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Delphine Batho
Question N° 5727 au Ministère de la transition écologique et solidaire


Question soumise le 20 février 2018

Mme Delphine Batho interroge M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur le respect par la France du document d'orientation de l'EFSA concernant l'évaluation de l'impact des pesticides sur les abeilles et les pollinisateurs sauvages En 2012, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a publié un avis scientifique sur les méthodes d'évaluation des impacts des pesticides sur les abeilles et les pollinisateurs sauvages Cet avis, adopté sur saisine de la Commission européenne, mettait en évidence les manquements des méthodes et des lignes directrices appliquées pour tester l'impact d'un pesticide avant son autorisation : « les expositions prolongées et intermittentes ne sont pas évaluées en laboratoire », de même que l'exposition par inhalation ou l'exposition des larves ; les calculs d'exposition des insectes ne tiennent pas compte de toutes les voies d'exposition ; « les effets à des doses sublétales ne sont pas pleinement pris en compte » ; sur les tests semi-field, « des faiblesses ont été identifiées pour chacune des lignes directrices de test, comme la taille limitée de la surface de la culture, l'impossibilité d'évaluer toutes les voies d'exposition possibles des composés systémiques utilisés en traitement de semences ou de sols » ; l'EFSA souligne encore que « les lignes directrices des tests en champs ont plusieurs faiblesses majeures » (colonies trop petites, surface trop petite de la culture testée), etc. Toujours à la demande de la Commission européenne, cet avis a conduit l'EFSA à publier en 2013 un nouveau document d'orientation pour l'évaluation des impacts des pesticides pour les abeilles et les pollinisateurs sauvages Ce document vise à remplacer le document d'orientation de 2002 (qui peut s'appliquer pour les demandes introduites avant le 31 décembre 2015) et les normes de l'EPPO de 2010, deux documents ayant été critiqués par l'EFSA comme ne permettant pas d'évaluer correctement le risque pour les abeilles et les pollinisateurs sauvages Pourtant, ce document d'orientation de l'EFSA de 2013 n'est pas appliqué par l'Anses, ni par d'autres agences européennes, qui font le choix d'appliquer des documents d'orientation obsolètes et inadaptées pour évaluer les risques pour les abeilles et les pollinisateurs sauvages Ces agences et leurs gouvernements expliquent ce choix par le fait que ce document d'orientation de l'EFSA de 2013 n'est toujours pas entériné par la réunion des États membres au sein du SCoPAFF. Cependant toutes les agences n'ont pas fait ce choix puisqu'elles ont la possibilité d'appliquer si elles le souhaitent ce document de 2013. De ce fait l'EFSA applique d'ores et déjà ce document d'orientation de 2013 pour l'évaluation de nouvelles substances actives, comme elle l'a annoncé dans plusieurs conférences. De plus, la Belgique a également fait savoir en juin 2017 qu'elle fera appliquer le document d'orientation de l'EFSA de 2013. La Belgique justifie ce choix par le fait que « d'un point de vue scientifique, il n'est pas acceptable d'ignorer des données robustes de toxicité sur des espèces vulnérables non-cibles, simplement parce qu'il n'y a pas de lignes directrices d'évaluation du risque généralement acceptées ». Alors que la situation des abeilles et des pollinisateurs sauvages est alarmante, qu'une espèce d'abeilles sauvages sur dix est menacée, que les apiculteurs français perdent chaque année 30 % de leurs colonies d'abeilles, en 25 ans, la biomasse volante a chuté de 80 % selon une étude allemande. Il est aberrant que les gouvernements et agences refusent encore d'appliquer le seul document d'orientation scientifiquement valable et permettant d'évaluer la réalité des impacts des pesticides sur les abeilles et les pollinisateurs sauvages. C'est pourquoi elle lui demande de bien vouloir faire connaître la position de la France sur ce document d'orientation de l'EFSA de 2013, et notamment sur la position défendue par la France en Comité permanent végétaux, animaux, denrées alimentaires en ce qui concerne ce document. De plus, elle le prie de bien vouloir indiquer si ce document est appliqué par l'Anses, et dans le cas contraire à quelle échéance il le sera, ainsi que les mesures envisagées par la France pour évaluer de la manière la plus complète possible les risques liés à l'impact des pesticides pour les abeilles et les pollinisateurs sauvages.

