Intervention de Jean-François Coulomme

Séance en hémicycle du jeudi 12 janvier 2023 à 15h00
Droit de visite des parlementaires dans les établissements sociaux et médico-sociaux — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-François Coulomme :

Le 25 janvier 2022, les députés du groupe Socialistes et apparentés ont demandé que les parlementaires puissent disposer d'un droit de visite à l'improviste dans les Ehpad. Cette demande faisait suite à la mise en lumière de la maltraitance institutionnelle dans les Ehpad privés, d'abord en 2018 dans le documentaire audiovisuel Maisons de retraite : derrière la façade, puis en janvier 2022 dans le livre Les Fossoyeurs dénonçant la spéculation sur l'or gris – entendez par là nos anciens.

De nombreux rapports alertent depuis des années l'opinion sur la mauvaise gestion des Ehpad privés et les mauvais traitements qui y sont pratiqués. En effet, les effectifs des agents de l'ARS responsables du contrôle de ces établissements ont chuté de 26 % en six ans ; seuls 17 établissements sur 700 ont été contrôlés en 2019 en Île-de-France. Quant à l'inspection du travail, chargée des salariés, elle est réduite à la portion congrue ; des postes y sont supprimés chaque année. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023 a acté que les Ehpad ne seront dotés que de 3 000 aides-soignants et infirmiers supplémentaires, un chiffre éloigné des 20 000 recrutements demandés en urgence par les directeurs d'Ehpad et par la NUPES. Enfin, il n'y a toujours pas de loi « grand âge » pour adapter la société au vieillissement de la population.

Quant à l'ASE, sa situation est particulièrement critique, puisqu'on y constate de graves dysfonctionnements structurels : agressions sexuelles, violences et travailleurs sociaux en sous-effectif. L'encadrement et les professionnels des structures sociales et médico-sociales témoignent partout de situations récurrentes et pérennes de sous-effectif et de sous-qualification.

Le champ de cette proposition de loi inclut les centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie, les foyers de jeunes travailleurs, les établissements de dépistage, les centres d'accueil pour demandeurs d'asile et les services de protection des majeurs dans le cadre de la sauvegarde de justice, de la curatelle ou de la tutelle. Un droit de visite des parlementaires étendu à ces lieux ne changerait rien. Les députés ne pourraient que constater ce que l'on sait déjà de la situation dans les Ehpad, à l'ASE ou dans le secteur du handicap ; tout a déjà été dit à ce sujet, notamment dans le rapport d'information de Caroline Fiat et Monique Iborra sur les Ehpad.

Le secteur social et médico-social est désormais peu attractif, voire répulsif ; le turnover y est massif. Le nombre de candidats au concours d'aide-soignant a baissé de 25 % en cinq ans, les rémunérations dans le secteur sont durablement indignes et les formations restent cloisonnées. Ces conditions dissuadent d'exercer ces métiers si mal rémunérés. À ce jour, 64 000 postes de travailleurs sociaux généraux sont vacants et les larrons qui fantasment sur un report de l'âge de départ à la retraite n'y changeront rien : à 65 ans, les soignants dans les Ehpad finiront par être plus âgés que les résidents dont ils s'occupent !

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