Intervention de Paul Charon

Réunion du jeudi 19 janvier 2023 à 16h00
Commission d'enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères-États, organisations, entreprises, groupes d'intérêts, personnes privées-visant à influencer ou corrompre des relais d'opinion, des

Paul Charon, directeur du domaine « Renseignement, anticipation et menaces hybrides » de l'Institut de recherche stratégique de l'École militaire (IRSEM) :

Vous avez raison de mentionner la nomination d'un nouveau ministre des affaires étrangères chinois, Qin Gang, qui était préalablement ambassadeur aux États-Unis. Le signal n'est pas extrêmement clair : il ne s'agit pas d'un modéré et son passage par Washington a été émaillé de fortes tensions et de démonstrations de force.

En revanche, il importe d'envisager ce changement à l'aune de deux autres nominations : d'une part celle du nouvel ambassadeur chinois aux États-Unis, qui est plutôt un modéré ; d'autre part, la rétrogradation de Zhao Lijian, ex-porte-parole du ministère des affaires étrangères, qui représentait sans doute l'incarnation la plus forte des loups guerriers.

Il s'agit là de deux signaux forts attestant la volonté chinoise de nuancer sa diplomatie agressive, du moins de manière conjoncturelle. Dans les mois à venir, nous allons sans doute assister à un adoucissement de leur manière de procéder. De même, l'ambassadeur de Chine à Paris utilise désormais un ton différent de celui qu'il employait encore il y a quelques mois.

La question des loups guerriers est très complexe à lire. Elle a donné lieu à un véritable débat au sein du système chinois. Certaines personnalités et dignitaires ont plaidé contre cette orientation de la diplomatie chinoise.

Concernant la BRI, vous avez raison, même si le terme était bien, au départ, celui de « route de la soie ».

Enfin, il est toujours difficile de cerner les opérations d'influence sur des politiques, notamment lorsqu'elles se déploient à très bas bruit. Nous pouvons cependant essayer d'y parvenir, d'abord en identifiant les bons dispositifs. Ainsi, le principal dispositif chinois qui tente de recruter des hommes et femmes politiques est le Département des liaisons internationales (DLI), qui est rattaché au Comité central du PCC. Le DLI avait historiquement la charge des relations avec les partis communistes dans le monde, qu'il conserve encore – les relations entre la Chine et la Corée du Nord, par exemple, sont des relations de parti à parti et non d'État à État. Après l'effondrement du bloc de l'Est, le DLI a étendu ses activités à l'ensemble des partis politiques et organise régulièrement des évènements en Chine, où des hommes politiques sont invités. En conséquence, surveiller qui se rend à ces manifestations représente un bon moyen de repérer ceux qui sont devenus des cibles du PCC. Tous les partis sont potentiellement concernés : depuis deux ans, nous observons d'ailleurs l'utilisation d'une rhétorique d'extrême droite par le PCC, qui maintient simultanément des liens avec des organisations situées à l'opposé du spectre politique.

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