Intervention de Sarah Legrain

Réunion du mercredi 1er février 2023 à 16h35
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSarah Legrain :

Monsieur le ministre, hier, presque trois millions de personnes sont descendues dans la rue contre votre réforme. Parmi elles, j'ai aperçu une femme avec cette pancarte : « Je déprime moins en simulant l'orgasme qu'en simulant ma retraite ». Peut-être que, comme la moyenne des femmes, elle touche une pension située sous le seuil de pauvreté, inférieure de 40 % à celle de son voisin masculin. Peut-être que, comme une femme sur cinq, elle devra travailler jusqu'à 67 ans pour ne pas subir la décote, ou peut-être qu'elle exerce l'un de ces trop nombreux métiers féminisés, dont la pénibilité n'est pas reconnue. Ainsi, une auxiliaire de vie porte des courses et des personnes à longueur de journée, sans que cela soit considéré comme une charge lourde. Peut-être subit-elle un temps partiel faute de solutions de garde d'enfants. Monsieur le ministre, vous parvenez à aggraver cette réalité vécue par les femmes avec votre réforme qui entraîne une augmentation de la durée de travail deux fois plus forte pour les femmes, comme le montre votre étude d'impact. Vous vous réjouissez que leur pension augmente « un peu » : c'est la moindre des choses en travaillant plus.

N'ayez pas l'indécence de nous parler du minimum contributif à 1 200 euros brut ou de la prise en compte de la maternité, car ce minimum est conditionné à des carrières complètes. Nous sommes suffisamment intelligentes pour constater que nos trimestres acquis lors de la naissance de nos enfants partiront en fumée avec le report de l'âge légal.

Élisabeth Borne ment quand elle dit que les femmes seront les « grandes gagnantes » et vous mentez en disant que cette réforme avantage les femmes. Avec votre réforme, tout le monde est perdant et les femmes sont les grandes perdantes ; dans un timide élan de sincérité, votre collègue, le ministre Riester, l'a reconnu : les femmes sont « un peu » pénalisées par le report de l'âge légal.

Pour répondre à la litote par la litote, je vous dis que les femmes sont « un peu » déterminées à ne pas laisser passer cette réforme injuste. Elles se mettent en grève quoi qu'il leur en coûte et elles descendent dans la rue, bien décidées à vous faire reculer. Vous devriez les entendre, car l'histoire le montre : quand les femmes s'en mêlent, le pouvoir tremble.

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