Intervention de Jean-Claude Raux

Séance en hémicycle du jeudi 8 décembre 2022 à 9h00
Convention sur la manipulation de compétitions sportives — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Claude Raux :

Répondons d'abord à toutes celles et ceux qui se poseraient encore la question : oui, le sport est politique. Il faudrait être malhonnête pour prétendre penser le contraire et inconscient pour laisser le secteur se réguler par lui-même. Le sport est un bien international et un patrimoine immatériel, acteur du rapprochement des peuples et des nations, bâtisseur d'une histoire commune et de valeurs partagées, et promoteur de la paix. Nous devons le protéger.

Le sport possède aussi un pouvoir de développement et d'influence. Ce pouvoir peut rapidement devenir dangereux lorsqu'on en fait un moyen de pression ou un terrain de corruption. Les dérives qui grignotent peu à peu le sport et ses valeurs ont amené les autorités, nationales comme internationales, à produire un arsenal législatif et normatif de régulation de la pratique sportive. Je pense par exemple à la lutte contre le dopage. Sont en cause la marchandisation du sport et le sport business, qui conduisent à la corruption, aux scandales et à la manipulation des compétitions sportives.

L'action coordonnée et la coopération internationale restent les seules réponses adaptées. Je me réjouis donc de constater que le travail qui avait permis la signature de la convention en 2014 aboutit, en 2022, à sa ratification définitive par la France. La convention de Macolin, dont la ratification est proposée à la représentation nationale, est le seul outil de droit international juridiquement contraignant qui permette de lutter contre la fraude en matière sportive. Les deux volets – prévention et répression – qu'elle comporte, respectivement relatifs au sport et aux activités associées, comme les jeux et paris sportifs, et au renforcement de l'échange d'informations et de la coopération entre l'ensemble des acteurs, en font un texte relativement complet. Souhaitons désormais que l'Europe soit en mesure de produire une convention sur le développement responsable et durable du sport et de ses pratiques, et que la France, qui entend s'afficher sur la scène européenne et mondiale comme pionnière et exemplaire en la matière, s'en fasse dans les deux années à venir le socle et l'écho.

D'ici là, la ratification de cet instrument à l'approche des deux événements sportifs d'ampleur qui seront bientôt organisés en France marque l'engagement ferme de notre pays contre ces faits – engagement qui prend aussi forme à travers le travail de l'Agence nationale des jeux depuis 2020 ou la législation déjà en vigueur dans ce domaine, même si celle-ci reste insuffisante. J'espère que la ratification de cette convention poussera le Gouvernement à se doter d'outils législatifs plus ambitieux encore. Il conviendra alors de s'interroger sur la proportionnalité des sanctions qui seront envisagées lors de sa traduction dans le code pénal.

En 2021, les paris sportifs ont généré un chiffre d'affaires mondial de 1 450 milliards d'euros. Les recettes criminelles mondiales provenant des paris truqués ont été estimées – et d'ailleurs probablement sous-évaluées – à 120 millions en 2020. La France n'est évidemment pas épargnée. Il est d'ailleurs difficile de mesurer l'étendue de l'offre illégale des paris en ligne sur notre territoire. L'Agence nationale des jeux diligentera bientôt une enquête à ce sujet.

Alors que le nombre de comptes de joueurs actifs a été multiplié par cinq entre 2012 et 2020, les profits générés et les transferts colossaux qu'ils induisent doivent nous alerter. Certains instruments, que la convention encourage à instaurer, peuvent encore renforcer le droit français. Je songe par exemple à la possibilité de bloquer les flux financiers entre les opérateurs de paris illégaux et les consommateurs.

S'agissant des consommateurs et des risques d'addiction, si l'article 6 mentionne la nécessité d'encourager la sensibilisation, c'est bien à l'État français qu'il revient de se saisir de cette question, bien plus qu'il ne l'a fait jusqu'à présent. En effet, malgré l'interdiction de vente de jeux d'argent et de hasard aux mineurs, un sondage réalisé par la Sedap – Société d'entraide et d'action psychologique – et l'ANJ révélait en 2021 que 35 % des jeunes de 15 à 17 ans jouent et que près d'un quart d'entre eux ont développé une pratique à risque. Cette recrudescence est attribuable à une publicité pour les paris sportifs toujours plus accrocheuse et codifiée, et destinée à un public de plus en plus jeune. Les sociétés n'hésitent pas à recourir à des célébrités dont l'influence auprès de ces publics est reconnue pour faire la promotion de leurs services, moyennant des rémunérations indécentes. Même si je ne regarde pas la Coupe du monde de football en cours, j'imagine d'ailleurs que les longs tunnels publicitaires qui précèdent et entrecoupent les matchs sont largement occupés par les publicités pour les paris en ligne.

Pour protéger la beauté du jeu, l'incertitude des résultats, les émotions procurées, l'intégrité et l'éthique du sport, le groupe Écologiste – NUPES votera naturellement pour la ratification de ce texte.

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