Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Sira Sylla
Question N° 8023 au Ministère des solidarités


Question soumise le 1er mai 2018

Mme Sira Sylla attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur les risques qu'encourent les personnes qui ont pour traitement la nouvelle formule du « Lévothyrox » et qui subissent des effets secondaires néfastes. Ce médicament indispensable pour certaines personnes atteintes de dysfonctionnements de la thyroïde permet de diminuer la quantité dans le sang de thyréostimuline (TSH). En France, plus de trois millions de patients prennent du « Lévothyrox » pour hypothyroïdie ou après une opération de cancer de la thyroïde. Le laboratoire Merck, qui commercialise le « Lévothyrox », a changé la formule en mars 2017 à la demande de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Ce changement avait pour objectif d'uniformiser les produits. La société Merck a sollicité par courrier du 16 février 2015, conformément à la réglementation applicable, une modification appelée « demande de variation » des autorisations de mise sur le marché (AMM). Les AMM du « Lévothyrox » ont donc été modifiées par décision de l'ANSM en date du 27 septembre 2016. La spécialité « Lévothyrox » ancienne formule ne dispose donc plus d'AMM sur le territoire national. Dans une communication du 31 octobre 2017 dans le cadre de la « mission flash » de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale sur le « Lévothyrox », il est précisé que « seul le « Lévothyrox » nouvelle formule dispose actuellement d'une autorisation de mise sur le marché » en France. Or cette nouvelle formule a eu pour effet de réels troubles sur la santé de plus d'un million de patients (insomnies, pertes de cheveux, palpitations cardiaques, irritabilité) selon le rapport de pharmacovigilance remis à l'ANSM le 30 janvier 2018. Suite à la pétition de plus de 275 000 signataires, le Gouvernement a annoncé le 15 septembre 2017 que de nouvelles alternatives à l'ancienne formule du « Lévothyrox » qui devaient arriver sur le marché français en octobre 2017. Mme la ministre a déclaré que ces alternatives permettront la venue sur le marché d'autres médicaments laissant ainsi le choix aux patients de prendre des médicaments mieux adaptés et d'ouvrir ainsi la concurrence. En ce sens, elle souhaite connaître les actions à venir du Gouvernement pour renforcer le contrôle de la fabrication de ce médicament et savoir s'il prévoit des indemnisations pour les personnes ayant subi les troubles liés aux effets secondaires. Si l'on considère que les patients sont toujours nombreux à se fournir en ancienne formule dans les pays frontaliers comme en Belgique, au Luxembourg, en Allemagne, Italie ou encore en Espagne, elle souhaite savoir si elle peut rendre publics les rapports de pharmacovigilance qui permettent de prouver l'instabilité dans le temps de l'ancienne formule du « Lévothyrox » afin d'en informer les patients. Elle souhaite demander que les malades thyroïdiens ou non thyroïdiens utilisateurs de levotyroxine puissent obtenir la reconnaissance de la crise sanitaire qu'ils rencontrent.

