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Carole Grandjean
Question N° 42809 au Ministère auprès du ministre de l’économie


Question soumise le 30 novembre 2021

Mme Carole Grandjean alerte Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'industrie, sur le soutien apporté au groupe indien Electrosteel pour l'installation d'une usine en France, en concurrence directe avec l'usine Saint-Gobain de Pont-à-Mousson. L'usine Saint-Gobain de Pont-à-Mousson, fleuron industriel français, fait vivre près de 2 000 personnes sur le territoire meurthe-et-mosellan et près de 6 000 personnes en emploi indirect. L'inquiétude est forte et intelligible alors que le plan France relance prévoit de subventionner le groupe indien Electrosteel à hauteur de 3,9 millions d'euros pour la création d'une unité de production. Le soutien apporté par France relance à la création d'une unité de production d'Electrosteel à Arles serait contradictoire au regard de la volonté du Gouvernement de développer une souveraineté économique et industrielle forte. Le secteur des canalisations en fonte, surcapacitaire, serait pourtant nouvellement concurrencé, sur le territoire national, par l'installation de ce site dans les Bouches-du-Rhône. Alors que Saint-Gobain a donné depuis plusieurs années des gages manifestes d'une production concentrée en France, par des fermetures d'usines européennes, par des investissements massifs et par la cessation de discussion pour des partenariats avec la Chine, on fragiliserait ce fleuron industriel. En effet, les standards de production du groupe Electrosteel sont bien en-deçà du savoir-faire et de la qualité de la production de Saint-Gobain. Le même groupe indien Electrosteel, que l'on sait peu scrupuleux après avoir fait l'objet de procédures pour concurrence déloyale, dumping social et industriel, est un concurrent direct de Saint-Gobain au niveau européen. Il serait alors difficilement entendable de soutenir un groupe industriel majeur, extra-européen, d'autant plus lorsque des pays voisins comme l'Espagne et l'Italie ont refusé l'installation d'usines sur leur territoire. Mme la députée tient à rappeler également que Saint-Gobain ne peut pénétrer le marché indien pour des raisons de normes protégeant leur propre marché, ce qui constitue un enjeu économique et social fort pour la Meurthe-et-Moselle, pour l'avenir de l'usine de Pont-à-Mousson et ses employés ; l'installation de l'usine du groupe indien Electrosteel porterait atteinte à Saint-Gobain et à la souveraineté industrielle française et européenne, sur ce domaine stratégique sensible. Le groupe Saint-Gobain a considérablement investi pour son site de Pont-à-Mousson, avec une politique stratégique d'investissement résolument tournée vers la France. Ainsi, elle lui demande si elle envisage de reconsidérer le soutien apporté à Electrosteel pour faire primer la souveraineté française et européenne.

