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François-Michel Lambert
Question N° 38575 au Ministère de l’intérieur


Question soumise le 27 avril 2021

M. François-Michel Lambert interroge M. le ministre de l'intérieur sur la fiabilité des dispositifs de détection des stupéfiants par tests salivaires et notamment du cannabis, y compris du cannabis thérapeutique. Concernant un éventuel seuil d'emprise du THC incompatible avec la conduite, toutes les données scientifiques révèlent qu'il n'existe pas de relation synchrone entre le niveau d'emprise et le niveau de THC dans le sang ou la salive. Aucune disposition légale n'a été prise pour fixer un seuil d'emprise incompatible avec la conduite d'un véhicule à moteur et le seuil fixé de 1 ng/ml, volontairement placé très bas afin d'obtenir un résultat positif et pénalement répréhensible dans le plus grand nombre de cas possibles, ne repose sur aucune donnée sérieuse et ne tient pas compte de la durée de la détection qui peut s'étendre sur plusieurs jours avec les prélèvements buccaux et jusqu'à un mois dans le sang, alors que les effets du THC durent au maximum quelques heures après inhalation. Concrètement, un consommateur qui aurait inhalé du cannabis 7 jours avant de conduire risque 4 500 euros d'amendes, 6 mois de prison et la perte de son permis dès l'instant qu'il s'approche de sa voiture avec ses clés sur lui. Avec l'avènement du chanvre au détail et des produits au CBD, la question de ces sanctions très lourdes se pose aussi pour les patients utilisant du cannabis médical. En outre, les tests salivaires amalgament tous les stupéfiants et tous les dosages, alors que les conséquences sur la conduite automobile sont clairement différentes selon le produit et la dose consommés. À la lumière de ces données, le dépistage du cannabis en contrôle de routine ne semble donc pas représenter clairement un enjeu de sécurité routière, contrairement au dépistage de l'alcoolémie. En réalité, ces dispositions ne sanctionnent pas la conduite sous l'emprise du produit, mais la conduite après avoir fait usage, sans notion de délai. Elles ont donc pour objectif de sanctionner la consommation et non de contribuer à la sécurité routière. Si la prohibition de la conduite sous l'emprise réelle de stupéfiants ne saurait être remise en cause, le cas particulier des patients faisant l'objet d'un traitement à base de cannabis thérapeutique et les résultats des études scientifiques internationales sur les effets de la conduite sous cannabis doivent inciter les pouvoirs publics à mener une réflexion approfondie sur cette question. Parce que l'efficacité et l'équité devraient présider à l'élaboration de la loi et ne laisser place ni à l'arbitraire, ni au dogmatisme, la sécurité routière ne saurait être le prétexte d'une politique de contrôle et de sanction des usagers de drogues quand la mise en danger d'autrui n'existe pas. Dès lors, il souhaiterait connaître l'avancement de la réflexion du Gouvernement sur ce sujet et en particulier sur l'abandon des examens biologiques au profit de tests psychométriques recherchant une ivresse réellement incompatible avec la conduite comme cela se fait dans de nombreux pays.

Réponse émise le 19 avril 2022

La conduite après usage de substances psychoactives est, après la vitesse, la seconde cause de mortalité sur la route. En 2019, l'analyse de l'accidentalité montre que 731 personnes décédées (23 %) sur les routes ont été tuées dans un accident impliquant un conducteur ayant fait usage de stupéfiants. Les conséquences d'une telle consommation sont différentes selon les stupéfiants mais sont toutes néfastes à l'activité de conduite : le cannabis entraîne une baisse de la vigilance et une diminution des facultés visuelles et auditives, l'ecstasy crée un état d'éveil et d'excitation qui masque la fatigue, la cocaïne entraîne une conduite agressive, les opiacés (opium, morphine, …) provoquent une perte d'attention. La moitié des conducteurs contrôlés positifs aux stupéfiants a également une alcoolémie supérieure au seuil réglementaire de 0,5 g/l. La prise simultanée de cannabis et d'alcool multiplie par 29 le risque de causer un accident mortel, d'après l'Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA). Plusieurs études européennes ont confirmé ces chiffres, notamment l'étude « Stupéfiants et accidents mortels de la circulation routière » (SAM) et le projet DRUID « Driving Under the Influence of Drugs, Alcohol and Medicines » (DRUID). Aujourd'hui, aucun seuil de THC, la substance active du cannabis, n'a pu être déterminé, dans le sang ou dans la salive, pour affirmer que le conducteur conduit sous influence de ce stupéfiant. La relation dose-effet, pour le cannabis, n'est pas établie en l'état actuel des connaissances contrairement à la relation dose-effet pour l'alcool. Il est seulement montré que, dans les accidents mortels, 16% des conducteurs contrôlés sont positifs aux stupéfiants. Cette proportion varie selon le mode de transport : elle est de 36% pour les cyclomotoristes, 13% pour les automobilistes et 4% pour les conducteurs de poids-lourds. En l'absence d'une relation dose-effet, la conduite après usage de substances illicites est réprimée depuis 2003, dès que le seuil de détection est dépassé. Le dosage de substances psychoactives, même réalisé en bord de route, reste un examen de biologie médicale fiable pour le THC comme pour les autres familles de stupéfiants. Cet examen de biologie médicale est réalisé, dès le prélèvement en bord de route, sous la responsabilité de laboratoires de police scientifique ou de laboratoires de biologie médicale qui répondent à des exigences de qualité attestée par une accréditation délivrée par le Cofrac (comité français d'accréditation) qui vérifie le respect par ces laboratoires des normes de qualité internationales ISO 17025 ou 15189. Ce résultat ne peut donc pas être comparé à des tests psychométriques qui évaluent plutôt les aptitudes fondamentales d'une personne, ni même à des tests psychotechniques qui évaluent de façon globale une aptitude mentale et physique à la conduite mais de façon plus imprécise. Le décret n° 2020-1230 du 7 octobre 2020 relatif à l'expérimentation de l'usage médical du cannabis a autorisé une expérimentation thérapeutique dans 5 indications. Ce décret prévoit que « les patients inclus dans l'expérimentation sont informés sur les précautions particulières d'utilisation des médicaments à base de cannabis, les effets indésirables éventuels, les contre-indications et les effets sur la conduite de véhicules ou l'utilisation de certaines machines au moment de la prescription. Un document écrit rappelant ces informations, dont le contenu est fixé par décision du directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, leur est remis au moment de la prescription ». Les conducteurs de véhicules à moteur, qui suivent cette expérimentation avec un traitement régulier contenant du THC, n'auront pas de dérogation particulière aux dispositions du code de la route car ce traitement a les mêmes effets psychoactifs qu'une prise de cannabis en dehors d'un usage thérapeutique. Or, celle-ci a démontré qu'un conducteur positif au cannabis a un risque multiplié par 1,65 d'être responsable d'un accident mortel. L'objectif premier du dispositif existant est de protéger le conducteur ainsi que tous les autres usagers de la voie publique et n'a pas vocation à évoluer au vu des connaissances disponibles à ce jour.

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