Intervention de Antoine Lefebvre

Réunion du jeudi 3 novembre 2022 à 9h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Antoine Lefebvre, président de Kermap :

Merci Monsieur le président, Monsieur le rapporteur et Mesdames et Messieurs les élus. C'est un véritable honneur pour moi-même et l'ensemble de l'équipe de Kermap de pouvoir témoigner aujourd'hui. Kermap est une entreprise qui a été créée en 2017. C'est une société de géo-intelligence. Nous fournissons des informations stratégiques à nos clients. Notre force est de pouvoir traiter de très grands volumes de données d'images satellites en un temps relativement court, grâce à une technologie de rupture qui se fonde sur de l'intelligence artificielle.

Nous mettons notre savoir-faire au profit d'acteurs publics et privés pour leur permettre d'élaborer la meilleure stratégie d'adaptation au changement climatique. Qu'est-ce qui nous différencie des autres sociétés de l'observation de la Terre ? Avant tout, nous sommes des passionnés. Nous souhaitons donner à tous la possibilité de bénéficier d'une information issue de l'espace. Cette information doit avoir les avantages suivants : être objective, homogène, globale et continue dans le temps. Notre histoire a commencé avec la réalisation de la première plateforme nosvillesvertes.fr, qui permet à tous publics confondus de comparer le patrimoine arboré d'une ville française avec celui d'une autre.

Cette plateforme montre que nous sommes en capacité de maîtriser l'ensemble de la chaîne de valeur de l'information issue de la donnée satellite. Nous produisons l'information à partir de la donnée, nous l'analysons en dérivant des statistiques, et nous la valorisons à partir d'une plateforme de visualisation simple et ludique pour tous. Cette plateforme nous a permis de devenir rapidement le partenaire des collectivités territoriales. Aujourd'hui, avec nosvillesvertes.fr, les collectivités ont découvert que nous pouvions facilement extraire de l'information à partir de la donnée satellite, puis voir et manipuler cette information. C'est ainsi qu'un dialogue s'est créé et que Kermap a réussi à réaliser diverses prestations auprès de différents acteurs à différentes échelles : la petite métropole, la grande métropole, la région ou le département.

Forts de cette expérience, nous nous sommes intéressés à une nouvelle « verticale » qui est l'agriculture. Nous avons développé une technologie unique qui permet de suivre toutes les parcelles agricoles d'Europe en temps quasi réel. Pour ce faire, nous stylisons des données issues de la constellation européenne Copernicus. Pour faire connaître nos services, nous avons également mis en place la plateforme agri.nimbo.earth. On peut y découvrir le potentiel de l'ensemble des images satellites issues des données Copernicus. Surtout, cette plateforme confirme que Kermap peut extraire une information fiable, précise et quantifiable de la donnée satellite.

Le résultat a été à la hauteur de nos attentes. Aujourd'hui, nous travaillons notamment pour le ministère de l'Agriculture. Nous lui fournissons tous les mois un indicateur sur la production des fourrages. Cet indicateur a été indispensable cet été avec l'événement de sécheresse qui a frappé la France. Avec l'agence Eau de Paris, nous suivons les pratiques des agriculteurs sur leurs aires de captage. Eau de Paris a mis en place des mesures incitatives pour le respect de bonnes pratiques agricoles, qui ont pour objectif de préserver l'environnement et les sols. Et si l'on préserve les sols, on préserve les nappes phréatiques qui se trouvent au-dessous.

Aujourd'hui, surtout, nous travaillons avec des multinationales, comme Nestlé et McCain, qui ont mis en place un système pour décarboner leur chaîne d'approvisionnement. Ils incitent les fournisseurs à adopter de bonnes pratiques environnementales pour régénérer les sols et stocker du carbone. Il s'agit finalement de mettre en place un système d'agriculture régénératrice. Kermap suit l'efficacité de ce programme en observant par satellite les parcelles de tous les fournisseurs de Nestlé. L'objectif pour cette entreprise est vraiment d'avoir une information fiable, précise et quantifiable.

