Intervention de Laurent Esquenet-Goxes

Séance en hémicycle du mardi 17 janvier 2023 à 15h00
Proposition de législation européenne sur la liberté des médias — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Esquenet-Goxes :

La liberté de la presse brûle, et le monde regarde ailleurs. Quatre-vingt-cinq pour cent de la population vit dans un pays où la liberté de la presse a reculé ces dernières années. Pourtant, celle-ci est au cœur de notre modèle démocratique. Elle est la condition sine qua non du libéralisme politique. Une liberté indispensable qui, couplée au droit de vote pour tous, constitue l'alpha et l'oméga de la démocratie. Sans des médias libres, le vote est le jouet de ceux qui pensent que la démocratie n'est qu'un Monopoly ; sans une presse indépendante, il n'est qu'un outil de légitimité dévoyé au service d'un modèle illibéral.

Cette remise en cause de la liberté de la presse s'observe, bien sûr, dans les pays autoritaires, comme la Russie, la Chine ou le Venezuela. Face aux réseaux sociaux qui sont autant de fenêtres ouvertes, ces pays s'enfoncent dans la censure. Mais elle touche aussi les grandes démocraties, comme les États-Unis, l'Inde ou le Mexique. La liberté de la presse y recule pour différentes raisons, l'argent, la corruption ou l'autoritarisme. L'Europe, enfin, n'est pas non plus épargnée, la montée de l'extrême droite, en Pologne comme en Hongrie, érodant la liberté des médias.

Dans ce contexte, la proposition de règlement européen sur la liberté des médias est salutaire. Encore une fois, l'Union européenne affirme son avant-gardisme dans la promotion des libertés publiques. Depuis des années, elle se mobilise pour défendre et renforcer les droits de la presse – je pense à la création d'un droit voisin au profit des services de presse en ligne, défendue dans cette assemblée par mon ami, le président Patrick Mignola.

Cette proposition de règlement était d'autant plus attendue que les constats de la Commission sont largement partagés par les acteurs concernés. Les médias européens font face simultanément à une baisse de leurs recettes, à l'émergence des plateformes en ligne et à un ensemble de règles nationales qui compliquent la circulation de l'information. Face à ces constats, les réponses apportées sont à la hauteur des enjeux.

Il nous faut ainsi saluer la volonté de la Commission de renforcer la confiance dans les médias. Car, malgré leur liberté, leur indépendance et les bons classements internationaux des pays de l'Union, seul un Européen sur cinq a une confiance élevée dans les médias. Peut-être est-ce dû, pour partie, à l'intérêt qu'à l'extrême droite à alimenter la défiance ; peut-être celle-ci est-elle aussi attisée par les déclarations de ceux qui affirment que « la haine des médias est juste et saine ».

Si nous voulons, sans polémiques, renforcer la confiance de nos concitoyens envers les services d'information, nous devons prendre des mesures à même de le faire. En ce sens, le groupe Démocrate salue les propositions de la Commission, qui accentuent la transparence en matière de propriété des médias et renforcent l'indépendance éditoriale de ces derniers.

À ce sujet, j'appelle votre attention sur l'absolue nécessité de renforcer la couverture des informations européennes. Les Français se sentent mal informés sur ce sujet. Nous sommes un des seuls États européens à ne jamais pouvoir suivre le discours sur l'état de l'Union de la présidente de la Commission européenne, à ne jamais en entendre parler, à ne jamais en commenter les annonces, quand bien même elles devraient changer notre vie. Madame la ministre, je vous sais très attachée à cette visibilité européenne, le groupe Démocrate est prêt à y travailler avec vous.

De cette proposition de règlement, il nous faut aussi retenir la volonté politique européenne réaffirmée d'approfondir le soutien public aux journalistes. Notre groupe salue ainsi la création d'un fonds destiné aux journalistes menacés, ainsi que l'amplification de la lutte contre les logiciels espions.

Il nous faut enfin applaudir les dispositions renforçant la vigilance européenne face à la puissance des Gafam. Nous nous réjouissons en particulier de la mesure imposant au média qui en est à l'origine que le retrait d'un contenu soit justifié. Nous devons toutefois aller plus loin sur ce sujet car l'inquiétude monte face à l'importance de ces géants.

Tout en saluant donc ces avancées, le groupe Démocrate partage les réserves suscitées par la présente proposition de résolution européenne. Il souligne en particulier la nécessité de renforcer les garanties d'indépendance du futur Comité européen pour les services de médias et partage l'idée que la presse écrite doit être exclue de son champ de compétences.

Pour toutes ces raisons, notre groupe soutient cette proposition de résolution qu'il votera donc résolument.

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