Intervention de François Ruffin

Séance en hémicycle du mercredi 11 janvier 2023 à 15h00
Aides publiques aux entreprises

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Ruffin :

Plus précisément, cette mesure – une bagatelle à 8 milliards d'euros –, nous ne l'avons pas votée, puisqu'elle faisait partie du paquet de dispositions adoptées grâce aux 49.3. Mais comment financer cette baisse des impôts de production ? Le programme de stabilité que vous avez rédigé précise clairement que « la maîtrise des dépenses publiques repose principalement sur des réformes structurelles, la réforme des retraites notamment ».

Nous y voilà. C'est écrit noir sur blanc : vous allez prendre sur les retraites des gens pour donner aux entreprises. Ce recours au principe des vases communicants n'a rien de nouveau. Il s'inscrit même dans une certaine continuité. Le programme de stabilité mentionne ainsi les cadeaux déjà accordés précédemment : « l'année 2021 a été marquée par la […] réduction des impôts de production (– 9 milliards d'euros […]) [et] la nouvelle baisse du taux de l'impôt sur les sociétés (– 3,7 milliards d'euros) ».

Ces sommes sont donc destinées aux entreprises. Mais auxquelles ? Parler des entreprises, en effet, c'est comme parler des poissons : on y trouve aussi bien les requins que les sardines. Alors à qui ces 13 milliards de cadeaux fiscaux ont-ils profité ? Aux très petites entreprises (TPE) et aux petites et moyennes entreprises (PME) ? Très peu. Ces aides ont représenté moins de 1 % de la valeur ajoutée des boulangers et des bouchers, soit 940 euros en moyenne. Elles ont en revanche constitué 1,5 % de la valeur ajoutée des plus grosses entreprises, pour une moyenne supérieure à 9 millions d'euros.

On arrose ainsi les entreprises avec des dizaines, voire des centaines de milliards d'euros, à tel point qu'un ancien cadre du Medef estime que l'État « est devenu un puissant dealer de subventions, un narcotique auquel les entreprises françaises aiment se shooter ». Plus de 30 % du budget de l'État, soit 6 % à 8 % du PIB, sont consacrés à ces aides publiques. C'est trois fois le budget de l'éducation et vingt fois celui de la justice. Même sans prendre en considération le covid et la guerre en Ukraine, ces subventions explosent, sans que l'État cible ou conditionne les aides versées. Parmi les entreprises, ce sont ainsi les requins qui ramassent la mise.

Ces chiffres, ces mesures et ces sigles – crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), crédit d'impôt recherche (CIR), crédit d'impôt innovation (CII), CVAE –, la plupart des Françaises et des Français ne les connaissent pas. Mais ils en ressentent l'injustice et ils en éprouvent l'indécence. Avant-hier, les firmes du CAC40 ont versé à leurs actionnaires 80 milliards d'euros de dividendes, dont les deux tiers bénéficieront non pas aux 10 %, ni même aux 1 %, mais bien aux 0,1 % des familles les plus riches : c'est à elles, c'est à ces firmes que l'État distribue près de 200 milliards d'euros. Et il faudrait que l'assistante maternelle, le couvreur, l'employé travaillent deux années de plus, pour combler un déficit dix à vingt fois inférieur à ce montant !

Vous organisez le gavage des uns par le rationnement des autres. C'est pour cette raison que, reprenant les mots de Jaurès, nous appelons les Français à se réveiller contre « les cupidités serviles ».

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