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Sylvie Bouchet Bellecourt
Question N° 36411 au Secrétariat d'état aux personnes handicapées


Question soumise le 16 février 2021

Mme Sylvie Bouchet Bellecourt interroge Mme la secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées, sur ses intentions concernant l'individualisation de l'allocation adulte handicapé (AAH). La loi d'orientation en faveur des personnes handicapées du 30 mars 1975 a été majeure dans la reconnaissance du handicap dans la société. Et l'on doit cet héritage au Président Giscard d'Estaing, qui avait su constituer à l'époque l'une des législations les plus avancées au monde. Encore en vigueur aujourd'hui, cette allocation reste perfectible. Toutes les personnes en situation de handicap répondant aux critères définis par la loi ne touchent pas cette allocation. Son montant varie en fonction de critères médicaux et sociaux évalués par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées. D'ailleurs, cette allocation est accordée dans deux cas possibles : si l'on reconnaît au demandeur un taux d'incapacité d'au moins 80 %, ou si le taux est compris entre 50 % et 79 % assorti « d'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi ». Dernièrement, le plafond des ressources mensuelles ainsi que les modalités d'attribution ont fait l'objet d'une réforme. Le montant de cette allocation a d'ailleurs été revalorisé à deux reprises, de 819 euros à 860 euros au 1er novembre 2019, puis à 902,70 euros au 1er avril 2020. Derrière cette revalorisation vitale et très attendue se cache un mécanisme trompeur. Cette revalorisation doit être mise en perspective avec la réduction du coefficient multiplicateur pour calculer le plafond de ressources pour un allocataire en couple. Les ressources du conjoint sont prises en compte dans le calcul de la l'AAH pour les allocataires mariés, ou liés par un pacte civil de solidarité. Autrement dit, au-delà de 1,81 fois le montant de l'allocation pour un couple, la personne allocataire ne pourra toucher l'intégralité de cette allocation. Or la baisse du coefficient multiplicateur vient annihiler cette revalorisation pour une grande partie des personnes en couple bénéficiaires de cette allocation. Que l'on multiplie l'allocation de 819 euros par 2 ou que l'on multiplie 902,70 euros par 1,81 revient au même point. Ce mécanisme est d'ailleurs contraire à l'esprit même de l'allocation qui vise à garantir l'autonomie du bénéficiaire. Cette dépendance financière vis-à-vis du partenaire de l'allocataire s'ajoute à la dépendance due au handicap. La proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale adoptée 13 février 2020 à l'Assemblée nationale a permis une avancée sur l'individualisation de l'allocation, sans toutefois revenir sur les modalités de calcul déterminant l'attribution de l'AAH. Elle souhaite alors connaître sa position afin de remédier à cette situation difficile.

