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Jean-Jacques Ferrara
Question N° 9968 au Ministère de l’intérieur


Question soumise le 26 juin 2018

M. Jean-Jacques Ferrara attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur la multiplication et le caractère nouveau des menaces auxquelles les populations sont confrontées : la montée en puissance du risque terroriste sur les territoires, l'émergence de la cyber-sécurité, le vieillissement des populations, la résilience territoriale, tant au regard des changements climatiques annoncés et constatés, que de l'insécurité urbaine. Cette multiplication des menaces oblige les acteurs de la sécurité civile à appréhender et à anticiper des solutions en mesure de répondre à cette complexité. Cette nécessaire adaptation s'impose aux préfets et aux maires, au regard de la loi de décentralisation, les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) relevant de leur compétence, comme de leur responsabilité. Il en est de même des sapeurs-pompiers, comme des urgences médicales et de tous ceux qui sont impliqués pour préserver, secourir, sauver des vies et des infrastructures vitales sur l'ensemble du territoire national. Depuis 1985, des PME françaises ont conçu des systèmes d'information et de télécommunication dédiés à la gestion des appels et des urgences, sans lesquels les principaux acteurs de la sécurité civile ne pourraient répondre à la permanence et à la performance opérationnelles requises par l'urgence. La diversité de ces opérateurs et leur mise en concurrence ont contribué à l'efficience de leurs technologies et du niveau d'équipement des secours. Ces intégrateurs ont depuis plusieurs années fait évoluer les outils qu'ils ont conçus, grâce à une innovation constante, grâce au dialogue avec les équipes de secours sur leurs besoins, l'analyse et l'anticipation de nouvelles casuistiques complexes. La performance des instruments mis à disposition des secours repose également sur la prise en compte de la spécificité de chaque territoire. Les besoins opérationnels varient considérablement d'un département à l'autre, qu'il s'agisse d'une zone de montagne, urbaine, rurale, ou d'une zone de littoral. Pour autant, aujourd'hui, la préservation de l'organisation de la sécurité civile au niveau départemental pourrait être remise en cause par la recherche d'homogénéisation et de centralisation dans le cadre de la mise en place du projet NexSis. Ainsi, ce projet vise à mettre en place un établissement public administratif qui se verrait octroyer un droit exclusif lui conférant au niveau national le rôle d'unique fournisseur de services de gestion des appels et de services opérationnels pour les services d'incendie et de secours. Cette décision vise notamment, les logiciels équipant les centres de traitement des appels (CTA) et les centres opérationnels des SDIS et a vocation à mettre en œuvre un système unifié de réception des appels et de gestion opérationnelle pour tous les SDIS, par la centralisation, la mutualisation et l'interopérabilité des secours. Le risque d'opérer une centralisation et une concentration sous ce dispositif unique, pourrait être préjudiciable à l'évolution d'un système préservant la spécificité des territoires. Cette organisation pourrait impacter durablement le tissu industriel des PME et des ETI présentes sur le marché, bien que ces entreprises se soient toujours caractérisées par leur réactivité, leur innovation technologique, et un savoir-faire reconnu au niveau international. À ce jour, aucune étude d'impact ou consultation n'a été opérée en amont du projet NexSis, pour en appréhender les conséquences sociales et économiques pour les entreprises qui fournissent actuellement les services de gestion opérationnel et des appels. La perte des marchés publics pour les prestataires et les éditeurs fournissant ces logiciels aux SDIS est, sur le plan juridique, susceptible d'entraîner l'obligation pour le prestataire fournissant NexSis de maintenir (donc en pratique de reprendre) les contrats de travail des salariés du personnel des prestataires sortants. Aux termes de l'article 9 de la CCN Syntec ; « s'il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, tous les contrats individuels de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et les salariés de l'entreprise, conformément à l'article L. 122-12 du code du travail. » Les éditeurs seraient impactés à plusieurs titres, notamment : au niveau de la maintenance évolutive et corrective : le gel prévu va entraîner une baisse de chiffre d'affaires corrélative pour les éditeurs. Toutefois, dans le même temps, les éditeurs risquent d'être amenés à conserver leurs ressources pour continuer à assurer les fonctionnalités non encore couvertes par le SGA-SGO ou celles qui ne seront pas couvertes à terme. Ensuite, au niveau de la totalité de l'activité : le « décommissionnement » va entraîner une baisse de chiffre d'affaires corrélative pour les éditeurs selon des proportions qui peuvent s'avérer critiques pour les éditeurs dont les SDIS représentent l'essentiel du marché. À l'heure actuelle, les éditeurs et les prestataires concernés tentent d'échanger avec les autorités concernées sur les points susmentionnés. Au-delà du préjudice qui pourrait être subi par l'ensemble des entreprises du secteur et par plusieurs milliers de salariés, le coût de la transition vers une nouvelle organisation et sa pertinence appellent des réponses motivées permettant de lever l'incertitude qui pèse aujourd'hui sur des opérateurs et sur l'ensemble des acteurs concernés. Il souhaiterait donc connaître ses intentions sur ces questions.