Réponse émise le 14 août 2018

Le document d'orientation de l'autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) « document on the risk assessment of plant protection products on bees (apis mellifera, bombus spp. and solitary bees) » relatif à l'évaluation du risque pour les abeilles, les bourdons et les abeilles solitaires a été publié par l'EFSA pour la première fois en juillet 2013. Il fait suite à un avis mettant en évidence la nécessité d'améliorer les méthodes utilisées pour évaluer l'impact des pesticides sur les abeilles et les pollinisateurs. Le document propose une évolution des méthodes d'évaluation, avec l'objectif d'évaluer plus complètement les risques, non seulement pour les abeilles mais aussi pour d'autres insectes pollinisateurs. Le document a fait l'objet depuis sa publication par l'EFSA de nombreux échanges entre les experts des États membres (dont la France). Les autorités françaises sont favorables à l'adoption rapide au niveau européen d'un document d'orientation permettant une évaluation harmonisée des effets des produits phytopharmaceutiques sur les abeilles, les bourdons et les abeilles solitaires. Lors du Comité permanent pour les végétaux, les animaux, les denrées alimentaires et l'alimentation animale (CPVADAAA) des 19 et 20 juillet 2018, la Commission européenne a présenté un projet révisé de notice qui accompagnerait les lignes directrices de l'EFSA et un projet de modification des principes uniformes d'évaluation, sur la base desdites lignes directrices. Le projet révisé de notice propose un calendrier de mise en oeuvre du document d'orientation de l'EFSA qui tient compte des lignes directrices existantes et des futurs protocoles (qui devront être agréés). La Commission européenne envisage une finalisation de la notice en octobre prochain ainsi qu'un vote sur le projet de règlement. L'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) applique la réglementation européenne en vigueur, aussi bien en termes de données à fournir pour l'évaluation des effets sur les abeilles conformément au règlement (UE) N° 284/2013, que de méthodes d'essai et de lignes directrices à utiliser (document guide de la Commission européenne). Ces éléments permettent de s'assurer que les substances actives autorisées n'ont pas d'effets inacceptables aigus ou chroniques sur la survie et le développement des colonies, conformément aux principes établis par le règlement (CE) no 1107/2009. Enfin, le laboratoire de Sophia-Antipolis de l'Anses, qui est le laboratoire européen de référence pour la santé des abeilles, poursuit ses travaux de recherche et de surveillance des populations d'abeilles. L'un de ses objectifs est de mieux comprendre le rôle respectif des différents facteurs de stress, dont les résidus de produits chimiques, dans les phénomènes d'affaiblissement, d'effondrement ou de mortalité des colonies d'abeilles. En février 2018, L'EFSA a publié une mise à jour de ses évaluations du risque pour les abeilles des trois néonicotinoïdes, clothianidine, imidaclopride et thiaméthoxame, dans le cadre de leurs utilisations comme traitement de semences et granulés, celles-ci datant de 2013. Dans le cadre des nouvelles évaluations, les abeilles sauvages (bourdons et abeilles solitaires) ont été considérées en plus des abeilles domestiques et le document guide récent sur l'évaluation des risques pour les abeilles (guide de 2013) a été appliqué. Si les conclusions sont variables, en raison de facteurs tels que l'espèce d'abeille, l'utilisation prévue du pesticide et la voie d'exposition, dans l'ensemble, le risque pour les trois types d'abeilles évalués est confirmé. Dans son arrêt du 17 mai 2018 (Bayer et Syngenta contre la Commission européenne), le Tribunal de l'Union européenne a rejeté dans leur intégralité les recours des deux requérants relatifs aux restrictions d'usage des substances néonicotinoïdes clothianidine, thiaméthoxame et imidaclopride, prises en 2013. Le Tribunal a estimé que la Commission a prouvé que les risques constatés par l'EFSA justifiaient la conclusion selon laquelle les trois substances en question ne satisfaisaient plus aux critères d'approbation.

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