Intervention de Géraldine Bannier

Séance en hémicycle du mardi 10 janvier 2023 à 21h30
État de l'école de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGéraldine Bannier :

Je commencerai par remercier l'oratrice précédente d'avoir parlé de lecture ; c'est évidemment un sujet important. Je tiens à rappeler en préambule un fait incontournable : l'école évolue continûment. Elle n'est pas déconnectée de la société, comme certains semblent le croire, mais les deux sont parfaitement imbriquées. Elle en est le reflet et même, puisqu'elle reçoit les jeunes qui en feront l'avenir, le cœur battant, l'endroit où l'on peut quasiment prévoir ce que sera la société de demain.

L'école s'est démocratisée tout au long du XXe siècle. Les collèges ont accueilli de plus en plus de jeunes depuis 1963 et se sont fondus dans le collège unique en 1975. Cela a permis à des talents d'accéder aux études quand, auparavant, le lieu de naissance et la profession des parents déterminaient l'avenir des enfants, quelles que fussent leurs aptitudes. L'école s'est aussi faite inclusive, accueillant en milieu ordinaire – expression révélatrice – les enfants en situation de handicap. Ce sont là de très nets progrès, qui se poursuivent et qu'il ne faut pas oublier. Attention toutefois à bien offrir à chacun une solution adaptée à ses besoins car l'intégration dans une classe de vingt-cinq élèves n'est pas la solution unique.

L'école d'aujourd'hui est néanmoins pointée du doigt, parfois à juste raison. Les classements Pisa, s'ils ne sont pas l'alpha et l'oméga de la mesure de la réussite scolaire, montrent toutefois que notre système cale. Les élèves français sont dans la moyenne européenne, autant en difficulté en mathématiques qu'en français. Surtout, le système français est celui, en Europe, qui réduit le plus mal les inégalités. Autant dire que c'est le cœur de notre devise républicaine que ce triste constat met à mal. Il n'est pas interdit à un jeune de milieu défavorisé géographiquement ou socialement de réussir : il y a pour cela les quotas, les cordées de la réussite et les classes préparatoires, certes élitistes, mais pas totalement fermées aux talents. Mais pour l'avoir vécu, j'ajouterai que le parcours reste celui d'un éternel retard à rattraper.

Parce qu'à la maison, on n'a pas accès aux livres ou à la musique, parce qu'on se couche tard, parce qu'on ne part pas en vacances à l'étranger pour maîtriser les langues, parce qu'on n'a pas de quoi s'offrir des cours privés et, enfin, parce qu'on a intégré l'idée que, puisqu'on a des bras, on pourra bien réussir sans l'école, et que tout le monde dans la famille a fait sans. L'ascenseur social qu'est l'école reste difficile à emprunter, parce qu'étranger. Il faut clairement poursuivre une politique très volontariste en faveur de la mixité des publics accueillis, du partage d'expériences et de la mobilité, facilitant l'accès des plus fragiles aux dispositifs sportifs et culturels – sous peine que se creuse encore un fossé social déjà trop marqué et perçu dès le plus jeune âge par les enfants.

Une autre évolution majeure de ces dernières décennies me paraît se résumer dans le seul mot d'autorité, mot tabou, désuet sans doute, mais si central dans ce qu'est devenue l'école d'aujourd'hui. Au modèle des maîtres qui tapaient sur les doigts ou faisaient faire des tours de cour aux récalcitrants – époque heureusement révolue – s'est substitué un modèle inverse. Le professeur qui sanctionne est prié par un mot des parents de retirer la punition, sommé de récupérer en classe un élève pourtant exclu ; il doit justifier le contenu de ses cours et peut recevoir des menaces de mort – la chose se développe, hélas, dans les cas les plus extrêmes. Le respect dont jouissait le hussard de la République sur son piédestal, qui déjà à l'époque n'était même pas trop payé, n'est plus tout à fait là.

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