Intervention de Prisca Thevenot

Séance en hémicycle du lundi 16 janvier 2023 à 16h00
Aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPrisca Thevenot :

Il paraît que nous sommes ici rarement d'accord, voire que nous ne sommes d'accord sur rien. Eh bien aujourd'hui, lundi 16 janvier, nous avons l'occasion de prouver que cela est faux et que nous arrivons à faire de nos différences des forces afin d'enrichir le travail réalisé autour de sujets qui rassemblent. En l'espèce, je pense aux droits des femmes, sujet qui nous rassemblait déjà dans l'hémicycle il y a quelques semaines et qui doit continuer à nous rassembler aujourd'hui. Je peux le dire haut et fort : ensemble – oui, ensemble –, nous allons continuer à œuvrer pour défendre ces droits fragiles et, notamment, aider les victimes de violences conjugales. Cela a déjà été rappelé : depuis plus de cinq ans, notre majorité et ce gouvernement ont fait de la lutte contre les violences conjugales l'une des grandes priorités de leur action.

Aujourd'hui cependant, il est nécessaire de regarder au-delà de la seule réponse judiciaire et d'adopter une démarche plus globale. Le risque de précarité financière est l'une des principales raisons qui empêchent les victimes de violences de se mettre en sécurité mais elles sont multiples. La violence économique constitue le pendant encore tabou des violences conjugales. Cette violence se traduit par un contrôle financier des actes du quotidien, pouvant aller jusqu'à la dépossession totale des moyens d'autonomie.

Le contrôle économique peut passer par l'interdiction de travailler, la privation de moyens de paiement ou une mainmise administrative totale, mais aussi par la signature de crédits à la consommation pouvant mener à des situations de surendettement. Si nous avons déjà agi, en mettant en place la réforme du service de versement des pensions alimentaires et des allocations de la CAF, le constat reste encore alarmant. La question de l'autonomie financière touche également à la protection et au bien-être des enfants quand il y en a.

Le travail que nous avons tous fourni en commission, ensemble, nous a permis d'aboutir à un texte qui apportera une aide rapide et substantielle aux victimes de violences conjugales. Nous avons su, à l'image du Sénat avant nous, aborder cette proposition de loi avec l'esprit de collégialité que la gravité des sujets abordés exigeait, dans un objectif commun : donner tous les moyens aux victimes de violences conjugales de quitter définitivement leur conjoint violent. C'est pourquoi je souhaite saluer solennellement le travail de la sénatrice Valérie Létard et sa proposition visant à mettre à disposition des femmes un prêt financier qui leur permettra de s'émanciper le plus rapidement possible de leur conjoint violent.

Je tiens également à saluer nos élus locaux et nos territoires, dans lesquels de nombreuses initiatives et expérimentations sont en cours depuis quelques années. Je pense notamment à la Côte-d'Or, qui prévoit actuellement une aide d'urgence d'un montant de 1 500 euros pour les femmes victimes de violences, ou encore à la CAF de la Somme, qui finance une aide au départ d'urgence d'un montant de 500 euros, auxquels s'ajoutent 200 euros par enfant.

Lors de l'examen en commission de ce texte venu du Sénat, nous partagions toutes et tous le même objectif : faire émerger une aide universelle d'urgence adaptée à chaque situation, qui ne pénalise pas les initiatives de nos territoires. C'est avec cette idée claire de notre ambition et du devoir qui est le nôtre que nous sommes tombés d'accord, de façon transpartisane, sur les pierres à apporter au texte afin de construire le plus de portes de secours possible pour toutes les victimes. Nous proposons donc d'attribuer aux victimes un prêt ou une aide non remboursable, dans un délai rapide de trois jours ouvrés, en fonction de leur situation financière et sociale et, le cas échéant, de la présence d'enfants. Cette nouvelle aide financière universelle d'urgence est un outil d'émancipation que nous ajoutons aux dispositifs préexistants.

Je pense, mes chers collègues, que nous partageons la conscience de la gravité de ces constats et la même envie d'agir. Je le disais en préambule : il nous a peut-être fallu nous frotter à la richesse politique très forte de cette nouvelle assemblée pour nous rendre compte que si beaucoup nous sépare parfois, l'essentiel nous rassemble encore souvent. Au lendemain des élections législatives, beaucoup ont vu dans le résultat de celles-ci un message envoyé par les Français : un appel à coopérer, à travailler ensemble et surtout à s'écouter. Cela n'est pas possible sur tous les sujets, et je pense que des mois difficiles nous attendent, mais souvenons-nous toujours des causes qui nous rassemblent. Pour terminer, je m'inspirerai des mots de Mme la ministre déléguée : faisons en sorte que le premier départ soit le bon départ.

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