Intervention de Anne Bergantz

Séance en hémicycle du lundi 16 janvier 2023 à 16h00
Aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnne Bergantz :

Je souhaiterais commencer en saluant l'expertise de Mme Valérie Létard, sénatrice à l'origine de la proposition de loi, et en la remerciant pour son engagement sincère et total dans la lutte contre les violences faites aux femmes.

Personne, ici, n'en doute : lutter contre les violences conjugales est une nécessité. Et personne ne peut remettre en question la volonté du Gouvernement de se mobiliser en faveur des droits des femmes et de lutter contre les violences faites aux femmes.

Lors des rencontres sur le terrain avec les gendarmes et les policiers, nous voyons bien que la prise en compte de la parole des femmes a radicalement changé ces dernières années : aujourd'hui, le personnel est formé ; les lieux d'accueil ont été repensés pour favoriser la discrétion et assurer les conditions indispensables à la relation de confiance permettant la libération de la parole ; des intervenantes sociales sont présentes. Néanmoins, si nous pouvons saluer les résultats des politiques menées ces dernières années, nous sommes tous d'accord sur un point : il y a encore beaucoup à faire.

Aujourd'hui, nous savons que les violences conjugales peuvent toucher tout le monde, sans distinction d'âge, de sexe, de profession, de milieu social, de religion, de culture ou d'orientation sexuelle. Nous savons également qu'il existe au sein de tous les couples engagés dans une relation violente un risque élevé que les agressions deviennent récurrentes et que leur fréquence s'accélère : lorsque le cycle de la violence est engagé, il ne s'arrête pas. Enfin, nous savons que les enfants sont des victimes collatérales des violences conjugales, qui les affectent sur le plan physique, émotionnel et social. Le départ de la victime est donc un enjeu primordial.

Quelques chiffres : en 2020, on a recensé 159 400 victimes de violences conjugales et 125 féminicides – des femmes mortes dans leur propre foyer. Le départ de la victime ou l'éviction de l'agresseur du domicile, quand elle est possible, est donc un enjeu absolument fondamental, mais aussi un objectif difficile à atteindre : plus qu'un chemin, c'est un processus qui peut être long, qui s'effectue par étapes, par allers et retours, au cours desquels nous devons informer la victime, l'accompagner et l'aider en respectant ses choix.

Nous savons qu'il existe de nombreux freins conduisant la victime à rester au sein du foyer : des sentiments contradictoires – amour, crainte de perdre ses enfants, peur des représailles, conscience de la nécessité de reconstruire toute sa vie –, mais également des freins financiers, en raison de l'absence ou de l'insuffisance des revenus, ou encore de l'impossibilité d'accéder à ses propres revenus en raison de la mainmise du conjoint sur les comptes bancaires. On parle alors de violence économique. Dès lors, il faut penser une aide permettant aux victimes de se libérer du joug financier de leur conjoint : c'est l'objectif de la proposition de loi, qui vise à créer une aide financière disponible rapidement pour rendre la séparation possible au moment où la victime est prête à quitter le domicile.

En commission, le groupe Démocrate a souligné l'importance de soutenir la création d'une telle aide, tout en émettant quelques réserves, uniquement dans le souci d'assurer son efficacité et son déploiement dans l'ensemble du territoire. Le Gouvernement a d'ailleurs déposé des amendements concourant aux mêmes objectifs de sécurisation et d'autonomie des victimes sans dénaturer le projet adopté par la commission. Je ne peux donc que vous inciter, chers collègues, à les adopter.

Cependant, ne croyons pas que les seules aides financières solderont définitivement les problèmes auxquels les victimes font face : dans le processus dont je parlais précédemment, quitter le domicile est une étape, pas la fin du parcours. Au-delà d'une réponse financière, qui ne saurait suffire, sortir les victimes du cycle de violence et de dépendance psychologique et affective nécessite une réponse coordonnée, rapide et continue des pouvoirs publics. L'enjeu est ainsi de répondre rapidement à la pluralité des besoins financiers, certes, mais aussi psychologiques, juridiques, parentaux, ou du besoin d'hébergement, puisque, je le rappelle, c'est une des principales préoccupations des personnes qui quittent leur foyer.

Tels sont les objectifs du pack nouveau départ, annoncé en septembre dernier par la Première ministre – et que vous avez vous-même rappelé, madame la ministre déléguée –, et qui sera progressivement déployé dès le premier trimestre 2023. Il permettra notamment une meilleure détection des victimes de violences conjugales grâce à un réseau d'acteurs dans tout le territoire, le renforcement de la démarche consistant à aller vers la victime aux étapes clés de son parcours, et la priorisation de l'accès aux aides et dispositifs au bénéfice des victimes de violences.

Vous l'aurez compris, le groupe Démocrate votera en faveur de ce texte.

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