Intervention de Marc Fesneau

Séance en hémicycle du mardi 17 janvier 2023 à 21h30
Approvisionnement en produits de grande consommation — Présentation

Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire :

Egalim 2 a ensuite rendu possible la réouverture de négociations commerciales – c'est sa seconde réussite et j'y reviendrai ensuite. Depuis le 1er janvier 2023, compte tenu de ce qui était prévu dans la loi, l'ensemble des dispositions d'Egalim 2 sont applicables. L'année 2023 sera donc une année clé pour les filières agricoles et alimentaires visées par les lois Egalim 1 et 2. Je constate d'ores et déjà de nombreuses dynamiques positives qui ont permis aux acteurs concernés de s'approprier pleinement les deux textes de loi.

Eu égard aux avancées positives des lois Egalim, adoptées à l'unanimité de votre assemblée – je tiens à le souligner –, il est désormais de notre responsabilité d'en assurer le maintien et l'intégrité et d'en garantir la solidité et l'efficacité, pour éviter de fragiliser l'édifice bâti collectivement au service d'une chaîne alimentaire plus résiliente. Aussi, il nous faut donner le temps aux acteurs de mobiliser les outils que ces lois ont placés entre leurs mains. Renverser la table risquerait de les fragiliser, en particulier dans cette période si atypique, marquée par une inflation galopante et – à plusieurs titres – quelque peu déconcertante.

Il n'en demeure pas moins que, sans bousculer cet édifice encore récent, des ajustements – et même davantage – sont nécessaires. Nous le savons et, au fond, nous le savions ; c'est tout l'objet de la présente proposition de loi déposée par M. Frédéric Descrozaille, votre rapporteur. Elle s'inscrit dans la lignée des travaux de la précédente législature, que je tiens à saluer comme je salue le travail de M. Descrozaille.

Si nos approches divergent encore, à ce stade, sur quelques points, je sais que sur le fond, nous convergeons sur l'objectif. Sachons rester à la hauteur des attentes de nos concitoyens pour aboutir à une écriture finale qui soit – c'est l'objectif des amendements et des sous-amendements déposés sur le texte – concise, efficace et le moins possible soumise à interprétation, car c'est dans les interstices du texte que peuvent se glisser des ambiguïtés. C'est à cela que serviront nos débats, puis la navette parlementaire qui se poursuivra lorsqu'ils s'achèveront.

S'agissant de la prolongation de l'expérimentation relevant le seuil de revente à perte (SRP) et encadrant les promotions, je veux dissiper quelques malentendus. Ce dispositif n'a pas eu d'effet fortement inflationniste, contrairement à ce que disent certains. Il a fait l'objet d'une évaluation ayant donné lieu à deux rapports, qui ont été remis au Parlement et dont vous avez connaissance. Leurs conclusions sont positives mais la prudence reste de mise, compte tenu du contexte très perturbé dans lequel le dispositif a été déployé, un contexte marqué par la crise sanitaire et ses confinements successifs, qui ont bousculé les modes de production et de consommation, et par le choc inflationniste – je le disais il y a quelques instants – concomitant à la guerre en Ukraine.

Je suis intimement convaincu que les deux volets de ce dispositif – d'une part le relèvement du seuil de revente à perte de 10 points, dit SRP+10, et d'autre part l'encadrement des promotions en valeur et en volume – sont complémentaires, qu'ils forment un tout indissociable qui doit être prolongé en l'état, pour pleinement faire sentir ses effets et donner de la stabilité aux acteurs économiques.

J'entends aussi que l'Assemblée souhaite – c'est le sens de l'article 2 bis – demander l'évaluation du SRP+10. Je vous alerte à ce propos : nous ne devons pas provoquer un sentiment d'insécurité juridique. Je vois que le texte issu de la commission conditionne la prolongation du SRP+10 à un rapport d'évaluation : vous entendez renouveler cette expérimentation pour trois années supplémentaires, à condition qu'elle fasse l'objet d'un contrôle qui déterminera chaque année son avenir. Je souscris pour ma part à la proposition de M. Dominique Potier, qui va dans le sens d'une évaluation annuelle n'étant pas susceptible de remettre en question tous les ans le dispositif. Nos acteurs ont besoin de visibilité et de lisibilité et je crois que vous avez écouté ces attentes légitimes, monsieur Potier, ce qui nous permettra d'aboutir, je le crois, à un accord équilibré.

D'autres dispositions de la proposition de loi ne sont pas moins importantes. Sans anticiper sur le débat à venir concernant l'article 4, l'intervention du tiers indépendant avant le début des négociations est un gage supplémentaire de confiance entre les acteurs et un outil au service de la transparence et de la sincérité dans les négociations. Une telle disposition va selon moi dans la bonne direction : elle fait consensus au sein des différents maillons de la chaîne alimentaire mais aussi sur vos bancs, puisque Julien Dive et ses collègues avaient déposé une proposition de loi allant dans le même sens – je tiens d'ailleurs à saluer leur travail.

Concernant l'article 3 et plus particulièrement les derniers amendements déposés, je partage la volonté qui est la vôtre de définir un cadre clair en cas d'échec des négociations commerciales, afin notamment de préserver nos TPE – très petites entreprises – et nos PME – petites et moyennes entreprises. Je veux cependant être très clair : le Gouvernement est à pied d'œuvre pour mener deux combats de front. Le premier a pour but la sécurité et la souveraineté alimentaires de notre pays et conditionne le second, qui vise la juste rémunération non seulement des agriculteurs mais aussi des entreprises de l'agroalimentaire, dans la logique d'Egalim 2. J'ajoute que ces combats doivent être menés tout en maîtrisant l'inflation.

Il s'agit de respecter un équilibre encore fragile, pour lequel nous avons déjà beaucoup œuvré. Cet équilibre doit être préservé et toute mesure emportant un risque inflationniste ou déflationniste pour notre chaîne alimentaire mettrait à mal ces deux objectifs – il nous faut conjuguer l'un et l'autre, me semble-t-il.

Il me semble donc nécessaire de tracer un juste chemin d'équilibre permettant de sécuriser la date de fin du cycle des négociations commerciales au 1er mars, puis de constater, le cas échéant, que les deux parties ne parviennent pas à se mettre d'accord au terme de la négociation – vous l'avez dit, monsieur le rapporteur. Enfin, et c'est essentiel, en cas d'échec de la négociation, il faut que les parties puissent définir en commun les conditions d'un préavis sans qu'aucune d'entre elles ne soit lésée, mais sans non plus qu'aucune n'y soit tenue, comme c'est le cas actuellement.

J'ajoute enfin que le dispositif doit renforcer la position des PME et des TPE, et pas seulement celle des grandes entreprises, qui ne sont pas les moins armées pour discuter avec la grande distribution.

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