Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Chantal Jourdan
Question N° 40336 au Ministère de l’intérieur


Question soumise le 27 juillet 2021

Mme Chantal Jourdan interroge M. le ministre de l'intérieur sur les modalités de vote des détenus sur le territoire national. Depuis les élections européennes de 2019, les détenus français non déchus de leurs droits civiques ont la possibilité de voter par correspondance. Les taux de participation aux dernières élections démontrent la pertinence de cette organisation. Lors des élections régionales et départementales qui se sont déroulées les 20 et 27 juin 2021, un bureau de vote supplémentaire a été affecté pour les détenus dans les villes préfectures de chaque département. Si cette organisation donne satisfaction pour les élections régionales et nationales, elle interroge sur sa pertinence lors des élections départementales. Dans le département de l'Orne, où les détenus ont dû voter dans un seul bureau de vote pour des candidats qui ne représentaient ni le canton sur lequel ils vivaient avant leur détention ni le canton sur lequel ils sont incarcérés et pour lequel ils n'ont aucun lien. Cette procédure n'est pas conforme au droit commun puisque, pour être inscrit sur une liste électorale, l'électeur doit avoir une résidence ou un lien fiscal avec la collectivité concernée. Si une organisation similaire était retenue pour les prochaines élections municipales, le même constat serait fait et pourrait faire basculer le résultat d'une élection en cas de scrutin serré. Dans un contexte où l'abstention se renforce à chaque scrutin, il paraît indispensable à Mme la députée de garder la dimension territoriale des scrutins locaux. Compte tenu de ces éléments, elle souhaiterait savoir si cette organisation pouvait faire l'objet d'une réévaluation avant les prochaines échéances électorales locales.

Réponse émise le 16 novembre 2021

La loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 comporte une série de dispositions destinées à faciliter l'exercice effectif du droit de vote des personnes détenues, qui concernent tant les règles d'inscription sur les listes électorales que les modalités de vote qui leur sont offertes. En premier lieu, la loi a élargi la catégorie des communes sur les listes électorales desquelles les personnes détenues peuvent s'inscrire : si l'inscription sur la liste de la commune du domicile ou de la dernière résidence de plus de six mois demeure le droit commun, le code électoral prévoit désormais que les personnes concernées peuvent s'inscrire dans leur commune de naissance, dans la commune d'inscription d'un de leurs ascendants, dans la commune où est inscrit leur conjoint, partenaire ou concubin, ou encore dans la commune où est inscrit ou a été inscrit un de leurs parents jusqu'au quatrième degré. Ensuite, la loi a prévu une simplification des procédures d'inscription pour les personnes détenues : si le maire demeure l'autorité en charge de procéder à leur inscription, il appartient au chef d'établissement pénitentiaire de lui transmettre systématiquement leur demande, une simple attestation sur l'honneur suffisant par ailleurs à établir le lien de l'intéressé avec la commune d'inscription. Au-delà de ces facilités, la loi n° 2019-1461 a également institué un dispositif novateur de droit de vote par correspondance au bénéfice des personnes détenues. Dans le projet de loi initial, le Gouvernement n'a pas retenu un dispositif où chaque personne détenue pourrait voter par correspondance dans sa commune d'inscription. En effet, comme indiqué dans l'étude d'impact du projet de loi, cette solution présentait de sérieuses difficultés logistiques au regard du nombre très important de communes concernées (potentiellement autant de communes que de détenus inscrits). Les délais contraints d'organisation des élections et le nombre de cas particuliers à gérer auraient ainsi rendu matériellement impossible la garantie d'un circuit opérationnel d'acheminement de la propagande et du matériel électoral vers et depuis les établissements pénitentiaires. Pour ces motifs, seule la solution consistant à inscrire les personnes concernées par ce dispositif dans un unique bureau de vote spécifique institué dans la commune chef-lieu de chaque département semblait pouvoir être retenue. Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d'Etat a relevé qu'il s'agissait d'une dérogation à la tradition électorale française qui établit un lien entre l'électeur et sa circonscription, sans pour autant proposer de modifier ce dispositif. Si le Gouvernement est attaché au caractère territorial de l'inscription sur une liste électorale, la situation des personnes détenues a justifié une mesure dérogatoire, de nature à favoriser leur réinsertion dans la vie politique. Ce dispositif a favorisé la participation électorale des personnes détenues, qui est passée de 2% à l'élection présidentielle de 2017 à près de 10% lors des élections départementales et régionales, notamment grâce au vote par correspondance auquel 85% des électeurs détenus ont recouru. Par ailleurs, la possibilité ouverte aux personnes détenues de voter par correspondance ne fait en aucun cas obstacle à leur faculté de voter, par procuration ou directement à l'urne avec une permission de sortir, dans leur commune de rattachement originelle. Par conséquent, il n'est à ce stade pas envisagé de réviser le dispositif de vote par correspondance prévu par la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 et applicable aux élections locales.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.