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Sylvie Charrière
Question N° 4060 au Ministère de l’intérieur


Question soumise le 19 décembre 2017

Mme Sylvie Charrière attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur le nombre de suicides des membres des forces de l'ordre, depuis les attentats de Paris du 13 novembre 2015. En effet, au mois de novembre 2017, en l'espace d'une semaine, huit membres des forces de l'ordre ont mis fin à leurs jours. À ce jour, en 2017, 46 policiers et 16 gendarmes se sont donné la mort. Le pays faisant face à une menace terroriste sans précédent, les opérations de défense déployées sur notre territoire peuvent mettre les membres des forces de l'ordre sous une pression qu'il nous faut détecter et prévenir. Elle souhaite connaître les dernières statistiques précises sur les suicides des membres des forces de l'ordre (police et gendarmerie) et souhaite savoir où en est l'évaluation des mesures mises en œuvre pour prévenir les suicides, demandée le mois dernier par le ministre de l'intérieur aux dirigeants de la gendarmerie, de la police nationale et de la direction générale de la sécurité intérieure, et quelles solutions concrètes seront apportées à la suite de cette évaluation.

Réponse émise le 1er mai 2018

Au sein de la police nationale, une moyenne de quarante-trois suicides par an ont endeuillé l'institution au cours des dernières années, avec un pic à 55 en 2014. En 2017, 51 suicides ont été déplorés. S'agissant de l'outre-mer, 9 suicides y ont été recensés de 2000 à 2017, soit moins de 1 par an en moyenne. Ce sujet, éminemment dramatique et complexe, est une préoccupation majeure et constante du ministère de l'intérieur qui conduit de longue date une politique volontariste en la matière. Elle a permis de développer, au sein de la police nationale comme de la gendarmerie nationale, une culture commune permettant de mieux détecter et prévenir les suicides et leurs tentatives, en créant un réseau d'acteurs et des instances de dialogue et d'écoute. S'il est établi que les causes du suicide sont majoritairement d'ordre privé, la difficulté du métier de policier, confronté aux violences, aux souffrances et aux détresses qui traversent la société, ne peut être éludée parmi les facteurs déclenchant un passage à l'acte. Il va de soi également que, si le facteur déclenchant est majoritairement d'ordre personnel ou affectif, l'arme de service le facilite évidemment. Cet aspect doit être rapporté à l'importance pour les policiers d'en disposer afin d'être en permanence en mesure de protéger et de se protéger. Depuis 1996, la direction générale de la police nationale (DGPN) est dotée d'un service de soutien psychologique opérationnel (SSPO) composé aujourd'hui, sous l'autorité d'une psychologue, de 82 psychologues cliniciens répartis sur l'ensemble du territoire. Ils travaillent en collaboration avec les autres acteurs de l'accompagnement (médecine de prévention et service social notamment). Les psychologues proposent des consultations pour les agents rencontrant des difficultés et accompagnent les responsables souhaitant mettre en place un dispositif d'accompagnement psychologique après un événement potentiellement traumatique. Ce service a bénéficié en 2015 et 2016 d'un important renfort avec la création de 18 postes de psychologues cliniciens. Le SSPO est à ce jour le service d'aide psychologique institutionnel le plus important de France. Plusieurs dispositifs ont également été développés au cours des dernières années pour mieux détecter et prendre en charge les situations de vulnérabilité et pour améliorer la connaissance du phénomène. Depuis 2010, la police nationale a ainsi structuré une véritable action de prévention des suicides et un plan ministériel de lutte contre le suicide a été lancé début 2015 pour couvrir l'ensemble de la « chaîne de risque ». L'action menée comporte plusieurs volets. D'une part, la DGPN agit sur les causes socio-organisationnelles du suicide en améliorant la qualité de vie au travail. Elle a développé à cette fin des formations et une démarche d'accompagnement au management. D'autre part, la DGPN a travaillé sur une meilleure identification et prise en charge des risques psycho-sociaux. Plus de 220 cellules de veille des risques psycho-sociaux ont ainsi été instituées sur tout le territoire afin de détecter les situations à risque. Des outils d'analyse ont été développés au sein des services. Une mission d'appui et de conseil a par ailleurs été créée auprès de l'inspection générale de la police nationale (IPGN), pour intervenir auprès des services connaissant des difficultés internes particulières. La police nationale a également favorisé une véritable acculturation de ses personnels aux risques psycho-sociaux (RPS) en généralisant les formations sur ce thème et en prévoyant l'intervention de psychologues dans les écoles de police. Enfin, la DGPN a structuré un véritable dispositif de prise en charge des situations les plus préoccupantes, qui s'est traduit par : - un renforcement des RPS et la création d'une formation initiale des psychologues ; - la mise en place au niveau local de « pôles de vigilance », qui réunissent les professionnels de soutien et la hiérarchie afin d'examiner et de proposer des solutions aux personnels les plus fragiles ; - un accompagnement accru, lors de leur reprise du travail, des agents absents pendant de longues périodes. En 2016, dans un souci de prise en charge globale des RPS, le plan de lutte contre le suicide est devenu un plan d'amélioration des conditions de travail. Ce plan a permis de développer une culture partagée en créant de nombreuses instances et dispositifs d'alerte. Il est aujourd'hui en cours de révision pour encore mieux répondre aux attentes du terrain. La refonte du dispositif de recueil et d'exploitation des enquêtes environnementales réalisées après un suicide, qui figurait déjà dans le plan de 2015, va permettre de mieux identifier les facteurs qui ont concouru au passage à l'acte. Elle prendra en compte la jurisprudence de juillet 2014 du Conseil d'Etat qui assimile les suicides intervenant sur le lieu et dans le temps de travail à des accidents de service. Elle pose le principe d'une présomption d'imputabilité, sauf existence d'un acte détachable du service. L'enjeu de la refonte du plan est d'améliorer la réactivité et la prise en charge au niveau local en se dotant d'un cadre plus pratique et plus opérationnel, adaptable aux spécificités locales, autour de trois axes : mieux répondre à l'urgence, prévenir plus efficacement les situations de fragilité et améliorer le quotidien du travail. Le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, est personnellement impliqué dans ce sujet. Dès le mois de novembre 2017, il a demandé une évaluation du dispositif existant au directeur général de la police nationale et au directeur général de la gendarmerie nationale pour y apporter les améliorations nécessaires. Le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur a également reçu les organisations syndicales représentatives de la police nationale et les représentants du conseil de la fonction militaire de la gendarmerie nationale pour faire le point sur les dispositifs et identifier des pistes de progrès, aujourd'hui en voie de concrétisation. Il présidera le prochain CHSCT qui sera exclusivement consacré à la prévention des suicides. En concertation avec les organisations syndicales, l'administration poursuit et intensifie donc son action pour s'efforcer de toujours mieux prévenir les suicides. S'agissant de la gendarmerie nationale, au 31 décembre 2017, elle déplore 17 suicides contre une moyenne de 27 suicides sur la même période dans les 10 dernières années. L'année 2017 est plutôt rassurante quant au nombre d'actes auto-agressifs si on compare cette statistique aux 5 dernières années : - 2012 : 32 suicides ; - 2013 : 23 suicides ; - 2014 : 22 suicides ; - 2015 : 25 suicides ; - 2016 : 25 suicides. Par ailleurs, le taux moyen de suicide en gendarmerie est proche du taux observé en France, à structure de population identique selon l'âge et le sexe. Il était en 2016 de 24 pour 100 000 et en baisse par rapport à la dernière décennie (26 pour 100 000 entre 2006 et 2015). Bien évidemment, ces chiffres doivent être considérés avec prudence parce qu'ils peuvent varier à la hausse ou à la baisse d'une année à l'autre. Ils sont néanmoins le résultat de l'attention particulière que porte la gendarmerie depuis plusieurs années à la prévention des actes auto-agressifs. En effet, pilotée au niveau central, la prévention des suicides repose sur un encadrement de proximité fort et attentif aux situations de personnels en difficultés et sur un dispositif de prévention des RPS comprenant plusieurs volets : - des structures locales et des commissions locales de prévention sont mises en place dans chaque formation administrative. Elles réunissent l'ensemble des acteurs dédiés à la santé et la sécurité au travail (hiérarchie, chargés de prévention, médecins, psychologues et assistants sociaux) et élaborent chaque année, à partir des situations fragilisantes constatées, un plan de prévention des RPS ; - un dispositif d'accompagnement psychologique composé de 38 psychologues cliniciens implantés en métropole et depuis 2016 en outre-mer. Ces derniers sont essentiellement chargés du suivi individuel psychothérapeutique post-événementiel, de conseiller le commandement dans le cadre de la gestion des personnels d'unité en difficultés et de mettre en place des actions de sensibilisation et de formation ; - une politique de communication volontariste sur la question du suicide ; - des études de causalité pilotées au niveau central et conduites au niveau local pour chaque autolyse. Ces études ont vocation à recueillir des faits sur l'évènement, d'en rechercher les causes en vue de proposer des mesures de préventions adaptées. En tout état de cause, la politique d'amélioration de la qualité de vie au travail s'inscrit dans la durée et se renforcera dans les mois à venir avec la poursuite de nos travaux (accentuation de l'accompagnement au niveau central des commissions locales de prévention, développement d'un module de sensibilisation qui sera diffusé à l'ensemble des personnels, etc.).

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