Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du jeudi 12 janvier 2023 à 15h00
Port d'une tenue uniforme à l'école — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

La différence entre riches et pauvres saute aux yeux. Les uns portent les chaussures, les blousons et les jeans au goût du jour, qui coûtent cher, alors que les autres doivent se contenter du discount, quand ce n'est pas des habits du grand frère ou de la grande sœur.

C'est pour lutter contre ces discriminations que je suis favorable à l'uniforme à l'école. Et si ce mot ne vous plaît pas, chers collègues, s'il vous paraît ringard ou marqué d'une couleur idéologique qui vous déplaît, choisissez-en un autre. Qui a voyagé dans le monde sait que l'uniforme est présent dans une pléiade de pays : au Royaume-Uni, en Australie, au Canada, en Corée du Sud, au Liban, au Mexique, à Singapour, à Taïwan, au Viêt Nam pour n'en citer que quelques-uns. Et que je sache, il ne s'agit pas de dictatures d'extrême droite !

L'uniforme a une autre vertu : il est le meilleur rempart contre le prosélytisme religieux, le meilleur ami de la laïcité. L'école en a bien besoin quand on connaît les atteintes à la laïcité dans nos établissements scolaires. Les signalements pour le port de tenues religieuses comme les abayas et les qamis sont en hausse constante. Au total, 904 signalements ont été recensés au deuxième trimestre 2022. Le port de signes et de tenues religieux représentait plus de la moitié – 54 % exactement – des signalements en septembre 2022.

Face à ce phénomène, les directeurs d'établissements scolaires ou les professeurs sont parfois désarmés. Il est difficile d'affirmer à coup sûr que telle robe longue a, ou non, une connotation religieuse. Il s'ensuit des polémiques à n'en plus finir, des contestations à répétition. L'uniforme est une réponse. Il n'est pas sujet à interprétation. Il ne réglerait pas la question de la montée de l'islamisme radical dans nos écoles mais il nous aiderait à le circonscrire, à le combattre, et ce n'est pas rien.

Vous me direz que l'école affronte d'autres difficultés, d'autres maux dont l'uniforme en débat aujourd'hui ne viendra pas à bout. Et vous avez raison. Je ne citerai qu'un seul chiffre : selon le ministère de l'éducation nationale, 700 000 enfants sur 12 millions sont victimes de harcèlement chaque année. J'ai évidemment une pensée émue et attristée pour Lucas, 13 ans, qui a subi ce harcèlement et s'est donné la mort. Peut-être le sentiment d'appartenance à une communauté que procure le port d'un même vêtement pourrait-il insuffler un esprit de camaraderie. Ce serait un début de réponse à l'ensauvagement – pour reprendre le mot d'un ancien ministre de l'éducation nationale – qui détruit insidieusement tout notre système éducatif.

Vous l'avez compris, je n'ai pas la naïveté de penser et de prétendre que la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui répondra à tous les maux qui frappent notre école. C'est une évidence. Je ne le dis pas, et personne ici ne le dit. Elle est juste un bon début. Elle part d'un bon diagnostic : la nécessité de lutter contre les inégalités sociales, d'empêcher que nos enfants ne soient les victimes du prosélytisme de certains et de mettre un frein au consumérisme qui gangrène nos sociétés.

J'ai lu avec attention le compte rendu des travaux de la commission – avec tristesse, mais sans surprise. Une fois de plus, l'opposition à ce texte de nombre de mes collègues n'était motivée que par une simple raison : il est porté par le Rassemblement national.

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