Réponse émise le 10 juillet 2018

Il n'appartient pas à l'agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) de se prononcer le cas échéant sur la demande, qui serait faite par les associations de patients, de « reconnaissance de la crise sanitaire qu'ils rencontrent » ainsi que sur un éventuel processus « d'indemnisation pour les personnes ayant subi les troubles liés aux effets secondaires ». 1. S'agissant tout d'abord de la communication ou de la publication des « rapports de pharmacovigilance qui permettent de prouver l'instabilité dans le temps de l'ancienne formule » de LEVOTHYROX, il peut être indiqué qu'il résulte de l'article L. 311-5 du code des relations entre le public et l'administration (CRPA) que ne sont pas communicables les documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte au déroulement des procédures engagées devant les juridictions ou d'opérations préliminaires à de telles procédures, sauf autorisation donnée par l'autorité compétente. En l'espèce, compte tenu du fait qu'une procédure pénale portant sur la spécialité LEVOTHYROX est actuellement en cours auprès du pôle « Santé » du tribunal de grande instance de Marseille, et après saisine des services du Procureur de la République de ce tribunal, les documents précités ne peuvent pas être communiqués ou publiés. Cette position a été confirmée par le Tribunal administratif de Montreuil (ordonnance du 23 avril 2018 no 1801521 Association Vivre sans Thyroïde et autres). 2. Pour ce qui est du contexte du changement de formule et des mesures prises à la suite des signalements de pharmacovigilance portant sur la « nouvelle formule » de LEVOTHYROX : Les médicaments à base de lévothyroxine sodique sont indiqués pour traiter les hypothyroïdies (insuffisance de sécrétion de la glande thyroïde ou absence de celle-ci) ou les situations où il est nécessaire de freiner la sécrétion d'une hormone stimulant la thyroïde, appelée TSH (Thyroid Stimulating Hormone). Un arrêt de traitement peut engager le pronostic vital, notamment pour les patients ayant subi une ablation de la thyroïde (thyroïdectomie). La lévothyroxine sodique est une hormone thyroïdienne de synthèse dite à marge thérapeutique étroite, ce qui signifie que toute variation ou modification de la concentration de substance active dans l'organisme, même faible, peut conduire à certains effets indésirables. L'ajustement posologique est individuel et nécessite un contrôle clinique et biologique attentif, dans la mesure où l'équilibre thyroïdien du patient peut être sensible à de très faibles variations de dose. En 2010, du fait des notifications de cas de perturbation de l'équilibre thyroïdien des patients lors de la substitution d'une spécialité à base de lévothyroxine par une autre, une enquête de pharmacovigilance a été ouverte. Elle a conclu en 2012 que des différences de spécifications de teneur entre les spécialités génériques et LEVOTHYROX (spécialité de référence) pourraient expliquer la survenue de cas de déséquilibres thyroïdiens, ce raisonnement étant également applicable aux éventuelles variations de teneur en substance active pour une seule et même spécialité. L'ANSM a donc demandé aux titulaires des autorisations de mise sur le marché (AMM) des spécialités concernées de resserrer leurs spécifications, afin de pallier les risques d'effets indésirables et de garantir une stabilité plus importante de la teneur en substance active tout le long de la durée de conservation du produit et d'un lot de fabrication à un autre. MERCK SANTE a déposé une demande de modification de formule visant au remplacement du lactose par le mannitol (dépourvu d'effets notoires) et à l'ajout d'acide citrique, la substance active demeurant identique. En revanche, RATIOPHARM a demandé l'abrogation de ses AMM et BIOGARAN a arrêté, à partir d'octobre 2016, de commercialiser ses spécialités. Après autorisation par l'ANSM, la nouvelle formule de LEVOTHYROX a été mise sur le marché à partir de mars 2017, sachant qu'elle ne change ni l'efficacité ni le profil de tolérance du médicament. Les professionnels de santé et les patients ont été informés en amont de la commercialisation de la nouvelle formule de LEVOTHYROX, des informations récurrentes ayant été envoyées aux professionnels de santé entre février et avril 2017. Par précaution et en tenant compte du domaine thérapeutique concerné, et bien que la bioéquivalence entre