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Jean-Paul Lecoq
Question N° 9514 au Ministère de l'éducation nationale


Question soumise le 19 juin 2018

M. Jean-Paul Lecoq attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur la décision gouvernementale visant à supprimer le maillage des centres d'information et d'orientation, et d'en transférer certains aux régions, même s' il a bien noté que le ministre convient pour l'heure que la fermeture des CIO de toutes les académies n'est pas actée et que le travail engagé consiste à une modification de la carte d'implantation sur le territoire national. Il souhaite néanmoins insister afin de maintenir le centre d'information et d'orientation du Havre en raison de la singularité du département de Seine-Maritime qui dispose non pas d'un seul mais de deux bassins de vie et d'emplois majeurs : celui du Havre et celui de Rouen. Le poids économique national du Havre et de son complexe industrialo-portuaire, les problématiques sociales et éducatives spécifiques de ce territoire sont également importantes. Enfin, et toutes les études le démontrent, la population de l'ouest de ce département est moins mobile que celle du reste du département, et cela ne résulte pas seulement de la situation géographique de la Pointe de Caux, ni de considérations culturelles. Cette difficulté à se déplacer est le résultat également d'une situation sociale dégradée, donc d'un manque de ressources financières, frappant notamment les jeunes, et de multiples carences en matière d'infrastructures : conditions de circulation dégradées sur la ligne ferroviaire ouest-est Le Havre/Paris, absence de liaison ferroviaire directe vers le sud de la région, et barrières de péages routières sur tous les axes majeurs, routes et ponts, de sortie de l'agglomération havraise. Dans ces conditions et compte tenu de ces différents et nombreux éléments, la logique de regroupement des centres d'information et d'orientation, ne saurait être appliquée uniformément sans tenir compte des particularités des territoires concernés. C'est le cas évident du Havre. Par ailleurs, au Havre, 25 personnes travaillent dans ce centre et pas uniquement autour de missions d'information et de conseil. Si leur avenir professionnel ne semble pas remis en cause, quoiqu'il revienne au ministre de le confirmer, les agents s'inquiètent, légitimement, pour les usagers accueillis quotidiennement. Ainsi par exemple, l'une des particularités et des atouts du CIO havrais repose sur l'existence de bureaux individuels permettant au public d'être reçu, mais pas uniquement. Ces bureaux sont ouverts tous les jours, y compris lors des vacances scolaires, de nombreux jeunes, familles ou personnes en reconversion ont recours à ces lieux en dehors des heures scolaires. Par ailleurs, certaines familles ou jeunes ne souhaitent pas être rencontrés dans leur établissement, le centre apparaissant comme un lieu neutre. C'est le cas, à titre d'exemple, quand la scolarisation dans l'établissement pose difficulté. Ces bureaux sont également utiles à l'accueil de partenaires, ainsi la gendarmerie y fait, là aussi à titre d'exemple, des séances d'information, de tests ou autre initiative. Réduire cet accueil aux jeunes scolarisés qui chercheraient de l'information et décider de leur orientation constituerait une regrettable régression au regard des besoins. Car les psychologues et les secrétaires accueillent également les jeunes non scolarisés, en décrochage scolaire, des personnes en reconversion, en rescolarisation dans la filière initiale, tout comme des allophones nouvellement arrivés sur le territoire. Le Havre accueille, par sa situation portuaire, de nombreux étrangers et en particulier des mineurs non accompagnés. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Depuis le début de l'année scolaire 2 620 personnes ont été rencontrées dont 540 de moins de 26 ans non scolarisés, 90 de plus de 26 ans non scolarisés et 241 allophones. En cas de fermeture du CIO, que feraient ces centaines de personnes ? Combien seraient en mesure de faire appel à des services dématérialisés ayant vocation à se substituer aux accueils de proximité ? Combien d'autres pourraient utiliser un train ou une voiture pour faire le trajet vers Rouen ou Caen avec le budget que cela mobilise compte tenu des conditions précédemment exposées concernant les transports et les conditions de circulation ? De plus, ce lieu permettant des confrontations de pratique entre les psychologues et les partenaires présents sur un même territoire de 280 000 habitants, il a du mal à considérer en quoi se retrouver isolé dans sa pratique au sein d'un établissement centralisé d'un département comptant 1,255 million d'habitants serait bénéfique pour ces professionnels et les jeunes qui font appel à leurs compétences. Ce sont autant d'interrogations qu'il souhaite lui soumettre. La situation économique et sociale, les difficultés relatives à la formation, à l'orientation, aux études supérieures nécessitent une écoute, un accompagnement de qualité et une proximité, le tout gratuitement dans l'esprit du service public , surtout dans une période où des organismes privés, moyennant finances, exploitent les inquiétudes pour proposer des services facturés et où les vicissitudes anxiogènes du dispositif Parcoursup génèrent un besoin de conseil renforcé. La fermeture du CIO du Havre irait inévitablement à l'encontre de ces nécessités et de ces devoirs. Ni la dématérialisation excessive, ni le report des accueils et prises en charge physiques sur un seul centre départemental ne sauraient se substituer à ce que réalisent au quotidien les professionnels en poste au sein du CIO du Havre. Il attire donc son attention sur la nécessité du maintien du CIO du Havre pour les usagers de l'arrondissement du Havre, besoin qui trouvait déjà un écho auprès de M. le Premier ministre, à cette date maire de la ville, lors d'un vœu, adopté à l'unanimité, visant à rejeter l'inclusion des CIO dans les compétences des régions et la fermeture de certains centres havrais.

Réponse émise le 11 septembre 2018

Le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel ne concerne pas directement les centres d'information et d'orientation (CIO) et les dispositions qu'il prévoit n'impliquent pas la fermeture de ces services. Aucune décision ministérielle n'a, par ailleurs, été prise en ce sens. En revanche, il est clair qu'en France l'orientation ne fonctionne pas de façon satisfaisante. Face à ce constat partagé, le Gouvernement entend apporter des réponses mieux adaptées aux besoins spécifiques de chaque élève, tout au long de la scolarité. Cette nouvelle conception de l'orientation passe par un nouveau partage de compétences entre l'Etat et les régions pour une meilleure éducation à l'orientation dès le collège. Demain, les régions qui sont en lien étroit avec le tissu économique et ses opportunités auront plus clairement en charge l'information sur les métiers et les formations. Les établissements scolaires seront le lieu du processus de l'orientation au plus près des aspirations et des besoins des élèves (information, conseil, accompagnement, vœux). L'Etat conservera naturellement l'affectation des élèves. Dans ce contexte, l'objectif est que l'État concentre son action dans les établissements scolaires pour renforcer l'accompagnement de proximité des élèves et des équipes pédagogiques, et ainsi parvenir à un maillage territorial plus fin. C'est pourquoi les professeurs et les psychologues de l'éducation nationale (PsyEN) ont vocation à voir leur rôle en matière d'accompagnement à l'orientation renforcé. En marge de la dynamique d'élaboration de la loi, compte tenu, d'une part, du transfert de l'information sur les formations et les métiers aux régions et, d'autre part, de l'engagement des personnels au plus près des élèves, une évolution du maillage territorial des CIO est envisagée. Tout en respectant l'obligation légale (article L. 313-4 du code de l'éducation) de maintenir au moins un centre public d'orientation dans chaque département, une réflexion autour de l'évolution de la carte des CIO doit être menée avec les régions. Cette réflexion prendra en compte les besoins des différents publics.

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