Intervention de Stéphanie Rist

Séance en hémicycle du mercredi 18 janvier 2023 à 15h00
Amélioration de l'accès aux soins — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphanie Rist, rapporteure de la commission des affaires sociales :

Je ne cache pas l'émotion que j'éprouve à présenter ce soir cette proposition de loi que j'ai déposée avec mon groupe, relative à l'amélioration de l'accès aux soins. Il s'agit en effet d'une attente majeure des Français.

Ce texte répond à deux objectifs clairs : lutter contre les déserts médicaux et améliorer la qualité de la prise en charge des patients en renforçant la coopération entre les professionnels de santé. Je n'ai bien sûr pas la prétention de croire que cette proposition de loi répondra d'un seul coup de baguette magique à tous les problèmes de démographie médicale, mais elle constitue une étape supplémentaire dans la concrétisation de nos engagements en la matière. Je pense d'ailleurs qu'il est utile de rappeler quelques points de notre bilan : nous avons mis un terme au numerus clausus – enfin –, assoupli les règles de cumul emploi-retraite, renforcé le déploiement des assistants médicaux ou encore permis la vaccination par les pharmaciens et d'autres professionnels.

Dans le prolongement des travaux engagés, il est urgent d'aller plus loin. Faciliter l'accès aux soins pour tous implique de renforcer massivement la coopération et de mieux reconnaître les compétences des professionnels de santé. Cette proposition de loi s'inscrit dans la continuité de celle que j'ai défendue il y a deux ans, la loi du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification. Elle fait aussi écho aux propositions formulées en octobre 2022 par le collège des professions de santé du Comité de liaison des institutions ordinales (Clio). Le développement des partages d'actes et d'activités entre médecins et professionnels de santé est incontournable pour permettre aux Français les plus fragiles, en particulier ceux qui souffrent d'une affection de longue durée (ALD), de disposer d'une équipe traitante formée de professionnels de santé travaillant en lien étroit avec un médecin. Pour redéfinir notre approche autour d'une équipe traitante, nous devons ouvrir ce que l'on appelle l'accès direct, c'est-à-dire la possibilité pour un patient de consulter en première intention un professionnel de santé autre que son médecin généraliste, mais uniquement dans le cadre d'un exercice coordonné.

Cette proposition de loi vise à nous engager sur la voie d'une simplification du parcours de soins et à accorder davantage de confiance aux professionnels de santé.

L'article 1er tend à revaloriser les missions des infirmiers en pratique avancée (IPA) et à dynamiser cette profession dont le déploiement est en cours. L'une des difficultés majeures rencontrées par les IPA exerçant en libéral réside dans l'insuffisance du nombre de patients adressés par les médecins. Beaucoup d'entre eux sont encore réticents à adresser des patients à des IPA, soit par méconnaissance de leurs compétences, soit par absence de volonté de travailler avec une profession perçue – à tort – comme concurrente. Ce mode de fonctionnement empêche le développement d'un modèle économique pourtant viable et pertinent, ce qui conduit certains infirmiers à renoncer à l'exercice en tant qu'IPA.

Il est ainsi proposé d'étendre le champ de compétences des IPA aux prescriptions de produits de santé et de prestations soumis à prescription médicale obligatoire. L'article permet également aux IPA de prendre en charge directement des patients, sans que ces derniers leur soient adressés préalablement par un médecin, à la condition qu'ils travaillent dans le cadre de structures d'exercice coordonné, qu'il s'agisse des équipes de soins primaires, des centres de santé, des maisons de santé ou des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) qui ont vocation à être généralisées sur l'ensemble du territoire.

Je tiens à rappeler que le domaine d'expertise, les compétences et le champ d'activité de la profession d'infirmier de pratique avancée sont déjà définis par la loi. Afin de mieux structurer et organiser la profession, mais également afin de donner plus de lisibilité aux patients, l'article propose de créer deux types d'IPA, à savoir des IPA spécialisés et des IPA praticiens. Il s'agit d'un même métier avec des modalités d'exercice différent.

Les articles 2 et 3 visent respectivement à ouvrir l'accès direct aux masseurs-kinésithérapeutes et aux orthophonistes. L'accès direct à ces professionnels est nécessaire pour fluidifier le parcours de soins du patient et dégager du temps médical. Même si le médecin ne sera plus consulté forcément en premier, sa place reste centrale dans notre système de santé. L'accès direct n'est pas ouvert à tous les masseurs-kinésithérapeutes et orthophonistes, mais aux seuls professionnels qui exercent dans une structure de soins coordonnés. Un bilan initial et un compte rendu des soins prodigués seront adressés au médecin traitant et reportés dans le dossier médical partagé, sans quoi, comme l'a prévu la commission, les actes qu'ils réalisent seront mis à leur charge.

Enfin, l'article 4 propose de créer une profession d'assistant dentaire de niveau 2. Cette proposition répond à une demande forte et a été élaborée depuis plusieurs années avec les professionnels concernés. Je vous proposerai un amendement de rédaction globale de cet article pour le rendre pleinement conforme aux attentes de la profession. Ces assistants dentaires de niveau 2 pourront effectuer les actes habituellement pratiqués par le chirurgien-dentiste, tels que les détartrages et la réalisation d'imageries. Alors que des difficultés d'accès aux soins bucco-dentaires sont observées dans de nombreux territoires, la création de cette profession apparaît comme essentielle pour libérer du temps médical au chirurgien-dentiste et mieux développer la prévention bucco-dentaire.

Je présenterai des amendements afin que soient définies au sein des projets de santé des CPTS les modalités de coordination de l'accès direct. Ces précisions seront coconstruites avec les acteurs de terrain, ce qui répond à la volonté exprimée par différents parlementaires lors de l'examen en commission.

Enfin, j'entends certaines craintes émises par des parlementaires mais aussi par des médecins, de manière parfois assez forte, dans les médias. Le travail que nous avons réalisé en commission et que nous allons poursuivre permettra aux médecins d'être rassurés quant à la place centrale qu'induit naturellement leur expertise.

Par ailleurs, j'accorde mon soutien aux nombreux infirmiers anesthésistes quant à la nécessaire reconnaissance de leur exercice comme pratique avancée. Les règles de recevabilité relatives à l'examen des amendements ne nous ont pas permis d'engager en commission un dialogue sur cette demande légitime.

Certains points feront sans doute encore l'objet de débats, et j'ai la conviction que ce texte sera amélioré par l'examen en séance publique et par la mobilisation de députés de tous les groupes. J'espère en effet que l'amélioration de l'accès aux soins n'est pas l'apanage d'une seule couleur politique.

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