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Emmanuelle Anthoine
Question N° 4759 au Ministère de l'intérieur


Question soumise le 23 janvier 2018

Mme Emmanuelle Anthoine appelle l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur la réduction de 10 km/h de la vitesse maximale autorisée sur les routes à deux voies. En effet, cette mesure prise sans concertation, à la fin de l'année 2017, va avoir des conséquences majeures sur la vie quotidienne des citoyens, plus particulièrement sur ceux qui utilisent leurs véhicules dans le cadre de leurs vies professionnelles. Elle est de surcroît sujette à débat puisque cette mesure prise dans certains pays n'a pas fait preuve de son efficacité. Le Gouvernement justifie sa décision en avançant l'idée que le fait de rouler à 90 km/h serait automatiquement responsable de 300 morts par an, et estime, sans justification précise, que des accidents se produisant à 90 km/h ne se seraient en aucun cas produits à 80 kilomètres par heure. Du fait des phénomènes de distraction et d'hypovigilance à trop faible allure dans les voitures modernes, de la nécessité de rétrograder en 4ème vitesse pour préserver son régime moteur, cette mesure pourrait au contraire avoir un effet négatif. Certaines associations de conducteurs craignent même que derrière un objectif de sécurisation du réseau routier, cette baisse de la vitesse maximale autorisée soit une mesure répressive destinée à augmenter le produit des amendes pour excès de vitesse. Il convient dans cette perspective de préciser que la baisse salutaire de la mortalité routière a pu être obtenue grâce aux campagnes d'information et de prévention, à la présence des forces de l'ordre pour interpeller et sanctionner les conducteurs au comportement dangereux et à l'amélioration constante du réseau routier, amélioration qui pourrait être poursuivie à moindre coût pour les finances publiques, en réaffectant les budgets alloués aux radars. Le Danemark qui avait abaissé la limitation sur les routes à deux voies à 80 km/h a en 2011 lancé une expérimentation en fixant à 90 kilomètres par heure la vitesse maximale autorisée sur seize tronçons peu accidentogènes. Après trois années d'expérimentation, le ministère danois des transports a enregistré une baisse du nombre d'accidents, et noté, grâce à une politique responsable d'éducation et de prévention une réduction des conduites à risques, plus particulièrement les dépassements dangereux. Enfin en France une expérimentation de deux ans sur 81 kilomètres répartis sur quatre départements a été réalisée, expérimentation dont les résultats n'ont pas été rendus publics, en dépit des demandes de la majorité sénatoriale. Sachant qu'en outre la réglementation actuelle permet d'ores et déjà aux collectivités responsable des voiries de moduler à la baisse cette vitesse maximale autorisée sur les tronçons les plus dangereux et accidentogènes, il conviendrait avant de prendre cette mesure de disposer d'une réelle étude d'impact des expériences réalisées tant à l'étranger que dans les départements français précités. Aussi, elle lui demande si le Gouvernement serait disposé à surseoir à cette mesure dans l'attente d'une étude d'impact.

