Intervention de Tematai Le Gayic

Séance en hémicycle du jeudi 8 décembre 2022 à 9h00
Convention sur la manipulation de compétitions sportives — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaTematai Le Gayic :

'Ia ora na i teie poipoi api – bonjour à tous. Je tiens d'abord à remercier le rapporteur pour son rapport très détaillé et fourni, dans lequel nous avons trouvé des éléments de nature à éclairer notre prise de décision.

Les députés du groupe Gauche démocrate et républicaine – NUPES estiment qu'il ne suffit pas de se féliciter de l'existence de la convention du Conseil de l'Europe sur la manipulation de compétitions sportives, mais qu'il importe aussi de rechercher les véritables causes de la multiplication de tels faits. Pour quelle raison une personne envisage-t-elle de payer joueurs et arbitres afin de gagner un match ? Pour le plaisir de la victoire ? Parce qu'elle veut à tout prix que son équipe ou son joueur remporte le match ?

La réponse est précisément là : dans le prix, le gain, l'argent. Pourquoi un joueur ou un arbitre accepte-t-il d'être payé pour manipuler un match ? Pour arriver à la fin du mois ? Par goût de l'argent ? Ou en raison de la somme colossale qui est proposée ? Le phénomène s'explique en partie par le grand marché totalement libéralisé des paris en ligne, qui brasse beaucoup d'argent et permet de financer la corruption. En France, c'est en 2010 que les paris en ligne ont été libéralisés pour remplir les poches d'entreprises utilisant des publicités de plus en plus agressives afin d'attirer toujours plus de joueurs – qui sont en outre, comme cela vient d'être rappelé, de plus en plus jeunes.

En plus d'attirer les réseaux de criminalité organisée, le marché des paris en ligne suscite des comportements addictifs que ces entreprises encouragent, sans aucune considération éthique. Pour nourrir l'addiction, ces sociétés affichent leurs publicités partout : dans les rues, à la télévision, dans le métro, sur les réseaux sociaux et surtout à l'occasion de compétitions sportives d'envergure internationale, telles que la Coupe du monde de football qui se dispute actuellement au Qatar. Au lieu de présenter le sport comme un espace d'échanges culturels, de savoir-vivre et de savoir-être, comme un moyen de sortir de la condition misérable que connaissent de nombreux peuples, ou encore comme un moyen de partager des valeurs humaines de respect, d'humilité et d'amour, on alimente l'industrie du sport par le vice de l'argent facile qui est le propre d'un capitalisme effréné.

Quelles sont les raisons qui poussent une personne à parier ? Serait-elle tellement fan de son équipe ou de son joueur favoris qu'elle s'y sentirait obligée ? En réalité, une grande majorité des joueurs voient dans les paris sportifs un moyen de sortir d'une condition difficile. Il s'agit là d'une question sociale très sérieuse : la majorité de joueurs à risque ou affichant des comportements pathologiques perçoivent un revenu mensuel net inférieur à 1 100 euros. Chacun sait que dans nos villages, dans nos quartiers ou dans nos îles, des groupes d'amis s'adonnent à des paris dont l'enjeu est une bouteille de vin, le repas du lendemain, ou encore la tournée du soir – mais on est là très loin des millions d'euros qu'engrangent l'industrie du pari en ligne et ses dérives.

Conscient de la portée du problème auquel nous faisons face, notre collègue Pierre Dharréville a déposé récemment une proposition de loi relative à la lutte contre les addictions aux jeux d'argent et de hasard et à la régulation de la publicité pour les paris sportifs en ligne. Ce texte vise à inclure l'addiction aux jeux d'argent et de hasard dans la liste des addictions figurant dans le code de santé publique ; à restreindre la publicité en s'inspirant de la loi relative aux boissons alcoolisées ; à encadrer les opérations de sponsoring valorisant les paris en ligne ; ou encore à permettre à l'ANIJ d'interdire les paris sportifs pour certaines compétitions.

La manipulation des compétitions sportives n'est rentable que grâce aux industries du pari en ligne, au sponsoring exacerbé et aux autres outils d'accumulation de richesses dans le monde du sport. Rappelons qu'entre une entreprise de paris et un joueur, c'est toujours l'entreprise qui remporte la plus grande mise, mais que ce n'est pas ses biens que la banque saisit lorsque l'endettement est devenu le seul moyen pour un joueur de ne pas sombrer.

Le groupe Gauche démocrate et républicaine – NUPES votera donc pour la ratification de cette convention, tout en vous invitant à soutenir la proposition de loi de mon collègue Pierre Dharréville, afin de compléter le panel législatif visant à limiter l'impact social des paris sportifs, dans le but, encore et toujours, de protéger et d'accompagner les peuples. Mauruuru. Ia nui te aroha.

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