Réponse émise le 29 mars 2022

L'État est très attentif à la pérennité de SGPAM qui est une entreprise stratégique pour notre pays, eu égard aux produits qu'elle conçoit, développe et fabrique - équipements de réseaux d'adduction d'eau, essentiels à la santé et à la salubrité publique, mais aussi par son emprise industrielle, ses savoir-faire technologiques et les nombreux emplois qu'elle implique, notamment dans le bassin lorrain. Lorsqu'en 2019, le groupe Saint-Gobain projetait un partenariat entre SGPAM et un industriel chinois, le ministère lui a fait part de ses réserves sur cette option, sans toutefois qu'il n'y ait une opposition de principe à un investissement étranger avec un projet industriel ambitieux. Le groupe Saint-Gobain a depuis pris la décision de pérenniser et développer lui-même ses actifs de la branche « canalisations », en mettant en œuvre un plan de redressement de 170 millions d'euros de manière à consolider les sites industriels et, au sens large, cette filière d'excellence. Le groupe Saint-Gobain a d'ailleurs déposé plusieurs dossiers dans le cadre de France Relance - notamment sur des enjeux d'efficacité énergétique et de décarbonation, traduisant ainsi l'engagement du groupe à conforter ses actifs en France, et les faire pleinement entrer dans une logique de modernisation et de décarbonation. La qualité des projets a conduit l'État à décider l'octroi d'un soutien financier à cinq d'entre eux pour un montant d'aides publiques de 8 millions d'euros, avec en particulier le financement à hauteur de 2,5 millions d'euros d'un four électrique pour le site de SGPAM d'une capacité de 120 000 tonnes, en complément du haut-fourneau de Pont-à-Mousson. L'Etat est très attentif à la sécurisation d'un cadre loyal de concurrence. À cet égard, la France a toujours été en faveur d'une application efficiente des instruments de défense commerciale, dans le respect de l'équilibre entre les intérêts des producteurs et des utilisateurs. Cet équilibre se réalise aujourd'hui grâce à la mise en œuvre par l'Union européenne d'un certain nombre de mesures de défense commerciale, ce qui a pour effet en particulier de protéger les producteurs européens de tuyaux en fonte ductile vis-à-vis d'importations indiennes qui se sont avérées préjudiciables et sources de distorsion sur le marché intérieur. Cela s'est principalement matérialisé par l'instauration, en août 2016, de droits antidumping et compensatoires sur les tubes et les tuyaux en fonte ductile originaires d'Inde (en l'occurrence des entreprises Electrosteel Castings et Jindal). Une enquête de réexamen visant à proroger les mesures antidumping sur les tubes et tuyaux originaires d'Inde est en cours au sein de la Commission européenne. Le projet porté par l'entreprise Electrosteel Europe, d'un montant de plus de 40 millions d'euros d'investissements, que l'Etat envisage de soutenir à hauteur de 3,4 millions d'euros à travers l'appel à projets « Résilience » opéré par Bpifrance dans le cadre de France Relance, suscite des interrogations de plusieurs acteurs dont SGPAM. Il semble utile dans ce contexte, d'apporter certaines clarifications : le projet d'Electrosteel Europe vise à créer sur le territoire national une nouvelle aciérie pour fabriquer des tuyaux : un four électrique à induction recyclera des ferrailles, ce qui constitue ainsi un projet d'économie circulaire qui valorise des déchets. La production de tuyaux in situ (à hauteur de 80 000 tonnes par an) viendra, en très grande majorité, se substituer à l'importation actuelle de produits fabriqués en Inde, ce qui assurera à partir de 2023 la relocalisation en France de ces productions industrielles, et le développement de nouveaux actifs industriels français ; les capacités actuelles servant à approvisionner la France et l'Europe n'ont donc pas vocation à s'accroître à l'avenir, mais bien à être relocalisées en France : ainsi, le risque d'une intensification significative de la pression concurrentielle par rapport à l'état actuel du marché n'est pas avéré. Par ailleurs, les diamètres nominaux, de 8 à 80 cm, (DN 80-800) qui seront produits sur le site d'Electrosteel Europe ne correspondent qu'à certains des marchés sur lesquels est positionné SGPAM qui, grâce à son haut-fourneau, est aussi le seul à être capable de fabriquer de très grands diamètres, allant jusqu'à 2 m de diamètre nominal (DN 800-2000), et destinés notamment au grand export. Enfin, le modèle d'affaires envisagé par Electrosteel Europe vise aussi, à terme, une vente de produits hors de France à hauteur de 50 % de sa production, venant ainsi limiter le risque d'excès d'offre sur les marchés français et européen, tout en laissant espérer une amélioration de la balance commerciale pour ces produits ; le soutien financier au projet de cette entreprise – comme pour tous les lauréats de cet appel à projets – fera l'objet d'une convention conclue avec l'opérateur. Celle-ci précisera bien entendu les caractéristiques essentielles du projet industriel, notamment en termes d'investissements matériels réalisés et de finalité économique, et permettra de s'assurer de l'effectivité de sa mise en œuvre ; l'État sera particulièrement attentif au respect des modalités mentionnées dans cette convention. Ainsi, si le projet ne se concrétisait pas comme prévu, l'aide publique accordée serait alors remise en question. L'Etat a demandé à ce que l'envoi des conventions de soutien, à Electrosteel comme à SGPAM, soit suspendu le temps que la Commission européenne puisse sereinement prendre position sur le réexamen de mesures antidumping. Il est par ailleurs souligné un point de préoccupation essentiel touchant l'asymétrie dans l'accès aux marchés publics européens et indiens. L'État a présenté aux acheteurs publics concernés le guide « Concurrence internationale : les marchés publics de fournitures dans les industries de réseaux ». Ce dernier vise - dans le cadre de marchés de fournitures pour les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports ou des services postaux passés par des entités adjudicatrices - à sécuriser et faciliter la mise en œuvre de l'article L. 2153-2 du code de la commande publique, qui prévoit un système d'exclusion et un droit de préférence en faveur des offres composées en majorité de produits d'origine européenne ou assimilée. Cette exclusion est possible lorsqu'une offre présentée contient une part majoritaire de produits originaires de pays tiers avec lesquels l'Union européenne n'a pas conclu, dans un cadre bilatéral ou multilatéral, un accord assurant un accès comparable et effectif des entreprises de l'Union européenne aux marchés de ces pays. Les entités adjudicatrices sont également libres d'appliquer l'article L. 2153-1 du code de la commande publique, qui concerne l'ensemble des marchés publics y compris les marchés de travaux. Cet article permet à l'acheteur public de garantir aux opérateurs économiques ainsi qu'aux travaux, fournitures et services issus des États parties à l'Accord sur les marchés publics conclu dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce ou à un autre accord international équivalent auquel l'Union européenne est partie, dans la limite de ces accords, un traitement équivalent à celui garanti aux opérateurs économiques, aux travaux, aux fournitures et aux services issus de l'Union européenne. Dans les autres cas, les acheteurs publics peuvent introduire dans les documents de la consultation, des critères ou des restrictions fondés sur l'origine de tout ou partie des travaux, fournitures ou services composant les offres proposées ou la nationalité des opérateurs autorisés à soumettre une offre. Des négociations européennes sont actuellement en cours sous l'égide de la présidence française afin de renforcer le cadre juridique européen concernant ces instruments. Dans le même esprit, l'État soutient activement l'adoption de l'instrument de réciprocité en matière de marchés publics internationaux qui doit inciter à l'ouverture des marchés publics de nos partenaires étrangers et constituer un levier important à cet effet. SGPAM est une entreprise stratégique pour la France. L'État est engagé aux côtés de Saint-Gobain pour continuer à jouer son rôle, soutenir la compétitivité des industries françaises, le développement de SGPAM, et pour contribuer à la sécurisation d'un cadre loyal de concurrence dans le respect des engagements internationaux de la France.

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