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Thierry Benoit
Question N° 8629 au Ministère de l'agriculture


Question soumise le 29 mai 2018

M. Thierry Benoit attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation à propos de la gestion des intrants de la bio-raffinerie de Total à La Mède. Ces dernières années des pans entiers de filières mutent pour devenir plus durables. Les groupes pétroliers n'échappent pas à cette tendance de fond. C'est pourquoi le groupe Total a décidé au moment de la rénovation du site de La Mède d'y installer une bio-raffinerie. Sous-entendu, une raffinerie responsable et durable qui considère autant l'impact environnemental que sociétal. Ce type de structure industrielle est souvent un levier majeur de développement du tissu économique local, tout en respectant l'environnement. C'est doublement bénéfique pour une société qui souhaite employer ses forces vives et enclencher l'économie circulaire. Contre toute attente, dans son plan d'approvisionnement Total ne prévoit d'intégrer que 15,5 % de produits issus du territoire national et de la collecte de produits usagés. En plus de venir d'Asie les 84,5 % restants viendraient d'une seule autre source, la palme, qui n'est ni produite en France, ni ailleurs en Europe. C'est ce même végétal qui est responsable de l'abattage de 8,7 millions d'hectares de forêt (deux fois la région Rhônes-Alpes). D'ailleurs M. le ministre de la transition écologique et solidaire déclarait le 6 juillet 2017, à propos de l'interdiction des importations d'huile de palme, qu'il y avait là une nécessité importante de fermer la fenêtre qui donnait la possibilité d'incorporer de l'huile de palme dans les biocarburants. Concernant l'impact environnemental la direction de Total aurait promis de s'engager à diminuer à l'avenir la part de l'huile de palme parmi les intrants, et de se tourner vers des producteurs de palme affichant un label respectueux de l'environnement ; sans considérer qu'un tel projet de par sa forte demande pourrait par voie de conséquence aussi augmenter la demande sur les systèmes non labellisés. À l'échelon européen la France montre qu'elle s'oppose à l'accord de Paris sur le climat, et fait le choix de la déforestation importée. Tandis que l'accord de Paris encourage vivement l'ensemble des pays signataires à agir sur les chaînes d'approvisionnement de certaines matières premières agricoles, comme l'huile de palme en particulier, puisque sa production se fait souvent au détriment de la couverture forestière. En parallèle, il y a quelques jours M. le ministre déclarait « Si nous voulons accompagner la transition de notre agriculture vers des systèmes plus durables, plus résilients et plus performants, si nous voulons répondre aux attentes des consommateurs et plus largement des citoyens, il nous faut préserver le revenu des agriculteurs ». C'est justement en remplaçant l'huile de palme par l'huile de colza que l'on soutiendrait une partie du secteur agricole. En effet 300 000 tonnes d'huile de palme équivalent à 180 000 ha de colza ou de tournesol, tous les deux mellifères et facteur de biodiversité par les abeilles, cultivés et les emplois qui en découlent. Ces nouvelles surfaces permettraient par ailleurs de répondre au problème de souveraineté et d'autonomie en protéine végétale à destination de l'aliment du bétail qui favorise actuellement l'importation de tourteaux de soja d'origine OGM. Il est important de souligner que ces tourteaux de soja représentent eux aussi un enjeu de déforestation importé, puisque la production de soja est responsable à elle seule de 60 % de la déforestation importée. La profession agricole est prête à accueillir des projets d'une telle envergure. Pour preuve, deux tiers de l'huile de colza produite aujourd'hui est déjà destinée aux biocarburants. Enfin la transformation des végétaux en aliment du bétail assure plus de 20 000 emplois en Bretagne. Ces emplois sont continuellement mis en péril par l'importation de produits qui ne respectent pas les règles de productions de l'Union européenne. En déplacement à Roubaix le 23 février 2018, le Premier ministre déclarait à propos du déficit de l'équilibre des échanges commerciaux « nous avons décidé de nous attaquer au problème. De nous y attaquer franchement ». Pourtant le projet industriel de Total prévoit de creuser davantage la balance de plusieurs centaines de millions d'euros. Alors quid des déclarations ? Sans davantage d'arguments en faveur du projet et de son approvisionnement, le Gouvernement a pourtant donné son feu vert pour émettre l'arrêter d'autorisation d'exploiter. La profession agricole vit cette décision comme une trahison. Il y a un triptyque entre responsabilité sociétale, équilibre économique et durabilité environnementale que le projet de Total ne semble pas pleinement considérer au grand dam de la France. Considérant la nécessité d'orienter les projets industriels en tenant compte de ces 3 dimensions, il aimerait connaître sa position à propos de la stratégie du Gouvernement concernant la filière des oléagineux en France dont découle la filière biocarburant, l'autonomie de la filière protéique et la diminution des impacts environnementaux importés.

Réponse émise le 3 juillet 2018

La conversion de la raffinerie Total de la Mède en bioraffinerie a été décidée en 2015. L'objectif principal était de maintenir 250 emplois sur le territoire. Le Gouvernement est particulièrement attentif au plan d'approvisionnement de la bioraffinerie. Dans l'arrêté du 16 mai 2018 autorisant la bioraffinerie, le préfet des Bouches-du-Rhône a imposé à Total de s'approvisionner à partir d'au moins 25 % de distillats d'acide gras, d'huiles alimentaires usagées ou graisses animales de catégorie 3 (sans risque sanitaire selon la réglementation européenne). Une partie des matières premières transformées sera donc constituée de matières recyclées, dont la valorisation est un enjeu fort sur le territoire dans un objectif d'économie circulaire. L'arrêté préfectoral limite par ailleurs l'approvisionnement de la bioraffinerie à 450 000 tonnes par an d'huiles végétales brutes. Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation veillera à ce que les filières agricoles françaises contribuent à l'approvisionnement de la bioraffinerie de la Mède. Les contrats qui pourront être conclus avec les filières agricoles françaises seront créateurs de valeur et sources d'emploi sur le territoire national. Ils assureront des débouchés aux matières oléagineuses françaises, qui contribuent par ailleurs à l'autonomie protéique du pays. Concernant la durabilité de la production, les matières premières transformées dans la bioraffinerie devront respecter des critères exigeants, en matière de préservation des terres et de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le recours à des matières premières importées ne doit pas être source de déforestation. La France soutient, au niveau européen, le renforcement des critères de durabilité ainsi que le contrôle de ces critères. Le Gouvernement élabore actuellement une stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée qui va dans ce sens.

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