Intervention de Éric Dupond-Moretti

Séance en hémicycle du jeudi 1er décembre 2022 à 21h30
Juridiction spécialisée dans les violences intrafamiliales — Article 1er

Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice :

Madame Diaz, comme l'a dit tout à l'heure Mme Untermaier, des filières existent déjà. Nous pouvons utiliser les mots « filières », « spécialisations », « juridictions spécialisées », « pôles » : je l'ai dit tout à l'heure, la dénomination est une immense valise dans laquelle on peut mettre beaucoup de choses. J'ajoute que nous disposons déjà de référents VIF, à raison d'un par parquet, et que nous avons envoyé plus de 105 contractuels exclusivement chargés de ces questions dans toutes les juridictions françaises.

Je le répète, je n'ai pas d'opposition de principe à la création d'une juridiction différemment spécialisée, si je puis dire les choses ainsi. Mais, bon sang, il faut tout de même que nous disposions d'une étude d'impact ! On ne peut pas chambouler les juridictions de cette manière, en n'ayant auditionné que huit personnes et sans avoir interrogé ni les conférences ni les avocats. On ne peut pas partir ainsi à l'aventure.

Vous dites, monsieur le rapporteur, que l'idée de rendre les ordonnances en six jours avait suscité beaucoup de réticences, mais que cela a fonctionné malgré tout. D'une certaine façon, nous avons eu de la chance, et heureusement que les choses ont fonctionné. Je précise d'ailleurs que la chancellerie a tout fait pour que cela marche, mais que ce ne fut pas simple. Les délais ont été réduits et nous parvenons donc à rendre les ordonnances dans les temps impartis. Mais ce n'est pas pour cela que les choses marcheraient à nouveau ici, sans que nous disposions du minimum minimorum, c'est-à-dire d'une étude d'impact.

Le fait est que nous n'avons pas de cadre de discussion et qu'une mission parlementaire est en cours. Les uns et les autres envisagent la spécialisation en fonction non pas de leurs caprices – ce serait désobligeant de dire cela –, mais de leur vision de la justice, sans pour autant bien la connaître. Madame Diaz, vous proposez qu'il y ait trois magistrats, quand d'autres préféreront une autre spécialisation. Je le répète, nous n'avons pas une bonne base de travail : c'est pourquoi je vous engage à attendre la conclusion de la mission parlementaire, laquelle sera conduite sérieusement.

S'agissant du présent amendement, il est juridiquement infondé, car la création d'un juge spécialisé nécessite une modification de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature : cette création ne peut donc avoir lieu que dans le cadre d'une loi organique – ce n'est pas plus compliqué que cela. En outre, imposer par la loi un nombre de magistrats spécialisés par juridiction ainsi qu'un examen des affaires concernées en formation collégiale entraînerait une rigidité d'organisation et de fonctionnement absolument incompatible avec la réalité de terrain que vivent nos magistrats au quotidien. On ne saurait enfin modifier l'organisation juridictionnelle sans les avoir au moins consultés ! Avec une telle mesure, vous prendriez le risque d'une embolie, d'un dysfonctionnement.

Vous le verrez dans quelques jours, nous faisons tout, dans le cadre des états généraux de la justice, pour donner davantage de moyens à la justice.

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