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Delphine Batho
Question N° 9608 au Ministère de l'agriculture


Question soumise le 19 juin 2018

Mme Delphine Batho interroge M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur l'application de l'article 125 de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages qui prévoit l'interdiction des pesticides néonicotinoïdes. Du fait de l'adoption de ces dispositions, qui ont résulté d'un long combat parlementaire, l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime stipule que « l'utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes et de semences traitées avec ces produits est interdite à compter du 1er septembre 2018 ». Il dispose également qu'un arrêté interministériel, pris conjointement par les ministres chargés de l'agriculture, de l'environnement et de la santé, peut prévoir quelques dérogations à cette interdiction entre le 1er septembre 2018 et le 1er juillet 2020 sur la base d'un avis de l'ANSES. Cet avis a été rendu par l'ANSES le 30 mai 2018. De plus, dans le cadre des débats sur le projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, les députés ont complété ces dispositions législatives par l'adoption d'un article 14 septies qui étend l'interdiction des néonicotinoïdes à celle de toutes les substances actives présentant des modes d'action identiques afin de prévenir les stratégies de contournement de l'interdiction telles que constatées avec les autorisations délivrées à de nouvelles substances néonicotinoïdes de quatrième génération comme le sulfoxaflor ou le flupyradifurone. En outre, le 27 avril 2018, l'Union européenne a décidé l'interdiction de trois substances néonicotinoïdes : la clothianidine, l'imidaclopride et le thiaméthoxam. Enfin, de nouvelles études scientifiques ont témoigné d'un véritable effondrement de la biodiversité avec une disparition vertigineuse de 80% de la biomasse des insectes en Europe et d'un tiers des oiseaux des champs en quinze ans corrélée à l'usage massif des néonicotinoïdes. De ce fait, 233 scientifiques internationaux ont publié dans la revue « Science », le 1er juin 2018, un appel au sujet des néonicotinoïdes qui, sur la base des données recueillies, insiste sur « la nécessité immédiate d'accords nationaux et internationaux pour restreindre fortement leur usage et d'empêcher l'homologation d'agrotoxiques similaires dans l'avenir ». Dans ce contexte et alors que de très fortes mortalité des abeilles sont constatées en ce printemps 2018, il apparaît nécessaire que des dérogations à l'interdiction des néonicotinoïdes ne soient plus envisagées ou qu'elles soient, en tout état de cause, extrêmement limitées à quelques cultures très circonscrites. La lettre et l'esprit de l'article 125 de la loi pour la reconquête de la biodiversité est bien que l'interdiction soit la règle et la dérogation l'exception. Alors qu'un intense lobbying des firmes de l'agrochimie se déploie pour que le Gouvernement accorde de larges dérogations sur des types de culture occupant une part substantielle de la surface agricole, elle lui demande de bien vouloir lui indiquer d'une part, la liste précise des dérogations envisagées par le Gouvernement et d'autre part, les délais dans lequel l'arrêté interministériel sera publié au regard de l'approche de l'échéance du 1er septembre 2018. Enfin, elle le prie de bien vouloir faire connaître les mesures de surveillances prévues et mises en œuvre par l'État pour s'assurer du respect de l'interdiction des néonicotinoïdes à partir du 1er septembre 2018.

Réponse émise le 18 septembre 2018

La loi no 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages prévoit que l'utilisation des produits de la famille des néonicotinoïdes sera interdite à compter du 1er septembre 2018. Elle prévoit également que des dérogations pourront être accordées jusqu'au 1er juillet 2020 par arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture, de l'environnement et de la santé. Elles doivent se fonder sur un bilan établi par l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, comparant les bénéfices et les risques liés aux usages des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives néonicotinoïdes avec ceux liés aux usages de produits de substitution ou aux méthodes alternatives disponibles. Ce bilan « relatif à l'évaluation mettant en balance les risques et les bénéfices relatifs à d'autres produits phytopharmaceutiques autorisés ou des méthodes non chimiques de prévention ou de lutte pour les usages autorisés en France des produits phytopharmaceutiques comportant des néonicotinoïdes » a été publié le 7 mai 2018. En ce qui concerne la protection des betteraves vis-à-vis des pucerons, il indique qu'il n'existe à ce jour pas d'alternative non chimique pour lutter contre les pucerons de la betterave. Cependant, il mentionne une préparation à base de lambda-cyhalothrine et de pirimicarbe en tant qu'alternative chimique autorisée, considérée comme suffisamment efficace et opérationnelle. Par ailleurs, compte tenu des risques pour les pollinisateurs liés à l'utilisation de trois néonicotinoïdes dont l'imidaclopride et le thiaméthoxame, les règlements d'exécution (UE) 2018/783 et 2018/785 de la Commission du 29 mai 2018 interdisent, à partir du 19 décembre 2018, l'utilisation des semences traitées à l'aide de produits phytopharmaceutiques contenant ces deux substances actives, pour les utilisations autres que celles sous serres permanentes, à condition de maintenir la culture obtenue dans une serre permanente tout au long de son cycle de vie. Aussi, il ne peut être réservé de suite favorable à la demande de dérogation pour pouvoir utiliser, après le 1er septembre 2018, des semences de betteraves industrielles ou fourragères traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant de l'imidaclopride ou du thiaméthoxame, afin de protéger les betteraves des ravageurs des parties aériennes. Le Gouvernement s'engage à accompagner la transition vers les alternatives chimiques et non chimiques plus sûres pour l'environnement et la santé, tant sur le volet de la recherche que de la mise en œuvre des solutions à travers le programme Écophyto.

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