Intervention de Stéphane Delautrette

Séance en hémicycle du mercredi 11 janvier 2023 à 21h30
Application de la loi climat et résilience

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Delautrette :

La loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ces effets, dite climat et résilience, a été amorcée en s'appuyant sur une procédure inédite, qui a soulevé les espoirs et les attentes d'un grand nombre de nos concitoyens. Innovante dans sa méthode, la Convention citoyenne pour le climat a permis d'effectuer un travail de fond, dégageant 149 mesures susceptibles de faire reculer de 40 % nos émissions de gaz à effet de serre.

Pourtant, dès son examen par le Parlement, le projet de loi est apparu comme décevant, faisant notamment l'impasse sur plusieurs des principales préconisations issues de la concertation. Il en est résulté une loi peu ambitieuse, à laquelle les députés de gauche s'étaient unanimement opposés. Par ailleurs, dès février 2021, le Haut Conseil pour le climat alertait le Gouvernement sur les difficultés d'application de la loi. Il soulignait notamment qu'« une proportion élevée de [ses] mesures [au potentiel de réduction d'émissions significatif voyait] sa portée réduite par un périmètre d'application limité, voire ponctuel, des délais de mise en œuvre allongés ou encore de nombreuses conditions associées à leur application. »

Le groupe Socialistes et apparentés regrette ce rendez-vous manqué entre nos institutions et la Convention citoyenne. C'est pourquoi nous souhaitons contrôler le niveau actuel d'application de cette loi.

Depuis le 1er janvier, un nouveau train de mesures entre en application de façon différée : gel du loyer des passoires thermiques, obligations des annonceurs sur la neutralité carbone, mise en place progressive des zones à faibles émissions (ZFE), etc. En revanche, de nombreuses dispositions ne sont toujours pas applicables, du fait de la non-publication des mesures réglementaires nécessaires.

Dans son bilan annuel de l'application des lois de mars 2022, le Sénat soulignait que la loi « climat et résilience » affichait au 31 mars 2022 un des taux d'application les plus faibles : seulement 10 %. Depuis, dans une circulaire du 27 décembre 2022, la Première ministre a demandé aux membres du Gouvernement de « veiller à une rapide et complète application des lois », consigne qui répond selon ses propres mots à une « exigence de démocratie, de sécurité juridique et de responsabilité politique ». Or, si l'on se réfère à l'échéancier d'application de la loi, force est de constater que le compte n'y est pas ! Parmi les 162 décrets d'application initialement envisagés, on en dénombre seulement 81 publiés et 6 déjà appliqués par un autre texte réglementaire. Si ces premiers chiffres progressent, on constate néanmoins de très nombreux retards. À ce jour, ce sont 59 décrets qui n'ont pas été publiés dans les délais impartis, si l'on exclut ceux dont la mise en œuvre est différée ou satisfaite par ailleurs.

Il y a pourtant urgence : à ce rythme, il sera impossible d'atteindre l'objectif de réduction de 40 % d'émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030 par rapport à celles de 1990, sans parler de l'objectif européen d'une réduction de 55 %.

Je voudrais, avant de conclure, évoquer la rénovation thermique des logements, dimension importante de la loi, qui illustre l'écart entre les objectifs fixés dans le droit et les mesures envisagées pour y parvenir. En effet, alors que le bâtiment représente 43 % de la consommation d'énergie en France, la rénovation des 7,5 millions de passoires thermiques devait devenir une priorité nationale. Là encore, les mesures afférentes n'ont pas produit les résultats escomptés. En effet, la loi impose des démarches aux propriétaires sans proposer de solutions ni tenir compte des difficultés des plus précaires. Ainsi, on assiste à des rénovations éparpillées et peu efficaces, qui font du chiffre – environ 700 000 opérations par an – plutôt que de favoriser des rénovations globales et performantes, dont le faible nombre – 60 000 par an selon l'Agence nationale de l'habitat (Anah) – devrait être considérablement augmenté, pour atteindre 750 000 par an.

Sur ces questions comme sur les autres aspects du texte qu'évoqueront mes collègues, il sera nécessaire de prendre de nouvelles mesures plus ambitieuses pour finalement parvenir aux objectifs fixés dans la loi.

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