Réponse émise le 11 septembre 2018

Afin de garantir la continuité de la chaîne d'information et de commandement de la sécurité civile, ainsi qu'une véritable interopérabilité avec les autres acteurs de la sécurité intérieure et de l'urgence, le Gouvernement a décidé de favoriser, pour tout le territoire, le développement d'un système d'information unifié des services d'incendie et de secours (SIS) et de la sécurité civile. Ce nouveau système garantira à l'État, aux SIS et aux collectivités qui les financent, l'octroi de nouvelles fonctionnalités opérationnelles attendues par les SIS ou les sapeurs-pompiers, et la population, une bascule technologique dans l'ère numérique des centres de gestion des appels, des alertes et des opérations des SIS, ainsi qu'un meilleur niveau de sécurité vis-à-vis des cyber-menaces. Le projet, construit sur une architecture technique et applicative nationale, distribuée au niveau départemental, constitue une transformation profonde du modèle actuellement en service qui repose sur l'usage de systèmes d'informations conçus de façon indépendante sans capacité d'échanges entre eux, ni avec les organismes de coordination opérationnelle. De plus ce projet sera porté par un établissement public administratif. La question relative à l'impact que pourrait avoir une telle opération de modernisation et de mutualisation des outils informatiques de la chaîne d'information et de commandement de la sécurité civile sur les éditeurs et prestataires, qui fournissent actuellement aux différents SIS les systèmes d'appel et d'information, invite à s'interroger sur la reprise des personnels de chacune de ces sociétés par la nouvelle entité publique. Dans certaines conditions, précisées par la jurisprudence, la loi (article L. 1224-3 du code du travail) a prévu la reprise de personnels de sociétés privées prestataires de services par une entité publique, soit dans le cadre d'internalisation d'activités ayant notamment fait l'objet d'une délégation de service public, soit en cas de transfert par un employeur à un autre employeur d'une entité économique autonome conservant son identité et dont l'activité est poursuivie et reprise par le nouvel employeur (article L. 1224-1 du code du travail et Conseil d'Etat, 7 janvier 2015, no 371991 dans le cadre d'un marché public), ou encore si cette reprise de personnels, affectés expressément au titre des prestations concernées, est prévue par des conventions collectives ou des accords d'entreprises très spécifiques. Toutefois, ces mesures ne trouvent pas à s'appliquer s'agissant du programme de système d'information unifié des SIS et de la sécurité civile, qui n'a pas pour effet de transférer la gestion de l'activité des sociétés éditrices et prestataires de services au sein de la nouvelle structure publique, et qui, en tant qu'entités économiques, conserveraient leur identité. Depuis un arrêt de l'assemblée plénière de la Cour de cassation du 16 mars 1990, position confirmée par la Cour de justice des communautés européennes (arrêt Süzen et Zehnacker, du 11 mars 1997), le non-renouvellement d'un marché public ne constitue pas un transfert d'entreprise. La nature des missions qui seront confiées à cette structure publique est en effet substantiellement différente du champ d'activités couvert actuellement par chacune de ces entités. Le périmètre des missions recouvre notamment la maîtrise d'ouvrage et l'organisation des systèmes d'information et de commandement des SIS à l'échelle nationale. Cette structure publique n'a pas vocation à poursuivre l'exploitation et le maintien en service des systèmes d'information existants au sein des SIS. Pour cela, elle disposera de moyens propres et spécifiques, adaptés à ces missions d'organisation (par exemple des professionnels de la sécurité civile et des infrastructures interministérielles pré-existantes). Par ailleurs, le système d'information unifié des SIS et de la sécurité civile ne peut en rien être comparé aux solutions logicielles actuellement fournies par les éditeurs et prestataires aux différents SIS. En effet, le futur système implique une évolution très forte du périmètre fonctionnel de l'application par rapport aux solutions existantes, un changement d'échelle géographique, un changement complet des architectures et des technologies utilisées, aucune des briques logicielles des éditeurs existants n'étant réutilisée pour construire la nouvelle solution. Ainsi, l'activité exercée par chacune de ces sociétés pour le compte des SIS dans un cadre contractuel ne peut être regardée comme reprise par la nouvelle entité publique, qui du reste n'entretient aucune relation avec aucune d'elles. Les différentes sociétés concernées ont été conviées à assister à des entretiens bilatéraux au deuxième semestre 2016 à l'occasion de l'étude de faisabilité, puis au comité de la filière industrielle des activités de sécurité (CoFIS) le 15 novembre 2016 et enfin, en 2017, lors de réunions à l'occasion desquelles leurs représentants ont pu exprimer leur position vis-à-vis de ce projet dans le cadre d'une étude de marché, organisée par la mission de préfiguration assurant la conduite du projet au sein de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises, conformément à l'article 4 du décret no 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics. A aucun moment les éditeurs et prestataires qui fournissent actuellement aux différents SIS les systèmes d'appel et d'information n'ont évoqué ces questions auprès du ministère de l'intérieur dans le cadre des nombreux échanges d'information organisés sur son objet et son calendrier. Sensible aux enjeux du maillage territorial, le ministre d'État, ministre de l'intérieur, reste toutefois attentif à l'impact de ces mesures sur le tissu des entreprises, notamment les plus petites, qui sont la vitalité de nos territoires.

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