Intervention de Frédéric Charillon

Réunion du jeudi 19 janvier 2023 à 18h00
Commission d'enquête relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères-États, organisations, entreprises, groupes d'intérêts, personnes privées-visant à influencer ou corrompre des relais d'opinion, des

Frédéric Charillon, professeur en sciences politiques à l'université Paris Cité :

Les stratégies de corruption par l'argent existent toujours, comme l'illustrent les exemples récents au sein du Parlement européen, mais la rémunération peut également être indirecte. Je pense par exemple à la création de think tanks par certains pays qui nomment ensuite à leur tête des experts ou des chercheurs particulièrement bien rémunérés. Le fait de confier un statut particulier à certaines personnes peut les inciter à changer d'avis. J'ai pu le constater dans certaines régions du monde : des personnes très hostiles à un pays voisin peuvent modifier brusquement leur discours après une nomination, associée à une rémunération confortable et à d'autres avantages symboliques ou matériels comme des déplacements fréquents dans de très bonnes conditions d'hébergement ou des invitations à des événements de prestige. De telles pratiques sont de plus en plus fréquentes et il importe d'y prendre garde.

Les pressions économiques et les menaces de sanction représentent à la fois une forme d'influence et d'intimidation. Les États-Unis peuvent par exemple afficher des valeurs et estimer publiquement que ceux qui ne les partagent pas n'auront plus accès à certains avantages ou réseaux. Les pratiques se diversifient et deviennent également de plus en plus subtiles. Dans ce cadre, il semble pertinent de revoir nos instruments de résistance ou de contre-attaque. Pour ma part, j'ai déjà été approché par des pays qui m'ont indiqué qu'un de leurs concurrents directs mettait en place un think tank à Paris et qui me proposaient de jouer un rôle dans une structure similaire qu'ils envisageaient de créer – et il était évident que ce ne serait pas du bénévolat. La discussion n'est pas allée plus loin.

Ces pratiques sont en apparence anodines et non répréhensibles – on a le droit de créer un institut de recherche –, mais elles ont néanmoins pour objet d'acheter des loyautés. Ceci passe notamment par le repérage et l'identification de personnes estimées comme vulnérables. Il peut s'agir de personnes encore très influentes, de réels leaders d'opinion, mais qui peuvent à certains moments de leur vie éprouver une déception professionnelle ou redouter de ne plus exercer des fonctions de premier plan. Elles peuvent donc être sensibles à des approches leur offrant la possibilité de continuer à rayonner, de voyager et d'être reçues dans de bonnes conditions.

De telles manœuvres sont plus subtiles que la simple remise d'une valise de billets et elles sont de plus en plus répandues.

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