Intervention de Stéphane Lenormand

Séance en hémicycle du lundi 21 novembre 2022 à 16h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Lenormand :

On éprouve une étrange sensation en reprenant les débats de ce PLFSS, adopté sans vote à l'Assemblée nationale, après des discussions trop rapidement interrompues par le recours au 49.3.

Qui dit nouvelle lecture, dit nouvelle occasion d'aborder enfin des sujets essentiels pour nos concitoyens. Mais cette nouvelle lecture sera sans doute écourtée par un nouveau recours au 49.3. Quand sera-t-il activé, monsieur le ministre ? Quoi qu'il en soit, nous voulons mettre à profit le temps qui nous reste, avant que ce couperet ne tombe, pour critiquer les insuffisances de ce texte. À chaque PLFSS, les attentes sont immenses et les réponses insuffisantes.

Reconnaissons-le : un projet de loi de financement de la sécurité sociale ne saurait, à lui seul, combler les lacunes que notre système de santé a accumulées depuis de nombreuses années. Toutefois, nous n'avons pas suffisamment tiré les leçons de la crise liée au covid. La hausse des dépenses qui est prévue ne comblera pas l'inflation qui mine les établissements de santé, dans leur fonctionnement courant comme dans leurs projets d'investissements. Ces prévisions de dépenses contrastent d'ailleurs avec les dépenses consacrées au covid ces dernières années, puisqu'elles s'établissent à 1 milliard d'euros pour 2023, contre 11,5 milliards l'an dernier. Ce montant sera-t-il suffisant pour mieux anticiper les besoins ? Je pense notamment aux difficultés d'approvisionnement qui touchent certains médicaments, comme le paracétamol hier et l'amoxicilline aujourd'hui. Il est urgent d'agir pour empêcher ce genre d'errements.

Depuis l'examen du texte en première lecture, le Gouvernement a certes annoncé, dans l'urgence, des rallonges budgétaires pour les services de pédiatrie, submergés par l'épidémie de bronchiolite. Alors que les difficultés qu'ils rencontrent sont structurelles, et pas seulement liées à la vigueur de l'épidémie, les réponses restent pourtant conjoncturelles. Aussi affirmons-nous une nouvelle fois qu'au-delà de ces enveloppes d'urgence, il faut définir une stratégie pluriannuelle de financement des établissements concernés.

La priorité de cette stratégie doit être de lutter contre la désaffection pour les métiers du soin et de l'accompagnement. Or, pour la première fois depuis le Ségur de la santé, aucune revalorisation salariale n'est mentionnée dans le texte, alors même que les oubliés du Ségur sont encore beaucoup trop nombreux. Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires défendra d'ailleurs, comme en première lecture, un amendement relatif à la rémunération des personnels exclus du Ségur.

Nous exprimons également notre incompréhension devant la décision de ne prévoir que 3 000 créations de poste dans les Ehpad en 2023, soit moins d'un demi-poste par établissement – nous proposions d'en financer au moins 7 500, soit un par établissement. Il faudra faire bien davantage en matière d'autonomie : les questions liées au handicap sont à peine effleurées et, au-delà de mesures bienvenues relatives au contrôle des Ehpad, la question cruciale du financement de la branche autonomie est une nouvelle fois remise à plus tard. Cette branche restera donc la coquille vide que nous connaissons et ne sera pas de nature à garantir les 6,5 milliards d'euros nécessaires pour améliorer la prise en charge de nos aînés et des personnes en situation de handicap à l'horizon 2024.

Le projet de loi contient certes quelques bonnes idées, notamment le renforcement considérable du volet consacré à la prévention. Il en va de même pour la quatrième année d'internat de médecine générale – même si la question se pose de savoir comment garantir de bonnes conditions de travail aux internes, alors même que les maîtres de stage sont difficiles à trouver. Nous saluons aussi l'adoption de plusieurs propositions transpartisanes, comme l'organisation de consultations dans les territoires sous-dotés. Mais il faudra aller plus loin, notamment en matière de pratique avancée et de délégation de tâches.

Enfin, comment ne pas aborder le dossier des retraites, alors qu'une réforme se prépare ? Nous continuons, tout d'abord, de nous opposer au transfert du recouvrement des cotisations de retraite aux Urssaf en lieu et place de l'Agirc-Arrco. Non seulement vous avez fait le choix de ne pas respecter une décision soutenue sur une grande partie de ces bancs, mais vous donnez en plus de nouvelles missions aux Urssaf – tout cela en dépit des alertes que nous avons formulées sur la pérennité du système des retraites complémentaires.

Ensuite, notre groupe réitère son refus de voir une réforme des retraites intégrée au sein d'un PLFSS. J'insiste sur ce point en vue de la suite de nos échanges : le débat sur les retraites mérite bien plus et ne doit pas se limiter à une dimension purement comptable. Il demandera du temps, de l'écoute et du dialogue. Ne nous précipitons pas pour adopter une réforme aussi majeure pour nos concitoyens, et qui devrait placer la justice sociale et la réduction des inégalités au centre. Cette dernière remarque vaut d'ailleurs pour tout notre système de sécurité sociale, donc pour ce PLFSS.

Qui dit nouvelle lecture dit nouvelle tentative d'améliorer le texte, dans un esprit d'opposition constructive. Nous nous y efforcerons.

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