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Jacqueline Maquet
Question N° 32760 au Ministère de l’économie


Question soumise le 6 octobre 2020

Mme Jacqueline Maquet attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur la question de la dette publique contractée durant la crise sanitaire. Depuis le début de l'épidémie, l'attention prêtée à cette dernière semble être de moins en moins importante. Les États ont massivement emprunté pour soutenir leur économie durant cette période particulière. Ainsi, la dette est aujourd'hui colossale. En moyenne, dans les pays occidentaux et développés, elle culmine à 120 % du PIB. L'annulation pure et simple de cette dette covid semble être une option plébiscitée par de nombreux économistes. À l'instar de ce qui a été fait par le passé pour d'autres pays, des modalités d'assouplissement pourraient être imaginées pour la situation actuelle. La Banque centrale européenne veut pourtant écarter toute annulation totale de la dette des États européens. Ainsi, tel que le veut la logique, il faut toujours rembourser ses dettes. Augmenter les impôts des Français n'aboutirait en aucun cas à les rassurer et à stimuler la reprise. L'isolement d'une partie de cette dette dans une structure ad hoc avait été annoncée, sans pourtant que cela ne réponde à la question des moyens pour la gérer. Elle aimerait connaître l'avis du Gouvernement sur cette question et souhaiterait obtenir des explications sur les moyens mis en œuvre pour rembourser la dette covid.

Réponse émise le 30 mars 2021

Le cantonnement de la dette liée à l'épidémie de Covid-19 a été annoncé par le Premier ministre dans son discours de politique générale du 15 juillet 2020. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance l'avait évoqué devant le Parlement en juin, afin de reconnaître l'existence de cette dette liée à une situation économique exceptionnelle, comme cela se produit très rarement, suite à des crises économiques particulièrement graves ou des guerres. Ce mécanisme permet d'isoler l'effet de la crise sanitaire dans les finances publiques. Il a déjà en réalité été enclenché, puisque 136 Mds€ de dette sociale ont été transférés à la CADES, dont 92 Mds€ au titre de la crise. Il ne s'agit pas de transférer le surcroît de dette publique lié à la Covid à la CADES, mais d'utiliser, une fois la dette sociale apurée, un montant de ressources pour amortir le surcroît de dette de l'État lié à la crise de la Covid. Ceci pourrait se faire en prenant appui, par exemple, sur la Caisse de la dette publique qui opère pour le compte de l'État et à qui cette ressource serait affectée. Ce schéma serait absolument neutre pour les investisseurs qui achètent ces titres de dette, et l'endettement se ferait dans les mêmes conditions de taux. Les choses doivent être faites les unes après les autres. Dans un premier temps, il faut protéger et relancer face au chox économique. Ensuite peut venir le chemin des réformes et du remboursement de la dette qui a été contractée, une fois la croissance revenue. Les propositions d'annulation de dette ne sont pas responsables. Si le souhait est que les investisseurs soient intéressés par la dette française, il faut leur garantir un remboursement. De plus, cette dette étant aussi détenue par les Français, souvent par l'intermédiaire de leurs livrets d'épargne, annuler la dette reviendrait à ne pas rembourser les Français. Certains ne parlent « que » de la dette détenue par la Banque centrale. Mais cette « monétisation », c'est-à-dire l'absorption de pertes économiques dans le bilan de la Banque centrale, doit être appréhendée avec beaucoup de précaution, car elle pose de nombreux problèmes, aussi bien sur le plan économique, que juridique et politique. Tout d'abord, les conséquences d'une monétisation de grande ampleur demeurent inconnues aujourd'hui, et aucune banque centrale dans le monde ne s'est engagée dans une monétisation à proprement parler. Ensuite, la monétisation entre en contradiction avec les Traités qui interdisent explicitement le financement monétaire des déficits publics. Enfin, la perte d'indépendance de la banque centrale, qui se retrouverait à effectuer une politique directement dépendante de la politique budgétaire des États membres, pourrait être dommageable lorsque les circonstances changeront. En contraignant le bilan de la banque centrale, la monétisation pourrait l'empêcher de réaliser son mandat de stabilité des prix si des tensions inflationnistes émergeaient. Les propositions d'annulation des dettes doivent être proscrites, au vu des conséquences majeures pour la stabilité financière en zone euro que cela engendrerait. La meilleure façon de rembourser consistera à retrouver de la croissance, à continuer à investir dans l'économie française, comme c'est le cas actuellement, afin que celle-ci retrouve des niveaux de croissance comparables à ceux avant la crise. La trajectoire pluriannuelle de finances publiques présentée à l'occasion du projet de loi de finances pour 2021 traduit la nécessité de résorber les déficits nés de la crise, afin de stabiliser puis d'amorcer la décrue du ratio de dette publique à horizon 2025. Pour ce faire, après la nécessaire augmentation des dépenses pour permettre la relance de l'économie, le retour d'une croissance forte est la condition première de la soutenabilité de l'endettement public. Il est en effet indispensable de recouvrer des marges budgétaires pour renforcer la résilience de notre économie, et être en capacité d'affronter les chocs économiques susceptibles d'intervenir à l'avenir. Le retour de la croissance à son niveau d'avant-crise permettra de résorber une partie du déficit. Cette amélioration serait toutefois insuffisante pour redresser à elle seule les comptes. Après la mise en œuvre de la relance, dont l'essentiel des mesures sera concentré sur 2021 et 2022, et en fonction de l'évolution réelle de la crise sanitaire et économique, l'objectif de rétablissement de la soutenabilité des comptes publics nécessiterait une réduction de la part structurelle du déficit, à un rythme permettant de corriger le déficit sans entraver la croissance. Cet ajustement pourra intervenir par une meilleure efficacité de la dépense publique ; il n'interviendra pas par des hausses d'impôts. Dans cette perspective, le Gouvernement a chargé la Commission sur l'avenir des finances publiques de réfléchir à la trajectoire des finances publiques et à la rénovation du cadre de gouvernance et des outils de pilotage des comptes publics. Parmi les questions relatives au remboursement de la dette engendrée par la crise de la Covid-19, la commission devra notamment étudier le cantonnement de cette dette, qui permet d'affecter des ressources publiques à son amortissement, avec une trajectoire et un calendrier crédibles pour son remboursement intégral.

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