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Fabien Matras
Question N° 7332 au Ministère de la culture


Question soumise le 10 avril 2018

M. Fabien Matras attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur les difficultés de protections que rencontrent les petits créateurs d'œuvres de l'esprit. En raison de l'évolution des nouvelles technologies de l'information et de la communication, l'État a adapté la législation pour faire face aux nouvelles atteintes aux droits d'auteurs notamment le téléchargement illégal. Jusqu'à présent, la lutte contre le téléchargement illégal a reposé sur une approche à la fois répressive et pédagogique envers les auteurs des infractions. Cette approche est le fait de la loi n° 2006-961 du 1 août 2006 relative aux droits d'auteurs et aux droits voisins dans la société de l'information ainsi que de la loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 créant la HADOPI et instaurant le système de sanction graduée ; ces lois ont été complétées par la loi n° 2009-1311 du 28 octobre 2009 relative à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet créant une peine complémentaire pour le délit de contrefaçon commis au moyen d'un service de communication au public en ligne. Ainsi, la protection des droits d'auteurs sur internet est aujourd'hui essentiellement le fait d'une logique judiciaire de protection-sanction. Toutefois, du fait de son mode de fonctionnement, on constate une aporie du système d'une part du fait d'une protection peu efficace, limitée à certaines catégories d'œuvres, et d'autre part en ce qu'il ne protège pas efficacement les créateurs autonomes ou indépendants. Ce système ne protège pas certaines catégories d'œuvres. Si le piratage d'œuvres protégées est pénalement sanctionné, le système de sanctions graduées instauré par la loi HADOPI limite en réalité cette protection-sanction aux œuvres audiovisuelles (musiques et films). En outre, elle ne prend en compte que les atteintes commises par le biais du partage pair à pair (peer to peer ou P2P) et exclut d'office les œuvres telles que les logiciels et les atteintes commises par le biais du téléchargement direct, qui doivent alors faire l'objet d'une plainte et d'une procédure judiciaire longue et couteuse pour certains créateurs. Ce système ne protège pas effectivement certaines catégories de créateurs. Ce sont en effet les organismes représentant les titulaires des droits et ayant obtenu l'autorisation de la CNIL qui observent les œuvres circulant sur les réseaux et qui collectent les informations pour les transmettre à la HADOPI. Ce mécanisme exclut de facto les petits créateurs ou créateurs individuels n'ayant pas les moyens techniques et financiers de se constituer en groupement pour financer lesdits organismes. Ainsi, les seules options s'offrant aux petits créateurs sont le dépôt de plainte ou le signalement sur le système PHAROS créé par l'arrêté du 16 juin 2009. Néanmoins, bien que compétent pour les contenus illicites, PHAROS n'est pas originellement conçu pour les atteintes aux droits d'auteurs sur internet, ce que confirment les dernières statistiques de la plateforme (0,18 % des signalements). Par conséquent, il lui demande ce qu'il compte faire afin de mieux protéger les créateurs autonomes et indépendants des atteintes à leurs droits d'auteur sur internet, que cela passe par une extension du champ de compétence de la plateforme PHAROS ou une adaptation des moyens fournis à la HADOPI.

Réponse émise le 4 septembre 2018

Si l'essor des technologies numériques a permis un élargissement sans précédent de l'accès de tous à la création culturelle la plus diverse, il s'est également traduit par l'émergence et le développement à grande échelle de pratiques portant atteinte aux droits d'auteur et aux droits voisins. La protection des droits de propriété intellectuelle sur internet constitue une priorité de l'action gouvernementale. Il s'agit à la fois de garantir le droit des créateurs à être rémunéré au titre de l'exploitation en ligne de leurs créations et de permettre aux acteurs de la production et de la diffusion de construire des modèles économiques soutenables et de développer des offres légales attractives, en vue de soutenir la création de valeur. La politique de lutte contre le piratage repose aujourd'hui sur un ensemble de dispositifs mis en œuvre par différentes autorités administratives et judiciaires : au mécanisme de « réponse graduée », mis en œuvre par la Haute autorité pour diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI), s'ajoutent notamment les possibilités d'action judiciaire ainsi que les démarches de droit souple engagées pour assécher les ressources financières des sites contrefaisants ou pour développer le recours aux technologies de reconnaissance automatique des contenus illicites. Ces initiatives ont produit des résultats, mais n'ont pas permis d'endiguer le développement du piratage sous toutes ses formes. La transformation rapide des usages conduit à s'interroger sur la pertinence d'un mécanisme de réponse graduée qui cible uniquement les échanges de pair-à-pair et ignore les autres formes de piratage telles que la lecture en flux (streaming) ou le téléchargement direct. Les actions judiciaires visant à faire fermer ou à bloquer l'accès aux sites pirates impliquent des procédures longues et coûteuses, dont l'efficacité est limitée par la réapparition rapide de « sites-miroirs ». Les initiatives reposant sur le droit souple portent leurs fruits mais sont, par construction, subordonnées à la volonté de coopération des acteurs concernés. Pour faire face à ces enjeux, la ministre de la culture pilote actuellement un groupe de travail interministériel chargé de contribuer à l'élaboration d'une stratégie globale de lutte contre la contrefaçon sur Internet. Les mesures, qui seront proposées dans les prochains mois, devront permettre de renforcer les conditions de protection de l'ensemble des catégories d'auteurs en cas d'atteintes à leurs droits sur Internet. Parmi les pistes de réflexion envisagées figurent la promotion et l'encadrement des technologies de reconnaissance des contenus, qui permettent de comparer automatiquement l'empreinte d'une œuvre avec celle des contenus mis en ligne par les internautes, et d'éviter ainsi l'apparition ou la réapparition de contenus contrefaisants sur les plateformes qui hébergent des œuvres. À cet égard, les mesures proposées devront permettre de répondre aux difficultés que certains titulaires de droits, dont les auteurs autonomes ou indépendants, peuvent rencontrer dans l'accès à ces outils techniques. Par ailleurs, des mesures plus contraignantes à l'égard des sites de streaming illégaux sont envisagées (constitution d'une « liste noire » par la HADOPI, possibilité d'agir rapidement contre les sites dits « miroirs », qui font renaître des sites pirates qui ont fait l'objet d'une action en cessation). S'agissant de la réponse graduée, les réflexions en cours portent sur les moyens d'en améliorer la pertinence et l'efficacité, s'agissant de la pratique du pair-à-pair, à laquelle elle s'applique. L'octroi aux auteurs indépendants de la possibilité de saisir la HADOPI pour demander la mise en œuvre de la procédure de réponse graduée à leur égard, en s'appuyant sur un constat d'huissier, figure parmi les améliorations envisageables.

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