l'ancienne et la nouvelle formule soit démontrée (il existe entre les deux formules une équivalence de la vitesse et de l'intensité de l'absorption de la substance active dans l'organisme), l'ANSM a recommandé, pour certains patients, de réaliser un dosage de TSH quelques semaines après le début de la prise de la nouvelle formule. Dans ce contexte, sans minimiser ni nier les symptômes ressentis par certains patients avec la nouvelle formule de LEVOTHYROX, laquelle convient à la majorité des patients, l'agence les a en premier lieu invités à consulter leur médecin traitant ou leur endocrinologue afin que puisse être déterminé le dosage le plus précis de la nouvelle formule du médicament. Le seul danger est alors que les patients arrêtent de prendre leur traitement, devant se rapprocher de leur médecin pour toute adaptation. En outre, l'ANSM a vérifié la conformité de la nouvelle formule et n'a relevé aucune impureté. Ont en ce sens été mis en ligne sur son site les études de bioéquivalence qui ont été fournies par MERCK SANTE à l'occasion du changement de formule, les rapports de l'ANSM sur ces études, les analyses confirmant la qualité de la nouvelle formulation, ou encore les données disponibles sur les nouveaux excipients. Une enquête de pharmacovigilance a également été initiée, dès la commercialisation de la nouvelle formule, afin d'analyser les signalements d'effets indésirables rapportés. Les premiers résultats de cette enquête, portant sur la période allant de fin mars au 15 septembre 2017, ont été présentés lors du comité technique de pharmacovigilance (CTPV), instance siégeant auprès de l'agence, le 10 octobre 2017. Les cas rapportés par les patients comme ayant des conséquences sur la vie familiale, professionnelle ou sociale, et les cas les plus documentés, soit 5.062 cas, ont pu être enregistrés prioritairement dans la base nationale de pharmacovigilance (BNPV). Les effets les plus fréquemment rapportés étaient la fatigue, les maux de tête, l'insomnie, les vertiges, les douleurs articulaires et musculaires et la chute de cheveux, déjà connus avec l'ancienne formule du médicament. L'enquête a confirmé la survenue de déséquilibres thyroïdiens pour certains patients lors du passage de l'ancienne à la nouvelle formule ; en effet, tout changement de spécialité ou de formule peut modifier l'équilibre hormonal et nécessiter un réajustement du dosage, ce qui peut prendre un certain délai. Elle a conclu que le profil clinique des effets indésirables rapportés avec la nouvelle formule était semblable à celui des effets indésirables rapportés avec l'ancienne formule. Cette enquête de pharmacovigilance s'est poursuivie sur la période du 15 septembre au 30 novembre 2017 et ses résultats ont été présentés au CTPV du 30 janvier 2018, en présence des associations de patients et des professionnels de santé. Précisément, sur cette période, 12.248 nouveaux cas enregistrés dans la BNPV ont été analysés. Ces cas ont été très majoritairement déclarés par les patients (90 %) et globalement, sur l'ensemble des deux périodes, le pourcentage de patients signalant des effets indésirables est estimé à 0,75% des patients traités avec LEVOTHYROX. A nouveau, les effets indésirables les plus fréquemment rapportés dans les observations sont : fatigue et asthénie, céphalées, insomnie, vertiges, dépression, douleurs articulaires et musculaires, alopécie. Ces effets, déjà rapportés avec l'ancienne formule, l'ont cependant été à une fréquence inédite et inattendue. Sur les 12.248 cas, une attention particulière a été portée sur 339 cas d'effets indésirables sélectionnés selon des critères de gravité (décès, mise en jeu du pronostic vital, invalidité/incapacité, anomalies congénitales, hospitalisations). Depuis le début de l'enquête, 19 cas de décès ont ainsi été rapportés et analysés, mais aucun lien n'a été établi avec la nouvelle formule. Un cas de suicide rapporté a par ailleurs conduit à une analyse approfondie de 79 cas de troubles à type d'idées suicidaires. Toutefois, les données ne sont pas suffisamment complètes pour permettre d'établir un lien entre les effets indésirables de troubles psychiatriques et la nouvelle formule. Parmi les cas déclarés, 4030 cas comportant une information sur le bilan thyroïdien ont été identifiés dont 1745 cas suffisamment documentés et permettant une analyse détaillée qui confirme la survenue possible (chez environ 1/3 des