Intervention de Loïc Kervran

Séance en hémicycle du mercredi 1er mars 2023 à 21h30
Politique du médicament et pénuries

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLoïc Kervran :

« M. Loïc Kervran attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la pénurie du vaccin « pneumovax » ainsi que sur d'autres médicaments dans les pharmacies de ville. […] Les difficultés d'approvisionnement frappent également de nombreux autres médicaments, dont des médicaments d'intérêt thérapeutique majeur, qui se retrouvent en rupture de stock temporaire dans de nombreuses pharmacies. […] Les causes des ruptures semblent multiples (défaillance des outils de production, production insuffisante, difficultés d'approvisionnement en matières premières, défaut de qualité, etc.) et s'expliquent en partie par la complexité et la mondialisation des chaînes de production des médicaments. En conséquence, la moindre défaillance dans la chaîne de production crée une rupture de stock généralisée à l'Europe entière. Ainsi, il lui demande quelles sont les mesures envisagées par le Gouvernement pour pallier ces difficultés d'approvisionnement des médicaments. »

C'est ainsi qu'était libellée une de mes questions écrites, publiée au Journal officiel le 4 avril 2018, avant la crise sanitaire de la covid, avant la guerre de la Russie contre l'Ukraine. Depuis, la situation a empiré, les pénuries se sont intensifiées, les ruptures se sont étendues à de nombreux médicaments. En 2022, 3 000 molécules ont été concernées par une rupture de stock ou une tension sur l'approvisionnement, contre 300 il y a dix ans. La cortisone, le paracétamol, la Ventoline, mais aussi des produits de base comme le sérum physiologique, manquent dans les officines.

Déjà confrontés à d'importants problèmes de recrutement, les pharmaciens passent des heures à tenter de trouver un fournisseur pour répondre à leurs clients. Une charge supplémentaire pèse sur les médecins, qui doivent adapter leurs prescriptions aux disponibilités.

Il serait commode et confortable de dire que tout cela n'est qu'un phénomène conjoncturel dû à une combinaison de facteurs géopolitiques et sanitaires. Bien sûr, la guerre en Ukraine et ses conséquences sur la disponibilité de certaines matières premières affectent la fabrication de certains contenants. Bien sûr, l'épidémie de covid en Chine fragilise la production et incite le pays à privilégier son marché intérieur. Bien sûr, la conjonction d'épidémies en décembre 2022 a contribué aux tensions sur les médicaments, notamment infantiles.

Mais si j'ai choisi de commencer cette intervention par mon alerte de 2018, c'est parce que le groupe Horizons et apparentés considère que le phénomène, avant d'être conjoncturel, est structurel. Il doit nous interpeller, car son aggravation continue dit quelque chose de très simple : les réponses apportées ne sont pas à la hauteur de la situation.

Ce qui est en jeu, c'est la santé, parfois la vie des Français. Le risque que notre système de soins ne soit plus capable de traiter les infections graves, abandonne les insulino-dépendants, ne soit plus en mesure de réaliser des opérations chirurgicales vitales, ne puisse plus vacciner sa population ne peut plus être écarté. C'est aussi un problème démocratique majeur, car les pénuries de médicaments sont emblématiques de ce sentiment d'impuissance du politique et de déclin de la France que ressentent nombre de nos compatriotes.

Résoudre ces difficultés, c'est d'abord intégrer le fait que le médicament est un sujet souverain. Je n'ai pas la prétention de dessiner ce que devrait être une ambition de souveraineté retrouvée sur le médicament, mais nous pouvons proposer quelques pistes à notre sagacité collective.

Il y a d'abord une nécessité d'identification et de priorisation : dresser un état des lieux des médicaments essentiels et indiquer, pour chacun d'entre eux, les risques et fragilités d'approvisionnement est le préalable incontournable. Des mesures immédiates pourraient ensuite être prises pour chacun de ces médicaments, à commencer par l'effectivité des stocks obligatoires – sur laquelle il y a eu des progrès –, en diminuant par exemple les dérogations aux obligations de stockage. Le travail sur les chaînes de production existantes en France et en Europe est également indispensable pour identifier les fabricants, les aider lorsqu'ils sont en situation économique difficile ou leur permettre de développer leurs chaînes de production.

Des actions de fond et de plus long terme sont également nécessaires. Bien entendu, la relocalisation de la production de principes actifs en France et en Europe doit devenir une réalité. Nous avons de nombreux atouts pour cela, à commencer par la formidable attractivité de notre pays. Nous ne pourrons pas non plus faire l'économie d'un réel travail sur la prescription et l'observance, dans un pays champion du mauvais usage du médicament et des prescriptions injustifiées. Enfin, nous n'échapperons pas à la remise à plat de notre modèle économique du médicament et de l'innovation thérapeutique. Je prends deux exemples de prix, qui incluent les marges des officines : 1,73 euro les trente comprimés de metformine, pour le diabète, et 7,66 euros les cent comprimés de lithium, pour les troubles bipolaires. Ce modèle économique ne va plus ! Il pousse aux délocalisations et à la mise sous pression des façonniers, nous exposant à la rupture au moindre grain de sable.

Pour construire le chemin de résolution de ces pénuries, il faut une volonté : celle de protéger les Français et de reconstruire pierre après pierre notre souveraineté. Il faut aussi une stratégie qui construise une réelle souveraineté sanitaire à l'échelle française et européenne. C'est la volonté du groupe Horizons et apparentés.

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