Intervention de Olivier Piepsz

Réunion du jeudi 3 novembre 2022 à 9h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Olivier Piepsz, président de Prométhée :

Monsieur le président, Monsieur le rapporteur, je vous remercie d'avoir associé des start-up à ces réflexions. Prométhée se positionne comme le premier opérateur du New space français de constellations de nano-satellites destinés à l'observation de la Terre et capables de délivrer des informations en temps réel sur toute la surface de la planète. Je vous présente tout d'abord une courte vidéo.

[Diffusion d'une vidéo]

Vous avez vu de belles images avec une belle musique. Derrière tout cela, la question est l'habitabilité de notre planète – on parle de dérèglement climatique –, la pérennité des ressources naturelles, les politiques de défense et de sécurité, en lien avec les conflits induits par ces crises et la nouvelle donne mondiale, marquée par l'affaiblissement du multilatéralisme et où, de nouveau, la loi du plus fort et du plus riche reprend le dessus. Les conséquences sont importantes et les préoccupations sont fortes quant aux infrastructures critiques que sont par exemple les oléoducs et les câbles intercontinentaux de télécommunication – vous avez peut-être vu les images du gazoduc North Stream 1 laissant échapper du gaz au milieu de la mer Baltique, vous avez vu les problèmes d'essence que crée en quelques jours une rupture d'approvisionnement. Si une ressource essentielle est coupée, c'est toute l'économie nationale qui s'arrête et la sécurité des citoyens qui est menacée.

L'engagement de la France pour le développement durable et pour la sécurité est extrêmement fort. Ce n'est pas un hasard si aujourd'hui, après le Brexit, la France est le seul pays européen à avoir un siège permanent au Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations Unies (ONU). C'est une importante responsabilité vis-à-vis des Européens. Il est nécessaire d'avoir une vision globale actualisée pour être en mesure de tenir notre rang et de prendre les bonnes décisions.

Aujourd'hui, la seule technologie, le seul outil répondant à ce besoin est l'observation de la Terre en temps réel permise par les constellations de nano-satellites. Les Chinois et les Américains l'ont compris depuis longtemps. Ils ont cinq ans d'avance. Les Américains ont décidé de s'appuyer sur les acteurs du New space privés, qu'ils ont financés massivement dès leur naissance. Cette année, 5 milliards de dollars ont été versés en commandes publiques par le ministère américain de la défense à BlackSky, Maxar et Planet, avec un objectif clair : tuer dans l'œuf l'émergence d'un compétiteur européen. La vraie question qu'il faut se poser est : voulons-nous utiliser pour longtemps des images américaines – je parle des images disponibles en temps réel ? Pensons-nous que, pour l'observation de la Terre, la souveraineté européenne est importante ?

Nous sommes une petite start-up. Qu'est-ce qu'une start-up ? Cela part d'une idée folle qui trotte dans la tête et qu'on ne sait pas élever. C'est ce qui m'a fait quitter la sécurité et le confort du siège d'une société du CAC 40, avec l'obligation que je ressentais de donner vie à cette idée. Mais la vie d'une start-up en France n'est pas facile du fait du couplage entre crédibilité et financement. Pour avoir du financement, il faut être crédible ; et en France, pour être crédible, il faut avoir du financement. C'est le serpent qui se mord la queue. Mais la France est formidable, car si on y met de l'énergie, si on se lie aux bonnes personnes, on a le soutien des institutions. Je tiens à insister sur le fait que, depuis le début, nous avons été accompagnés par le CNES ( via les space tickets en particulier), la BPI, la DGE.

Nous travaillons encore. Un plan de relance spatial impliquant le CNES, la DGE et l'Union européenne a été élaboré juste après la crise sanitaire de la Covid-19. Nous gagnons un de ses appels d'offres, ce qui nous permet de réaliser nos premières levées de fonds. Alors, nous progressons en crédibilité et devenons même un acteur à l'export. Pour nous, il est important de s'associer aux acteurs traditionnels du secteur. Avec les trois grands prime européens dont nous parlions, notre ligne directrice est la complémentarité. Nous gagnons donc le plan de relance et travaillons dans cette optique. 1,5 million d'euros sont versés à Safran pour lancer sa nouvelle gamme de caméras spatiales. La connexion start-up /grande entreprise est formidable. Nous signons des accords à l'IAC avec Naval Group, pour intégrer des données spatiales au cœur du système d'information naval de défense. Nous signons des accords en moins de deux mois. Cela veut dire qu'ensemble, grandes sociétés et start-up, nous pouvons aller très vite.

La France réagit à la menace d'hégémonie américaine. Je tiens à souligner la révolution copernicienne qui a eu lieu au CNES, initiée par Philippe Baptiste, qui décide de vraiment mettre l'innovation liée aux start-up au cœur du réacteur. Nous sommes complémentaires des acteurs patrimoniaux. L'État lance France 2030, qui est essentiel pour nous parce que ce programme génère de la commande publique nationale. Le modèle américain est une grande partie de la solution pour nous, start-up. Ce qui est fondamental – je souligne ce point – est la vitesse d'exécution, le processus étant tout de même complexe, avec de nombreux interlocuteurs. De ce point de vue, le plan de relance s'est déroulé de manière remarquable, et il est important que France 2030 aille vite aussi, que l'argent arrive en six à neuf mois, parce que les start-up sont très fragiles sur un plan financier. Le timing est vital.

L'Europe, sujet du jour, est un grand réservoir pour l'expertise. Si nous voulons être excellents et concurrencer les Chinois et les Américains, il faut raisonner au niveau européen. C'est d'ailleurs la taille critique du marché. Cependant, la France est quasi absente des fonds européens destinés aux start-up. Les Belges et les Espagnols se sont servis sans complexe de ces outils et nous nous sommes retrouvés dans une situation de concurrence presque déloyale. C'est pour cela que je vous demande que la France finance elle aussi les programmes européens de type « bass », Scale-Up, IntUBE. Nous avons besoin de votre soutien sur ce point.

En conclusion, je rappelle que toutes les Gafam sont américaines. Nous avons été distancés sur les vols habités, mais plus pour longtemps étant donné ce que j'entends de Peter Weiss. Nous sommes attaqués sur le segment des lanceurs. La place de la France dans l'Europe, et donc de l'Europe dans le monde, dépend aussi des choix qui seront pris sur les constellations temps réel. La France a investi avec succès dans les constellations d'Internet avec le formidable projet Kinéis, et avec Unseenlabs dans les constellations radiofréquences. Nous demandons de faire la même chose avec l'observation de la Terre en temps réel, synonyme de souveraineté et d'emplois à haute valeur ajoutée sur tout le territoire. Nous sommes petits, mais nous sommes déjà présents en Île-de-France, en région Sud, en Occitanie et bientôt en Bretagne. Le spatial et les constellations d'observation de la Terre sont des outils essentiels pour construire un monde durable et plus sûr. S'il vous plaît, aidez-nous à avancer.

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