Intervention de Pascale Martin

Séance en hémicycle du lundi 16 janvier 2023 à 16h00
Aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascale Martin :

Leur prise en charge exige des réponses ambitieuses et sociales, non des mesures qui font peser la charge financière de l'aide sur les épaules des victimes.

Si ce dispositif nous pose problème, c'est aussi parce qu'un prêt peut engendrer des difficultés supplémentaires à moyen terme pour ces femmes. Laissez-moi vous présenter les choses autrement : imaginez-vous qu'une banque accepte d'accorder un prêt à une personne en pleine séparation, sans logement, sans travail, avec des enfants à charge ? Bien sûr que non. Les banques savent très bien qu'une telle personne a peu de chance d'être à même de rembourser la somme dans des délais raisonnables. Si c'est l'État qui prête l'argent, croyez-vous que ça changerait tout ?

Les associations présentes sur le terrain auprès des femmes victimes de violences affirment que, pour beaucoup de victimes, ce dispositif peut être contre-productif. Mettez-vous à la place de ces femmes qui ne savent pas où elles vont habiter le mois prochain ou si elles vont trouver un travail, de celles qui se retrouvent seules avec leurs enfants dans une situation devenue brutalement précaire, de celles dont le patrimoine a été confisqué par leur agresseur. Alors que leur avenir est incertain et qu'elles traversent déjà une période très anxiogène, la perspective de devoir rembourser cette somme ajoutera encore à leur stress. Cela peut même les pousser à refuser l'aide, par peur de s'endetter !

Comme l'a dit Mme la rapporteure Béatrice Descamps, une expérimentation de ce type de dispositif a été instaurée en novembre 2022 dans la région de Valenciennes. La somme prêtée aux victimes s'élève à 598 euros au total. L'aide s'adresse uniquement aux bénéficiaires ou aux futures bénéficiaires du RSA. Le remboursement s'échelonne en vingt-quatre mensualités de 25 euros. Vous me direz que cette somme n'est pas considérable ; mais si : pour bien des gens, 25 euros, c'est énorme. Parmi la quinzaine de femmes à qui l'aide a été proposée, plus de la moitié l'ont refusée, pour plusieurs d'entre elles par peur de se mettre en difficulté financière. On voit bien qu'un prêt, même avec un remboursement très échelonné, ne convient pas.

Le deuxième manque important de ce texte est qu'il se focalise sur l'aspect financier de l'aide, alors que les femmes qui quittent leur conjoint violent font état de bien d'autres difficultés, souvent plus importantes. Comme me l'ont signalé les associations, c'est dans la création d'hébergements d'urgence et de structures d'accompagnement psychologique spécialisées qu'il faut placer l'argent – c'est une urgence.

Le fait que l'aide soit inaccessible aux femmes qui sont en situation irrégulière sur le territoire est aussi un problème. Elles n'ont pas droit à beaucoup des aides existantes, qu'il s'agisse d'aides financières ou de solutions d'hébergement, alors qu'elles se retrouvent, plus encore que les autres, coincées dans des situations dangereuses et inhumaines. Dans de nombreuses villes, ces femmes constituent désormais la majorité des victimes de violences qui font appel aux associations de bénévoles, parce que l'État français réputé assurer les droits et la protection des personnes qui se trouvent sur son territoire, ne les met pas à l'abri.

Il faut absolument réfléchir à un dispositif accessible aux personnes en situation irrégulière, au même titre que l'aide médicale d'État (AME), par exemple, car c'est bien de la protection de la vie de ces femmes qu'il s'agit. Néanmoins, plusieurs amendements déposés avant la séance tendent à améliorer le dispositif, en permettant notamment aux femmes les plus précaires de ne pas avoir à rembourser l'aide perçue.

Mon groupe votera cette proposition de loi sous réserve que certains des amendements qui proposent des améliorations significatives soient adoptés.

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