Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Jean-Paul Lecoq
Question N° 37520 au Ministère des armées


Question soumise le 23 mars 2021

M. Jean-Paul Lecoq appelle l'attention de Mme la ministre des armées sur la parution dans la presse notamment de nouveaux éléments concernant les circonstances de l'intervention militaire française au Mali en 2013. Les conséquences désastreuses de l'intervention militaire franco-britannique en Libye, en 2011, ont plongé le pays dans une instabilité chronique. La Libye est, depuis, divisée entre deux pouvoirs rivaux, chacun revendiquant la légitimité et le contrôle du territoire. Le pays est devenu le foyer de groupes armés et de mafias pratiquant impunément le trafic d'êtres humains, l'esclavage, le trafic d'armes et de drogue. Tout cela constitue aujourd'hui une source majeure de déstabilisation régionale et un vivier de recrutement pour les organisations terroristes. Les effets néfastes de cette opération militaire se font donc sentir dans beaucoup de pays africains, dont le Mali. La parution de nouveaux éléments, dans la presse notamment, fait mention de la recommandation par le centre de planification et de conduite des opérations d'une intervention au Sahel dès 2009. Ce projet élaboré sous le nom d' « opération Requin » sera finalement mis en place le 11 janvier 2013 avec le déclenchement de l'opération militaire Serval au Mali. Devenue Barkhane, cette intervention constitue depuis huit années l'opération extérieure française la plus importante depuis la guerre d'Algérie. Dans un contexte de dégradation sécuritaire au Mali, le pouvoir français avait justifié le déclenchement de l'opération Serval comme une réponse d'urgence pour stopper l'avancée de colonnes de pick-ups de djihadistes déferlant sur la capitale Bamako. Pourtant de plus en plus d'acteurs, dont des militaires, estiment que l'armée et le gouvernement français auraient déclenché Serval sur des faisceaux de présomptions plutôt que sur des preuves concrètes de ces colonnes djihadistes. Par conséquent il lui demande si elle compte publier les preuves des éléments évoqués pour justifier l'intervention Serval en 2013. Par ailleurs, l'opération Barkhane est aujourd'hui complètement enlisée. Pour un coût humain et financier exorbitant, et malgré des dommages infligés aux groupes djihadistes qui circulent dans la région, la violence et les dégâts causés par les djihadistes n'ont pas reculé. Pire, la situation politique et économique du Mali se dégrade. Face à ce constat, il lui demande également si la France compte élaborer un agenda de retrait des troupes françaises du Mali. Cet agenda de retrait pourrait être l'occasion de construire une nouvelle réponse africaine et multilatérale en matière de sécurité et de développement, plus respectueuse des souverainetés et plus soucieuse des intérêts des populations locales.

Réponse émise le 18 janvier 2022

La France a lancé l'opération Serval en janvier 2013 dans le cadre de la résolution 2085 du Conseil de sécurité des Nations unies, à la demande du gouvernement malien. L'engagement de la France, qu'il s'agisse de l'opération Serval ou Barkhane, répond à une demande d'assistance, et est juridiquement encadré par les accords internationaux entre la France et les Etats du Sahel. Cet engagement a évité l'effondrement du Mali. Il a porté ses fruits. Notre collaboration étroite avec les forces armées nationales sahéliennes permet aux pays concernés de faire face à la menace terroriste et de commencer à réaffirmer leur autorité sur leurs territoires. La stratégie française au Sahel repose sur deux axes principaux : la sahélisation et l'internationalisation des efforts en soutien à la sécurité régionale. En ce sens, une multitude d'acteurs interviennent déjà sur place, en plus de la force Barkhane, au sein de laquelle est intégrée la Task Force Takuba composée de forces spéciales européennes, et des armées nationales sahéliennes : l'ONU (à travers la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali - MINUSMA), l'Union européenne (la Mission de formation de l'Union européenne au Mali (EUTM), la mission de soutien aux capacités de sécurité intérieure maliennes au Sahel), et la Force conjointe du G5 Sahel, constituée de militaires sahéliens. La stabilisation du Sahel ne peut s'obtenir que par une réponse collective et par une reprise progressive par les pays africains du contrôle de leur région. Le 9 juillet 2021, le Président de la République a annoncé les modalités de la transformation de notre engagement au Sahel. Ces changements ont fait l'objet d'échanges constructifs avec nos partenaires africains et européens. La France restera bien évidemment fortement engagée dans la lutte contre les groupes armés terroristes qui continuent de menacer les Etats de la région, en privilégiant une plus grande coopération avec les Etats sahéliens. Ce nouveau dispositif couvrira quatre dimensions majeures du besoin de nos partenaires : la dimension « contre-terrorisme » avec la poursuite de la mission de la Task Force Sabre à Ouagadougou ; la dimension « montée en puissance des armées régionales » pour former, entraîner, équiper et conseiller les armées partenaires. Cette dimension sera renforcée et élargie aux pays du Golfe de Guinée, qui font face à une extension de la menace ; la dimension « partenariat de combat » pour être en mesure d'accompagner les partenaires africains dans leurs opérations. La Task Force Takuba se distingue par sa dimension profondément européenne. Elle sera au cœur de notre action collective au Sahel. Aujourd'hui centrée sur le Mali, elle jouera sur l'effet démultiplicateur de ses détachements européens légers d'accompagnement au combat. La France y maintiendra une contribution significative. En parallèle la participation de nos partenaires européens y sera renforcée (Italiens, Danois, Roumains…) ; la dimension « réassurance » pour demeurer en permanence en mesure d'intervenir rapidement au profit des forces alliées ou partenaires, grâce à nos moyens aériens déployés au Niger. Dans cet esprit, la présence française au Niger sera renforcée : Niamey sera le centre de commandement et de coordination de nos forces et de toutes les actions de coopération. Le Tchad restera également un élément clé de notre dispositif avec le maintien d'une présence significative, aérienne et terrestre. L'essence même d'une opération militaire, c'est l'adaptation. Il s'agit, comme nous l'avons fait depuis 8 ans, de nous transformer pour être plus efficace sur le terrain. Nous nous transformons pour transférer progressivement la responsabilité de la sécurité du Sahel à nos partenaires sahéliens et ouest-africains.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.