Réponse émise le 20 novembre 2018

Le Comité interministériel de la sécurité routière réuni le 9 janvier 2018 par le Premier ministre témoigne de la volonté du Gouvernement de sauver plus de vies sur nos routes et de poursuivre la politique volontariste et innovante déjà engagée en matière de sécurité routière. Sur les routes métropolitaines et ultra-marines, 3 684 personnes ont perdu la vie et 76 840 ont été blessées en 2017, dont plus de 29 000 hospitalisées ; certaines garderont des séquelles toute leur vie. C'est bien pour réduire ces chiffres dramatiques que le Gouvernement a pris les mesures nécessaires. Lors de ce comité interministériel précité, 18 mesures ont été décidées, parmi lesquelles la mesure n° 5 dont l'objet est de réduire la vitesse maximale autorisée hors agglomération. Ainsi, selon les termes du décret n° 2018-487 du 15 juin 2018 relatif aux vitesses maximales autorisées des véhicules, qui met en œuvre cette mesure, sur les routes bidirectionnelles sans séparateur central, la vitesse maximale autorisée est de 80 km/h à compter du 1er juillet 2018. Toutefois, sur les sections de routes comportant au moins deux voies affectées à un même sens de circulation et permettant ainsi le dépassement sécurisé des véhicules, la vitesse maximale autorisée est maintenue à 90 km/h et ce sur ces seules voies. La vitesse accroît tant l'occurrence des accidents – quelle que soit la cause - que leur gravité. La vitesse excessive ou inadaptée constitue la première cause de mortalité sur les routes françaises (31 %). En 2017, les deux-tiers des accidents mortels (63 %), soit 2 156 personnes tuées, sont survenus sur le réseau routier hors agglomération et hors autoroute c'est-à-dire sur des routes bidirectionnelles qui étaient majoritairement limitées à 90 km/h. La mise en place d'une telle mesure a pour objectif d'épargner chaque année de nombreuses vies humaines ; sur la base des travaux conduits par les experts Goran NIELSSON et Rune ELVIK, en réduisant la vitesse maximale autorisée de 10 km/h, il est espéré épargner 300 à 400 vies par an. La mesure permet en effet de diminuer l'impact de la vitesse dans la mesure où elle contribue à l'anticipation des dangers et diminue les distances de freinage (la distance d'arrêt est de 57 m pour un véhicule roulant à 80 km/h contre 70 mètres pour un véhicule roulant à 90 km/h). Cet abaissement de la vitesse maximale autorisée à 80 km/h permet en outre de fluidifier le trafic et de l'apaiser, avec des conséquences bénéfiques sur l'environnement (diminution des émissions de polluants). La mesure, telle que définie par le Premier ministre et traduite dans le décret précité, est le fruit des travaux du conseil national de la sécurité routière, instance rassemblant l'ensemble des parties prenantes de la sécurité routière qui, en 2014, a élaboré une recommandation en ce sens. Le décret portant la mise en œuvre de cette mesure a notamment été soumis à l'avis du Conseil national d'évaluation des normes (CNEN), qui réunit les représentants des maires, des conseils départementaux, du Sénat, de l'Assemblée nationale. Un avis favorable a été rendu sur le projet de texte le 8 mars 2018. Le Premier ministre a instauré une clause de rendez-vous au 1er juillet 2020 afin d'étudier avec précision et objectivité l'impact sur l'accidentalité de cette expérimentation. A cet effet, une évaluation de cette expérimentation est mise en place portant tant sur l'évolution des vitesses moyennes pratiquées par les usagers que sur l'évolution des accidents et de la mortalité sur les routes bidirectionnelles concernées par la mesure. Le Gouvernement saura en tirer les conséquences. Cette décision s'inscrit dans un ensemble cohérent de 18 mesures prises par le comité interministériel de la sécurité routière du 9 janvier 2018, qui au-delà de la vitesse sont centrées sur la mobilisation de tous les acteurs mais aussi sur les comportements les plus risqués que sont l'alcool au volant ainsi que l'usage du téléphone en conduisant. Entre le 1er juillet 2015 et le 1er juillet 2017, une expérimentation a été réalisée sur l'abaissement de la vitesse maximale autorisée (VMA) de 90 km/h à 80 km/h. Trois sections de routes nationales bidirectionnelles sans séparateur central étaient concernées, dans quatre départements : 18 kilomètres de la RN 7 entre Croze-Hermitage et Valence dans la Drôme, 22 kilomètres de la RN 151 dans la Nièvre et 33 kilomètres dans l'Yonne entre la Charité (58) et Auxerre (89) et 13 kilomètres sur la RN 57 entre Échenoz-le-Sec et Rioz dans la Haute-Saône. L'objectif de l'expérimentation était de mettre en évidence les effets de la baisse de la vitesse maximale autorisée sur les vitesses pratiquées par les usagers ; elle n'avait pas pour objet d'étudier le lien, déjà très documenté dans la littérature scientifique, entre la vitesse pratiquée et l'accidentalité. Les résultats de cette expérimentation, qui a consisté en sept campagnes de mesures portant sur plus de 6 millions de véhicules, ont permis de mettre en évidence une baisse moyenne de 4.7 km/h de la vitesse réelle pratiquée (-5.1 km/h pour les véhicules légers, de -2.7km/h pour les poids-lourds - qui sont déjà limité à 80km/h), une baisse du différentiel des vitesses entre VL et PL (de 6.5 km/h à 4.1 km/h), une homogénéisation des vitesses pratiquées. Il a été également observé qu'il n'y avait pas d'augmentation du nombre de pelotons menés par un poids-lourd, ni de report de trafic significatif vers des itinéraires alternatifs. Le rapport final de cette expérimentation a été publié en janvier 2018 (disponible sur https://www.cerema.fr/fr/centre-ressources/boutique/experimentation-abaissement-vitesse-limite-autorisee-80-kmh). Concernant les vitesses pratiquées au Danemark, comme l'a rappelé l'ambassade du Danemark dans son communiqué du 19 janvier 2018, la vitesse maximum autorisée est toujours de 80 km/h sur les routes nationales. Ce n'est que sur 100 km de routes, ayant fait l'objet de 12,6 millions d'euros de travaux de sécurisation, que la vitesse a été augmentée de 80 à 90 km/h.

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