médicaments par les pharmaciens d'officine en cas de rupture d'un médicament d'intérêt thérapeutique majeur (MITM), facilitant ainsi la continuité du traitement des patients. Dans un troisième temps, le ministère des solidarités et de la santé a élaboré une feuille de route 2019-2022 pour lutter contre les pénuries et améliorer la disponibilité des médicaments en France. A cet égard, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 a considérablement renforcé la lutte contre les ruptures de stock de médicaments par la mise en place d'un plan de gestion des pénuries pour chaque médicament d'intérêt thérapeutique majeur, la constitution d'un stock de couverture des besoins en médicaments et l'importation des alternatives thérapeutiques dans certains cas de pénuries. A ce titre, les sanctions financières entourant ces obligations ont été renforcées. Un décret d'application déclinant ces obligations devrait être publié prochainement. Un comité de pilotage, sous l'égide du Ministère des solidarités et de la santé, regroupant l'ensemble des parties prenantes, se réunit régulièrement pour partager les différentes mesures qui seront mises en place. Enfin, le Gouvernement a présenté, le 18 juin 2020, un plan d'action pour la relocalisation en France de projets de recherche et de sites de production de produits de santé. A ce titre, des initiatives destinées à favoriser la recherche française ont vu le jour notamment dans le cadre de la lutte contre la COVID-19. Par ailleurs, près de 200 millions d'euros ont été mobilisés pour développer les industries de santé et soutenir la localisation des activités de recherche et de production en France dans le cadre de la lutte contre la COVID-19. Cette enveloppe sera réévaluée en 2021 pour financer de nouveaux projets. En outre, un travail d'accompagnement vers l'industrialisation, la production et le stockage des produits de santé en France est en cours de réalisation. A cet égard, sur la base du rapport commandé à Jacques Biot par le Gouvernement en 2019, le Comité stratégique de filière (CSF) des « Industries et Technologies de Santé » va élaborer un plan d'actions reposant sur le recensement de projets industriels pouvant faire l'objet de relocalisations. Pour finir, un travail de coordination à l'échelle européenne est en cours afin de renforcer la capacité de l'Union européenne à faire face aux crises sanitaires et l'autonomie stratégique européenne pour la santé. Concernant les médicaments relatifs au traitement du cancer de la vessie, la BCG thérapie est une immunothérapie utilisée en instillation intravésicale fabriquée selon un procédé particulièrement complexe, ce qui explique les difficultés d'approvisionnement rencontrées ces dernières années. Il s'agit d'un traitement curatif pour lequel deux spécialités pharmaceutiques étaient autorisées en France : IMMUCYST et BCG-MEDAC. Le laboratoire Sanofi Pasteur a arrêté la commercialisation du médicament IMMUCYST fin juillet 2019. En prévision de cet arrêt de commercialisation, l'ANSM a demandé au laboratoire Medac d'augmenter les capacités de production de sa spécialité pour faire face au report de prescription d'IMMUCYST vers BCG MEDAC. En parallèle, l'ANSM a autorisé l'importation de la spécialité ONCOTICE du laboratoire MSD dans la limite de stocks que pouvait fournir le laboratoire. Au moment de l'arrêt d'IMMUCYST, le 1er août 2019, la spécialité BCG MEDAC était disponible en quantité suffisante pour permettre la prise en charge de l'ensemble des patients atteints d'un cancer de la vessie. Cependant, la situation de monopole du laboratoire Medac sur le territoire français a augmenté le risque de tensions d'approvisionnement sur ces traitements difficiles à produire. Ainsi, en raison de difficultés de production, la spécialité BCG MEDAC a connu une situation de pénurie à partir de décembre 2019. Dans ce contexte de tensions importantes, le laboratoire Medac a donc mis en place, en accord avec l'ANSM et l'association française d'urologie (AFU), un contingentement exceptionnel et transitoire de sa spécialité BCG MEDAC. Dès le 30 janvier 2020, de nouvelles unités de BCG MEDAC ont été distribuées et ont permis de couvrir l'ensemble des besoins. Le contingentement qualitatif mis en œuvre pour les BCG thérapies a été levé progressivement à partir de mars 2020.

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