Intervention de Emmanuel Pellerin

Séance en hémicycle du mardi 17 janvier 2023 à 15h00
Proposition de législation européenne sur la liberté des médias — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuel Pellerin, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l'éducation :

Il n'est pas fréquent que des résolutions européennes soient débattues dans notre hémicycle. En l'espèce, il est indispensable que l'Assemblée se saisisse de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre commun pour les services de médias dans le marché intérieur – texte visant à garantir la liberté des médias. Je me réjouis de sa large adoption par les commissions des affaires européennes et des affaires culturelles. Je remercie à cet égard notre excellente collègue Constance Le Grip, sans laquelle ce débat n'aurait pas eu lieu.

Comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel en 2011, la liberté de la presse est « […] d'autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l'une des garanties du respect des autres droits et libertés. » Chateaubriand le disait si bien : « Il faut cette liberté, ou […] la Constitution n'est qu'un jeu. »

La protection des sources, la liberté éditoriale, l'indépendance des médias de service public, et la transparence dans la propriété des médias : autant de principes qui méritent un débat. Si celui-ci a permis en commission de prendre en compte plusieurs amendements défendus par l'opposition, d'autres pourraient être encore adoptés à l'issue d'une concorde transpartisane.

À l'heure où nous parlons, en Russie, des médias indépendants et des journalistes sont censurés au motif qu'ils auraient diffusé de fausses informations sur l'armée. Le prix Nobel de la paix Dmitri Mouratov a récemment déclaré que le journalisme était aujourd'hui un métier interdit dans son pays. Si la Russie n'est pas un État de l'Union, plus à l'ouest la situation de la liberté de la presse n'est pas moins préoccupante. Les atteintes aux journalistes ont augmenté de 41 % entre 2020 et 2021 ; six d'entre eux ont été tués en 2021. Les procédures bâillons se multiplient dans des États comme la Pologne. Reporters sans frontières a récemment dénoncé la condamnation arbitraire du journaliste Tomasz Pi¹tek. La Commission souligne aussi le risque d'ingérence politique dans les nominations et les révocations des dirigeants de médias de service public.

La proposition de règlement, texte important, est imparfaite. J'entends les critiques de l'extrême droite de l'hémicycle qui accuse la Commission d'outrepasser ses compétences. Le Conseil de l'Union a été saisi et rendra son avis en février. J'ai pris note des avis en subsidiarité adoptés par le Sénat et par des parlements voisins. Si je ne les partage pas, je souscris en revanche à l'interrogation de nos collègues sénateurs sur le choix de recourir à un règlement d'application directe plutôt qu'à une directive qui fixe seulement des objectifs à atteindre. Les États membres disposent de législations différentes, qu'ils souhaitent légitimement préserver. C'est le cas de la France, avec la loi de 1881 sur la liberté de la presse et la loi de 1986 relative à la liberté de communication.

La proposition de règlement me semble perfectible à bien des égards. Son article 21, relatif à l'évaluation des concentrations sur le marché des médias, doit être clarifié. S'agissant de la France, les états généraux du droit à l'information seront un cadre opportun pour en débattre. L'article 17, relatif aux contenus des fournisseurs de services de médias sur les très grandes plateformes en ligne, doit être renforcé. Il relève plus de l'autorégulation que d'un véritable contrôle, pourtant nécessaire. L'article 23 vise à imposer aux organismes de mesure la communication d'informations précises sur leur méthodologie. Nous devons aller plus loin, pour tenir compte de l'environnement numérique actuel ; les méthodes de mesure des plateformes doivent être contrôlées. La présidente de la commission des affaires culturelles, que je salue, est très sensible à cette question ; aussi, je lui laisse le soin de la développer.

Mes chers collègues, le texte qui vous est proposé aujourd'hui est équilibré ; nous devrions tous nous retrouver dans ses objectifs, qui sont des principes fondamentaux. Par conséquent, je vous invite à l'adopter largement.

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