Réponse émise le 6 avril 2021

L'AAH a été créée par la loi du 30 juin 1975 afin d'assurer des conditions de vie dignes aux personnes en situation de handicap dont les ressources sont les plus faibles. Elle repose sur les principes d'équité et de partage des charges entre les membres du foyer. Par ailleurs, elle constitue un minima social, c'est-à-dire, qu'elle vise à garantir un niveau de ressource minimum pour vivre en complément d'autres sources de revenus éventuelles. L'AAH représente, à elle seule, 11,1 milliards d'euros de dépenses en 2020 dans le budget global de 51 milliards d'euros consacrés aux politiques publiques de soutien et d'accompagnement des personnes en situation de handicap. Conformément à l'engagement du Président de la République, le niveau de l'AAH a été augmenté de manière conséquente. En effet, s'établissant à 810 euros par mois en avril 2018, le Gouvernement a porté l'AAH à 902,70 euros par mois depuis novembre 2019. Cela représente une augmentation de pouvoir d'achat de près de 12 % pour les 1,2 millions de personnes bénéficiaires de l'AAH. Le coût de cette augmentation est estimé à plus de 2 milliards d'euros sur l'ensemble du quinquennat. Depuis 2017, le Gouvernement s'est engagé dans une politique qui place au cœur de ses principes la société inclusive, en considérant les personnes en situation de handicap comme des citoyens de droit commun. Nous ne pouvons demander légitimement que les personnes en situation de handicap soient des citoyens à part entière s'ils ne s'inscrivent pas dans les dispositifs même de notre contrat social basé sur le droit commun. Le fait de déconjugaliser viendrait remettre en cause l'ensemble de notre système socio-fiscal, fondé sur la solidarité familiale, conjugale et nationale. En effet, la solidarité nationale s'appuie sur la solidarité conjugale pour adapter son soutien aux personnes précaires. Cette solidarité conjugale est consacrée par l'article 212 du code civil, qui précise que « les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours et assistance » : les principes sur lesquels se basent le calcul de l'AAH ne lui sont donc pas spécifiques et concernent l'ensemble des minimas sociaux. La déconjugalisation viendrait alors créer un précédent qui pourrait entrainer l'ensemble des minimas sociaux dans son nouveau mode de calcul. A titre d'exemple, le coût d'une individualisation totale du RSA avait été estimé à près de 9 milliards d'euros en 2016. Par ailleurs, la déconjugalisation n'est pas la réponse à l'accompagnement de l'autonomie qui accompagne parfois le handicap, car celle-ci est déjà prise en compte par la prestation de compensation du handicap (PCH). En effet, près d'un tiers des personnes percevant l'AAH peuvent avoir en moyenne 500 euros de plus au titre de la PCH. La fixation d'un montant plus élevé pour l'AAH (902,7 euros) que pour le RSA-socle (564,8 euros) correspond bien à la prise en compte de la spécificité du handicap, et non à une logique de compensation. Les abattements sur les ressources prises en compte pour l'AAH sont nettement supérieurs à toutes autres allocations, que ce soit s'agissant des revenus du conjoint mais aussi du bénéficiaire, afin de rendre plus favorable le cumul d'un emploi avec l'AAH pour les personnes en situation de handicap. Actuellement, le plafond pour percevoir l'AAH lorsqu'on est en couple est de 3000 euros si c'est la personne handicapée qui travaille, et de 2270 euros si c'est son conjoint qui travaille en raison d'un abattement supérieur à 50% sur les revenus du bénéficiaire. Néanmoins, la demande de déconjugalisation de l'AAH est révélatrice de la nécessité d'une prise en charge spécifique des femmes en situation de handicap victimes de violences et sous emprise de leur conjoint. Nous devons leur apporter une réponse concrète et opérationnelle. Actuellement, lorsqu'une séparation est signalée à une CAF, elle rentre dans les situations prioritaires, que la CAF s'engage à traiter en dix jours au plus tard. Ce mécanisme nécessite néanmoins un accompagnement massif des femmes violentées pour leur permettre de se loger, de sortir de l'emprise de leur conjoint.  Afin de proposer des mesures destinées à améliorer le repérage et l'accompagnement des femmes, des travaux sur plusieurs territoires d'expérimentation devront permettre de déterminer puis expérimenter un cadre permettant une plus grande réactivité du montant de l'AAH aux situations de violence conjugale. Les premiers jalons de ces travaux ont été lancés à l'occasion de la journée internationale des droits des femmes du 8 mars dernier, avec l'aide du département de la Gironde. Ce groupe de pilotage départemental comprenant la Délégation départementale aux droits des femmes et à l'égalité, le Conseil Départemental, l'Agence régionale de santé, la Caisse d'allocations familiales et les associations sera appuyé au niveau national par la Direction générale de la cohésion sociale, la Caisse nationale d'allocations familiales ainsi que Secrétariat Général du Comité interministériel du Handicap avec l'appui et l'expertise du Ministère de la Justice y associant l'expertise du groupe de travail « handicap » mis en place dans le groupe de travail du Grenelle.

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