Notre dernier produit, le plus ambitieux, est Nimbo. Il reprend tout ce dont je viens de vous parler autour de l'accès facilité à la donnée, mais il s'agit plutôt ici de démocratiser l'usage de la donnée. Que va-t-on pouvoir faire de la donnée juste après ? Nimbo est destiné à tout type d'acteurs, notamment le secteur de l'éducation qui n'a pas forcément accès à ce type de données. C'est un produit dont les valeurs se basent notamment sur l'innovation. Il s'agit de bénéficier d'images satellites sans subir les contraintes liées au satellite lui-même (la couverture nuageuse, le défilement des orbites, etc.).

Enfin, une valeur très forte pour Kermap est la souveraineté. Nous avons développé ce service à partir d'une solution 100 % hébergée en France, principalement à Rennes. Ce sont 20 millions de kilomètres carrés de surface terrestre qui sont actualisés tous les mois. Aujourd'hui, nous couvrons l'Europe, le Moyen-Orient et l'Amérique du Nord. Au premier trimestre 2023, nous fournirons une couverture globale. Grâce à elle, demain, nous serons les seuls à pouvoir offrir l'unique jumeau numérique de la Terre actualisé tous les mois à partir de données Copernicus.

Si nous entrons un peu plus dans la technique, Kermap travaille sur deux axes : 1) comment traiter en masse des données satellites ? Nous internalisons cette phase avec une vraie brique de traitement ; 2) comment apporter cette information aux utilisateurs ? Actuellement, il y a de plus en plus de données, de fournisseurs de données, ce qui crée une sorte de goulot d'étranglement au niveau de leur analyse et de leur interprétation. C'est là que nous nous positionnons : comment faire ce pont entre la quantité d'informations disponibles et le service rendu à l'utilisateur final ?

En cinq ans, Kermap a beaucoup grandi. Nous avons mis en place des cas d'usage opérationnels. Aujourd'hui, nous avons devant nous un marché potentiellement mondial. Mais pour pouvoir l'aborder convenablement, nous avons besoin d'accélérer. Nous pouvons notamment le faire au travers de la commande publique. L'Europe s'est mise en mesure d'avoir des outils formidables, dont cette constellation de satellites Copernicus. Mais, de mon point de vue, elle reste encore sous-exploitée à cause d'un manque de connaissance des utilisateurs finaux. Je pense notamment qu'il existe des utilisateurs du spatial qui s'ignorent. Pourtant, les solutions existent. Nous les produisons aujourd'hui.

Nous avons déjà des cas d'usage, avec des acteurs publics et privés qui ont clairement identifié l'apport effectif de ces données pour piloter des initiatives au service des transitions agroécologiques. Les acteurs institutionnels comme l'Agence spatiale européenne pourraient promouvoir ces solutions pour accompagner des grands programmes européens, comme la politique agricole commune. Il faut par ailleurs que l'Agence spatiale européenne continue à promouvoir l'utilisation et la valorisation de toutes ces données mises à disposition. Cela peut passer par notre outil Nimbo.

En soutenant ces actions, les institutions favoriseraient l'émergence de nouveaux champions européens, ce dont a bien besoin le domaine aujourd'hui. Dans le contexte actuel, le secteur spatial risque d'être dominé demain par des acteurs extra-européens. Sur le versant amont, il existe déjà des poids lourds de l'imagerie spatiale comme Maxar et Planet. Et je ne parle pas de tous les acteurs chinois qui se positionnent actuellement sur le marché français. Ils sont très organisés et agissent de manière groupée. Sur le versant aval, les acteurs extra-européens du numérique et de l'infrastructure sont également puissants. Kermap a fait le choix de développer une infrastructure souveraine, en partenariat notamment avec OVHcloud depuis de nombreuses années.

Pour résumer, la démarche de soutien qui peut être apportée par l'Agence spatiale européenne au travers de la commande publique fait vraiment sens. En effet, elle peut répondre à l'urgence climatique, grâce à des solutions que nous pouvons offrir notamment au service de l'agriculture, et à des enjeux européens forts, comme le green deal, faisant émerger de nouveaux leaders européens.

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