cas analysés) de déséquilibres thyroïdiens lors du passage d'une formule à l'autre. L'analyse montre que 2/3 de ces patients déclarent des effets indésirables alors que leurs dosages de TSH sont dans les normes attendues. Le profil d'effets indésirables est similaire chez tous les patients en hypothyroïdie, en hyperthyroïdie ou avec une TSH dans les normes attendues. L'analyse de l'ensemble des cas ne permet pas la mise en évidence de nouveaux effets indésirables avec la nouvelle formule ni de facteurs explicatifs. Aussi, les données de pharmacovigilance continueront à être analysées au regard d'investigations complémentaires. En effet, une enquête de pharmacovigilance sur les effets indésirables des autres médicaments à base de lévothyroxine disponibles depuis octobre 2017 est en cours et les résultats devraient être présentés au CTPV de juillet 2018. En complément, l'ANSM a initié une étude de pharmaco-épidémiologie sur l'ensemble des patients traités. Le premier volet de cette étude, dont l'objectif était de décrire les caractéristiques et l'état de santé des patients qui sont passés de l'ancienne à la nouvelle formule de LEVOTHYROX entre mars et juin 2017, a été présenté lors du 4ème comité de suivi des médicaments à base de lévothyroxine qui s'est tenu au ministère chargé de la santé le 2 mai dernier, en présence notamment de représentants des associations de patients et des professionnels de santé. Ce premier volet a mis en évidence les points suivants : la population traitée par LEVOTHYROX est composée à 85% de femmes avec une moyenne d'âge de 64 ans ; le passage à la nouvelle formule s'est fait majoritairement au mois de mai 2017 et il n'a pas été associé à une modification notable de la dose moyenne ; concernant les dosages de TSH après 4 mois, une augmentation de leur fréquence a été observée chez les patients passés à la nouvelle formule en mai-juin 2017. Le deuxième volet de cette étude est attendu à la fin du 1er semestre 2018 ; il a pour objectif d'estimer les éventuels risques associés au passage à la nouvelle formule. S'agissant enfin de l'offre thérapeutique, outre LEVOTHYROX « nouvelle formule », sont disponibles à ce jour les médicaments à base de lévothyroxine suivants disposant d'une AMM en France : la spécialité L-Thyroxine Serb, solution buvable en gouttes du laboratoire Serb ; la spécialité générique THYROFIX, comprimé (4 dosages) du laboratoire UNI-PHARMA ; la spécialité TCAPS sous forme de capsule molle (12 dosages) des Laboratoires GENEVRIER. Le médicament L-Thyroxin Henning comprimé du laboratoire SANOFI, qui est mis à disposition depuis mi-octobre 2017 par le biais d'importations, s'est vu délivrer le 25 janvier 2018 des AMM en France pour différents dosages. Il sera commercialisé sous couvert des AMM une fois admis au remboursement. Des stocks de produit strictement identique à l'ancienne formulation de LEVOTHYROX ont également été mis à disposition dès octobre 2017 par le biais d'importations. La prescription du médicament Euthyrox est destinée en dernier recours aux patients qui rencontrent des effets indésirables durables. A la demande des pouvoirs publics, MERCK SANTE va poursuivre les importations en 2018. Néanmoins, une procédure est en cours au niveau européen pour autoriser la « nouvelle formule » dans les autres Etats membres où un produit identique à l' « ancienne formule » est encore disponible sous d'autres noms. Si cette procédure aboutit, il n'y aura plus, d'ici fin 2018, dans l'ensemble de l'Union, des spécialités à base de lévothyroxine « ancienne formule », ayant MERCK SANTE pour titulaire d'AMM. Une fois que les importations prendront fin, les patients à ce jour sous Euthyrox pourront se voir prescrire par leur médecin traitant, parmi les alternatives thérapeutiques pérennes disposant d'une AMM pleine et entière en France, la spécialité la plus adaptée à leur situation clinique. Dans ce contexte, où des mesures sont effectivement mises en œuvre afin d'offrir de réelles alternatives thérapeutiques de prescription, l'agence, en liaison avec le Conseil national de l'ordre des pharmaciens, assure un suivi des ventes, permettant la plus grande réactivité pour l'approvisionnement du marché. Fin 2017, au vu des données de l'Assurance Maladie, il a été estimé à environ 500.000 le nombre de patients traités par l'une des alternatives précitées.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.